Peu après le succès planétaire de Star Wars, George Lucas expliquait que son univers et la structure narrative de la franchise avaient été largement influencés par le travail de Joseph Campbell. Le mythologue est en effet connu pour sa théorie du monomythe qui décrypte le schéma que suivent les mythes et l’intégration des différents archétypes. Quelle que soit la mythologie ou l’époque, on retrouve les mêmes marqueurs partout. Et lorsque George Lucas a écrit Star Wars, il n’a pas hésité à réutiliser les mêmes.
Joseph Campbell est né en 1904 à New York et grandit avec une passion pour la culture amérindienne et sa mythologie. Il dévore tous les contes et les légendes sur lesquels il peut mettre ses mains et déjà note la similarité entre certaines mythologies. Il débute des études de biologie, mais arrête pour plonger dans les sciences humaines où il obtient un master de littérature médiévale en 1927.
Poursuivant son apprentissage à Paris puis à Munich, il apprend le français, l’allemand, le japonais et le sanskrit. Lorsqu’il revient aux États-Unis, il ne poursuit par son parcours avec un doctorat, mais loue une petite maison dans les bois pendant cinq ans, lisant plus de neuf heures par jour sur toutes les cultures et mythologies du monde. Selon lui, ce fut sa véritable éducation.
Une fois sa vie d’ermite finie, il devient professeur au Sarah Lawrence College, où il restera de 1934 à 1972. Il se passionne pour les travaux de Carl Gustav Jung, sur l’interprétation des rêves, l’inconscient collectif et les archétypes classifiés par le psychiatre. Vient ensuite l’influence de l’anthropologue Adolph Bastian qui avait déjà au siècle précédent proposé le concept d’idées élémentaires à chaque mythologie.
Réconciliant cela avec ses connaissances académiques sur la mythologie, il écrit en 1949 Le Héros aux mille et un visages ou The Hero with a Thousand Faces. Où que l’on soit dans le monde, on peut trouver chez n’importe quelle civilisation des mythes reprenant la même structure narrative et les mêmes archétypes que chez les autres.
Le voyage du héros ou le monomythe cherche toujours à nous apprendre quelque chose, à éclairer notre place dans le cosmos et le chemin à suivre dans notre vie. Ainsi, toutes les mythologies et les religions dont elles découlent sont vraies, mais aucune n’est à prendre littéralement. Et dans le fond, toutes disent la même chose.
Cela fonctionne partout et à toutes les époques, car cette structure narrative et ces archétypes font écho à quelque chose qui résonne avec chacun de nous. Et c’est justement ce principe qui a fait de Star Wars le phénomène culturel qu’il est devenu. Pour Campbell, Star Wars était une nécessité bienvenue, qui permettait de réinventer les mythes ancestraux sous une forme moderne.
Dans l’esprit de George Lucas, l’influence de Campbell ne fait aucun doute puisqu’il affirmait lui-même que « sans Joseph Campbell, je serais certainement toujours en train d’écrire Star Wars aujourd’hui ». Dans une conférence de presse plusieurs années après la mort de Joseph Cambpell en 1987, Lucas confiait : « Quand j’ai commencé à écrire Star Wars, je m’intéressais déjà beaucoup aux contes et aux légendes, mais la littérature de science-fiction était en pleine explosion, donc j’ai cherché à réconcilier les deux. C’est là que j’ai découvert Campbell et ses livres et que je me suis rendu compte que j’avais dans mes grandes lignes suivi la structure narrative des mythes. J’ai tout réécrit pour en faire quelque chose de plus consistant par rapport à ce que j’apprenais de Campbell. »
Luke Skywalker passe par le voyage du héros au même titre que les héros de la mythologie : l’idée d’un appel à l’aventure, d’être attiré vers la sagesse à travers un mentor, trouver des alliés et un antagoniste mystérieusement lié à lui, surmonter des épreuves puis revenir tout en étant transformé. Si vous voulez des exemples concrets de marqueurs du monomythe dans la structure narrative de Star Wars, voici quelques exemples :
L’appel de l’aventure > Le message de la princesse Leia
Impossibilité de partir > Luke doit aider pour la récolte
L’apparition du guide > Obi-Wan Kenobi
La première épreuve > S’échapper de Tatooine
Coeur du camp ennemi > Décharge sur l’Étoile de la mort
Le sacrifice > Obi-Wan Kenobi face à Darth Vader
L’apparition du mentor > Yoda
Les épreuves > L’entraînement aux pouvoirs de la Force
Tentation > Luke tenté par le côté obscur
Apothéose du héros > Luke devient un véritable jedi
La prophétie > Darth redevient Anakin et tue l’empereur
Reconciliation figure paternelle > Darth et Luke à la fin
Victoire sur le mal > Étoile de la mort détruite
Le succès financier colossal de Star Wars influence par la suite Hollywood à s’inspirer du travail de Joseph Campbell (George Miller avec Mad Max, les frères Wachowski avec Matrix, etc.). Plus tard, c’est Christopher Vogler qui transformera son travail dans une version plus digeste pour les scénaristes des studios Disney qu’ils utiliseront par exemple pour Le Roi lion. En France, l’exemple le plus connu est Alexandre Astier qui considère les enseignements de Campbell comme essentiels pour l’écriture de Kaamelott. Apprendre à repérer le monomythe dans le travail de Campbell permet de décrypter bien plus facilement de nombreuses histoires et Star Wars est avant tout une franchise qu’il faut considérer comme un mythe épique, reprenant le schéma des premières légendes et des contes les plus anciens.