En 2024, la France produit plus d’électricité qu’elle n’en consomme. Une excellente nouvelle sur le papier, mais encore faut-il savoir comment tirer parti de cette surcapacité. Car si l’énergie reste inutilisée ou mal orientée, c’est toute la transition énergétique qui risque de ralentir.

Une production redevenue excédentaire grâce au nucléaire et aux renouvelables
Après une période marquée par les pannes, les retards et les doutes, la production électrique française retrouve des couleurs. Le parc nucléaire tourne à nouveau presque à plein régime. À cela s’ajoute un effort sans précédent sur les énergies renouvelables, notamment l’éolien et le solaire, qui ont permis d’atteindre 7 GW de capacité installée supplémentaire en un an.
Grâce à cette dynamique, la France a pu battre son record d’exportation avec un solde net de 89 TWh. Cela signifie qu’on produit aujourd’hui bien plus que ce que le pays consomme. Ce retournement ouvre une fenêtre stratégique inédite. Mais il pose aussi une question simple : à quoi bon produire autant si l’on ne sait pas quoi faire de cet excédent ?
Malgré un mix électrique vertueux, la France reste plombée par sa dépendance aux énergies fossiles
Ce paradoxe saute aux yeux : notre électricité est propre et excédentaire, mais nous restons accros aux énergies fossiles. Gaz, pétrole et charbon représentent encore 60 % de la consommation finale d’énergie. Ces importations massives coûtent entre 50 et 70 milliards d’euros chaque année à la France. Un gouffre économique qui affaiblit notre souveraineté.
Ce déséquilibre s’explique par le fait que la majorité de nos usages énergétiques — transport, chauffage, industrie — repose encore sur les hydrocarbures. Or, produire une électricité verte ne suffit pas : encore faut-il que les secteurs l’utilisent. Sans bascule vers des solutions électrifiées, la transition énergétique française risque de rester incomplète et peu rentable à long terme.
Électrification des usages, hydrogène vert, data centers : des débouchés encore sous-exploités
Les usages potentiels de cette électricité abondante existent, mais restent trop souvent théoriques. L’électrification des voitures, par exemple, devrait représenter à elle seule 17 TWh de plus d’ici 2030. La production d’hydrogène vert par électrolyse pourrait en absorber 15 TWh supplémentaires, tout comme la conversion industrielle vers des procédés moins polluants.
Et ce n’est pas tout : le numérique est un puits énergétique qui ne demande qu’à croître. Les data centers, souvent montrés du doigt, pourraient devenir une opportunité. En triplant leur consommation d’ici 2030, ils atteindraient 15 TWh. Si la France sait capter cette croissance, elle pourrait à la fois valoriser sa production et stimuler une économie numérique plus locale.
Trop d’électricité, pas assez d’anticipation : sans stratégie, l’excédent peut devenir un frein
Une surcapacité non anticipée, mal orientée, peut paradoxalement freiner les investissements futurs. Pourquoi construire de nouvelles centrales ou installer des panneaux si l’énergie ne trouve pas preneur ? Ce blocage peut entraîner des pertes, voire des hésitations politiques, ralentissant ainsi la transition énergétique dans son ensemble.
Pour éviter ce piège, il faut penser au-delà de la seule production. Développer les infrastructures, créer des incitations pour électrifier les usages, soutenir l’innovation locale : autant de leviers indispensables. Une stratégie claire et ambitieuse est nécessaire pour transformer cette abondance en avantage durable — et non en problème de riche mal géré.
Ce n’est donc pas seulement une affaire d’ingénieurs ou de kilowattheures. L’enjeu est politique, économique, territorial. Il s’agit de construire un écosystème cohérent autour de cette énergie disponible, en mobilisant tous les acteurs concernés. Sans vision partagée, même l’excès peut devenir stérile.
Par Gabrielle Andriamanjatoson, le
Source: Futura
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Catégories: Écologie, Actualités