Elle est la première femme au monde à avoir fait le tour du monde. En 1767, Jeanne Barret, botaniste, brave une interdiction royale et se déguise en homme pour faire partie de l’équipage de Bougainville et recenser les nouvelles espèces de plantes à travers le monde. Découvrons une des plus grandes féministes qu’ait connue la France et que l’Histoire a oubliée.
Le 29 avril 2014, Eric Tepe, biologiste à l’université de l’Utah aux États-Unis, a décidé de nommer une nouvelle espèce de plante venue du Pérou et de l’Equateur : Solanum baretiae, en référence à Jeanne Barret. Le chercheur voulait rendre hommage à « ce modèle de force, de courage et de dévouement ».
Née en 1740, en Bourgogne, issue d’une famille très modeste, Jeanne Barret se retrouve orpheline avant d’avoir 20 ans. Après la mort de son père, elle devient domestique chez Philibert Commerson, botaniste du roi. Elle se passionne rapidement pour la discipline et pour celui, de vingt ans son aîné, qui lui a tout appris. Elle va, à la faveur de cette rencontre, s’arracher à sa condition sociale et plus tard, à sa condition de femme.
JEANNE BARRET SE FAISAIT PASSER POUR LE VALET DE SON MARI POUR VOYAGER
Philibert Commerson est veuf. C’est un homme plutôt renfermé mais passionné et très talentueux dans son domaine : la botanique. Il fait découvrir son travail à Jeanne Barret qui s’avère être une élève très douée. Ils tombent amoureux et Jeanne finit par tomber enceinte.
C’est dans le but de fuir les rumeurs mais aussi afin de répondre à l’invitation du roi de rejoindre la cour pour devenir botaniste officiel, que Jeanne Barret et celui qui devient alors son mari s’installent à Paris. Cette nomination s’accompagne d’un ordre de mission immédiat de rejoindre Bougainville pour une expédition autour du monde.
Pour le couple, il est hors de question de se séparer et de priver Jeanne de cette chance extraordinaire de découvrir de nouvelles espèces. Ils décident, ensemble, de braver l’interdiction royale de 1689, qui stipule que les femmes ne peuvent faire partie d’un équipage.
Ils embarquent ensemble en 1766 sur un navire de la marine royale. Elle est déguisée en homme et se fait passer pour le valet de son mari. Du Brésil à l’Uruguay en passant par des archipels de l’océan Indien, ils vont recenser plus de 6 000 espèces de plantes, avant que la supercherie ne soit découverte.
Selon Eric Tepe, « Barret est celle qui a recueilli les plantes les plus spectaculaires lors de ce voyage ». À bord, Jeanne redouble d’efforts pour paraître virile. Elle se bande la poitrine, se bourre la taille de tissu et fait preuve d’une exceptionnelle force de travail. Pourtant, les rumeurs naissent au sein de l’équipage. Au cours d’une escale à Tahiti, le pot aux roses est découvert.
Les Tahitiens démasquent son parfum de femme lorsqu’elle débarque. Ils se massent autour d’elle et crient : « Ayene Ayene ! » (femme). Bougainville est admiratif, comme le montrent ces phrases extraites de son Journal : « Elle s’est toujours conduite avec la plus scrupuleuse sagesse. J’ai pris des mesures pour qu’elle n’essuyât rien de désagréable. »
Cet épisode, survenu le 3 avril 1768, scelle néanmoins la fin du voyage. Philibert Commerson et Jeanne sont débarqués à Port-Louis, capitale de l’île Maurice, le 8 novembre 1768. Philibert Commerson s’éteint à 46 ans, le 13 mars 1773. A son retour en France, le roi attribuera à Jeanne Barret une rente pour son mérite en tant qu’exploratrice.