John Ronald Reuel Tolkien a eu une vie exemplaire. Écrivain et poète, professeur et philologue, c’était un vétéran de la Première Guerre mondiale où il combat durant la bataille de la Somme avant d’attraper la fièvre des tranchées. Si on le connaît aujourd’hui, ce n’est pas pour son héroïsme, mais pour Le Seigneur des anneaux et Le Hobbit. Pourtant, sa bibliographie est loin de s’arrêter là et on vous propose donc de parcourir les autres oeuvres essentielles de Tolkien.
Avant tout, il faut savoir que de nombreuses histoires ont été écrites durant différentes séances parfois espacées de plusieurs années ou décennies. On suivra donc une chronologie de la publication de ses oeuvres afin de rendre la chose plus claire. Et après tout, c’est comme ça que les lecteurs ont découvert ses récits. Tolkien commence à écrire vers ses 18 ans, inspiré par son étude de la mythologie nordique, en particulier la Volsunga saga et l’Edda. Passionné par le monde médiéval, il plonge dans l’univers des poèmes épiques, Beowulf en tête, dont il écrira un essai publié en 1936. Un an plus tard sort Le Hobbit, qu’il rédige durant toutes les années 20 et une partie des années 30.
Peu après la fin de la Seconde Guerre mondiale, Tolkien donne une copie de Le Lai d’Aotrou et Itroun à un ami éditeur qui le publie dans la Welsh Review. En guise de rappel, le lai est une forme de poème apparue au XIIe siècle et qui connaît plusieurs variations suivant les pays d’origine. Aotrou et Itroun sont des nobles bretons qui tentent d’avoir un enfant sans y parvenir. Aotrou, le mari, va trouver la sorcière Corrigan (inspirée d’une créature du folklore breton) pour obtenir une potion de fertilité. Mais cette dernière a un prix, et la sorcière ne le révélera qu’une fois les enfants nés.
TOLKIEN ÉTAIT INSPIRÉ PAR LA MYTHOLOGIE NORDIQUE
Quelques mois plus tard naissent des jumeaux et la sorcière réapparait donc pour recevoir son paiement : l’amour d’Aotrou. Par amour et fidélité envers Itroun, il refuse catégoriquement. Furieuse, Corrigan maudit Aotrou à mourir dans trois jours. Il tombe malade et la malédiction fait son affaire. Itroun s’inquiète de la disparition de son mari et lorsqu’elle apprend la mort de ce dernier, se laisse mourir de chagrin. Les amoureux ne verront donc jamais leurs enfants grandir. Un poème magnifique qui fait réfléchir sur la notion du mariage chrétien et qui fait rêver par son atmosphère folklorique.
TOLKIEN ÉTAIT LOIN DE MANQUER D’HUMOUR
Malgré les différentes tragédies et périodes traumatisantes de sa vie, Tolkien était loin de manquer d’humour. En 1949 est publié Le Fermier Gilles de Ham, une comédie qui prend la forme d’une fable où un fermier se retrouve avec une épée légendaire qui va lui permettre de contrôler un dragon à moitié marrant, à moitié effrayant. Véritable anti-héros, Gilles est à la limite de l’obésité et mène une vie paisible. En dépit de cela, les circonstances vont faire de lui un héros dans l’esprit du royaume alors qu’il n’a clairement pas la pointure pour remplir le rôle. La fable se situe dans une période fictive de l’Âge sombre où apparaissent différentes créatures mythologiques et des armes à feu !
La prochaine oeuvre que l’on va passer en revue a fait couler beaucoup d’encre quant à son interprétation et au sens qu’a voulu donner Tolkien à l’histoire. Ce livre entre le conte et le roman, c’est Smith de Grand Wootton, publié en 1967. Cette fois, Tolkien laisse son imagination s’étendre sur les fées et le monde dans lequel elles vivent. Au programme : des voyages chez les fées, un gâteau gigantesque d’une fête célébrée seulement tous les vingt-quatre ans et des arbres magiques. Derrière cet éventail fantastique, le récit est bourré de références religieuses et d’allusions à la propre vie de Tolkien. Une histoire qui ne ressemble à aucune autre.
Après Le Hobbit et Le Seigneur des anneaux, voici certainement l’oeuvre la plus connue de Tolkien : Le Silmarillion. Publié de façon posthume en 1977 quatre ans après sa mort, le livre conte la genèse de la Terre du Milieu. Entre cosmogonie et histoire des races, c’est un livre moins littéraire, mais d’autant plus passionnant pour l’amateur de Tolkien qui aura la sensation de parcourir un livre d’Histoire, déstabilisant la frontière entre la Terre du Milieu et le monde réel. Le titre vient des Silmarils, trois joyaux légendaires aux pouvoirs extraordinaires. Bien entendu, comme tout grand artéfact, ils seront une source de conflits au cours de l’histoire.
On change de ton avec Roverandom, apparu qu’en 1998, mais écrit en 1927. En effet, dans ce conte d’aventure initialement prévu pour ses enfants, Tolkien glisse plusieurs niveaux de lecture avec l’idée qu’ils pourront en tirer quelque chose de plus une fois qu’ils auront grandi. Beaucoup de références à la mythologie sont donc faites dans ce récit qui gravite autour d’un petit chien du nom de Rover. D’habitude, ce sont les humains qui gagnent des pouvoirs après un accident avec un animal étrange, mais dans ce cas c’est Rover qui se transforme en jouet après avoir énervé un sorcier ! Le chien-peluche va se lier d’amitié avec un petit garçon puis partir à l’aventure dans la mer et sur la Lune.
Pour finir, revenons un peu en Terre du Milieu avec Les Enfants de Húrin qui ne nous est parvenu qu’en 2007 alors que les premières lignes sont vieilles d’un siècle et que Tolkien n’y mit le point final que juste avant sa mort en 1973. Inspiré, entre autres, par le personnage de Kullervo de la mythologie finnoise, Tolkien dresse le portrait de la lignée de Húrin, maître de la maison de Hador, enfermé pendant vingt-huit ans par Morgoth, le premier seigneur des ténèbres et déjà le principal antagoniste dans Le Silmarillion. Une atmosphère sombre et ancienne, des batailles épiques, l’histoire des races, des personnages inoubliables : tout est réuni dans Les Enfants de Húrin pour en faire une oeuvre phare de la bibliographie de J. R. R. Tolkien.
Son oeuvre va bien évidemment plus loin. Avec des centaines de poèmes et histoires reliées ou non à la Terre du Milieu, la bibliographie de Tolkien peut vous offrir de nombreuses heures de lecture passionnantes. Avec les plus récentes publications, on se demande avec excitation quel genre de manuscrit pourrait faire surface à l’avenir et si nous aurons la chance de lire de nouvelles histoires écrites par le grand J. R. R. Tolkien. Seriez-vous tenté par un livre en rapport avec la Terre du Milieu ou quelque chose de complètement différent ?