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Portrait de Kamala Harris, future vice-présidente des États-Unis

Fille d’immigrés, elle devient la première femme à accéder à ce poste

L’élection présidentielle américaine de 2020 restera définitivement dans les mémoires. Une figure, en particulier, a fait de cette année une élection historique : la vice-présidente élue, qui prendra ses fonctions en janvier aux côtés de Joe Biden, Kamala Harris. Fille d’immigrés, elle devient la première femme à accéder à ce poste. Procureure, sénatrice, elle a un temps été pressentie pour devenir juge à la Cour suprême. Finalement, c’est sa carrière politique qui a pris un tournant fulgurant, avec sa candidature à la présidence des États-Unis, puis son ralliement à Joe Biden.

Une histoire familiale hors du commun

Kamala Harris est un personnage qu’on peut difficilement qualifier de banal. Première femme à accéder à la vice-présidence des États-Unis, elle tire sa force de son histoire familiale. Sa mère, Shyamala Gopalan, indienne, et son père, Donald Harris, jamaïcain, se rencontrent dans les années 1960 sur les bancs de l’université de Berkeley, en Californie. Sa mère est chercheuse spécialiste du cancer du sein et son père est professeur d’économie. Ils militent ensemble pour les droits civiques, militantisme qui a influencé la jeune Kamala, née en 1964.

Elle a 5 ans quand ses parents se séparent. Kamala et sa soeur, Maya, née en 1967, restent avec leur mère. « Ma mère a très bien compris qu’elle élevait deux filles noires. Elle savait que son pays d’adoption nous verrait Maya et moi comme des filles noires et elle était déterminée à faire en sorte que nous grandissions comme des femmes noires sûres de nous et fières », écrit-elle dans son autobiographie, The Truths We Hold. Dans les années 1970, elle bénéficie du système de « busing », qui a permis à des enfants noirs des quartiers défavorisés de pouvoir aller à l’école dans les quartiers plus aisés, où étaient scolarisés en majorité des enfants blancs. Elle a d’ailleurs reproché, durant les débats à la primaire démocrate, à Joe Biden, de s’être à l’époque opposé à ce système. Dans les années 1970, alors sénateur du Delaware, Joe Biden avait en effet pris position contre le busing. « Il y avait une petite fille en Californie qui appartenait à la deuxième génération à aller dans son école publique en bus chaque jour. Cette petite fille, c’était moi », lui a-t-elle notamment déclaré.

Adolescente, en 1976, elle part avec sa mère, qui a obtenu un poste de chercheuse à  l’Université McGill. Elle y étudie dans une école francophone, puis dans une école de Westmount, d’où elle sort diplômée. Elle revient ensuite aux États-Unis pour étudier à Howard, la plus grande université noire du pays, fondée en 1867, à Washington. Elle se souvient avec fierté avoir appartenu à Alpha Kappa Alpha, une association d’étudiantes noires aux États-Unis. Elle entre ensuite à la faculté de droit Hastings, en Californie, avant d’intégrer le barreau de ce même État en 1990.

Une procureure controversée

Elle est tout d’abord élue procureure de San Francisco en 2004, où elle est doit justifier de sa liaison, en 1994, avec le speaker de l’Assemblée de Californie, Willie Brown, qui l’avait nommée à 2 commissions rémunérées, et qui avait 30 ans de plus qu’elle. Ce dernier est d’ailleurs sorti du silence en 2019, alors que cette histoire ressortait à l’occasion de la campagne présidentielle : « Oui, nous avons eu une liaison », a-t-il déclaré dans le San Francisco Chronicle. « J’ai aidé sa carrière, tout comme celles de Nancy Pelosi et Gavin Newsom. La différence, c’est qu’elle est la seule qui m’a fait savoir que je serais inculpé si je faisais le moindre écart, ne serait-ce que traverser en dehors des clous, pendant qu’elle était procureure de San Francisco. »

Elle est élue à 56 % après avoir eu le soutien, notamment, des syndicats de policiers, et avoir attaqué son patron et adversaire, Terence Hallinan, pour le laxisme dans les poursuites criminelles de son service. Mais cette idylle avec les policiers ne va pas durer : elle n’a pas réclamé la peine de mort pour le meurtrier de l’un d’eux. Paradoxalement, elle a ensuite refusé d’apporter son soutien à 2 projets de référendum qui auraient aboli la peine de mort en Californie. Cécile Coquet-Mokoko, professeure de civilisation américaine à l’université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines, explique à France Culture : « À mon avis, Kamala Harris est plutôt une politicienne qu’une idéologue ou une personne de convictions. Je peux me tromper, mais elle ne donne pas vraiment le sentiment d’avoir une grande cause qui l’aurait amenée en politique. »

 Elle est également élue procureure générale de Californie, où son bilan est assez mitigé, notamment auprès des électeurs noirs, qui plaçaient de grands espoirs en elle. Elle a notamment refusé d’enquêter sur des affaires de violences policières. « En 2014, elle va refuser d’enquêter sur la mort de deux Afro-Américains qui sont abattus par la police. En 2015, elle ne soutiendra pas un projet de loi qui obligeait le procureur général, elle à l’époque, à nommer un procureur qui se spécialise dans la poursuite judiciaire des violences policières », explique David Vauclair, professeur à l’Institut libre d’étude des relations internationales (ILERI), spécialiste de géopolitique et d’histoire contemporaine, à France Culture.

― Maverick Pictures / Shutterstock.com

Une femme politique d’envergure

Aux États-Unis, le procureur est élu, il doit intégrer un parti politique. Kamala Harris se tourne donc vers le Parti démocrate. Avant de devenir procureure générale de Californie en 2010, elle s’était impliquée dans la campagne de Barack Obama en 2008. Durant son mandat, elle se bat aux côtés de Beau Biden, son homologue du Delaware, contre un accord négocié avec 5 banques responsables du krach de 2008. Selon elle, l’accord n’était pas assez avantageux pour son État, et elle finit par en arracher un nouveau, distribuant 20 milliards de dollars aux habitants de Californie. L’accord permet également de poursuivre d’autres plaintes contre les banques.

Elle est élue au Sénat en 2016 (elle est alors la première originaire du sud de l’Asie à y siéger), et se fait connaître par ses interrogatoires musclés. Elle est en effet membre de plusieurs commissions, dont celle sur le renseignement, et enquête sur d’éventuelles collusions entre l’équipe de campagne de Donald Trump et la Russie. Lors de l’interrogatoire de Jeff Sessions, qui fut ministre de la Justice de Donald Trump, celui-ci s’est déclaré « nerveux d’être ainsi pressé de questions ».

Elle se présente aux élections présidentielles de 2020, mais finit par abandonner et se rallier à Joe Biden, avec qui elle a pourtant eu des échanges durs pour la campagne pour l’investiture démocrate. Féministe, elle a porté symboliquement une tenue blanche pour son premier discours de vice-présidente, en hommage aux suffragettes du XIXe siècle et du XXe siècle qui se sont battues pour le droit de vote, et qui étaient vêtues de blanc. Elle a ainsi rendu hommage aux femmes qui « ont ouvert la voie » et promis que, même si elle est la première, elle ne sera pas « la dernière », « car chaque petite fille qui regarde ce soir voit que c’est un pays de tous les possibles ».

Par Marine Guichard, le

Source: Brut America

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