À la base, tous les territoires étaient habités par des peuples autochtones, en Amérique comme en Afrique ou en Océanie. Les colonisations et l’arrivée de la modernité ont modifié beaucoup de choses et ont amené un brassage de population. Certains peuples hors de la société moderne continuent à exister pourtant. C’est le cas des Jarawa, un peuple afro-asiatique en grand danger pour de nombreuses raisons. Zoom sur ces autochtones qui luttent pour leur indépendance.
Le peuple Jarawa en grand danger
Le 2 mai prochain sort un film intitulé « Nous sommes l’humanité », un documentaire poignant qui raconte les Jarawa. Ce peuple qui vit dans la forêt pluviale sur les îles Andaman dans l’océan Indien, est à cheval entre la culture africaine et indienne (asiatique). Ils sont de fait les derniers autochtones à vivre sur la grande île du sud. On en compte 400 à vivre sur ces îles. Ils ont été les premiers habitants avec les Sentinele, les Onge et les Grands Andamanais avant l’arrivée des Britanniques et des Indiens. Les Jarawa sont originaires d’Afrique à la base. Le film réalisé par Alexandre Dereims a pour but d’alerter la communauté internationale : les Jarawa se meurent et les humains sont responsables.
Le mode de vie de ce peuple afro-asiatique est en péril à cause des sociétés modernes. Les menaces principales sont au nombre de deux et viennent de l’extérieur : le braconnage et le tourisme. Les problèmes sont survenus avec la construction d’une route qui traverse leur territoire, amenant des vagues de touristes et des braconniers. Leur territoire a été coupé en deux par ce qui est devenu l’artère principale. Les colons ont pu circulé en flux ininterrompus sur ce territoire jusque-là sauvage (c’est la seule partie de l’archipel encore recouverte par la forêt pluviale). Si depuis, la Cour suprême indienne a ordonné au gouvernement local de fermer cette route (au prix d’une longue bataille juridique), ces derniers ont refusé de se soumettre et laissé la route ouverte.
Les fléaux ont un nom : braconnage et tourisme
Pourtant, la construction a été illégale et elle met en danger le peuple Jarawa. Aujourd’hui, l’archipel des Andaman est devenu un zoo humain à ciel ouvert. Même si leur territoire est protégé et que sa traversée peut coûter jusqu’à sept ans de prison, des convois militaires empruntent la route chaque jour pour amener des touristes avides de photos exclusives de ces autochtones secrets et qui ont vécu seuls pendant 50 000 ans… En 2013, Gethin Chamberlain, un journaliste du Guardian, a réussi à filmer ce safari humain. Suite à ce scandale, la route a été momentanément interdite aux touristes, avant de rouvrir. En plus du tourisme, il y a les braconniers, qui viennent chasser la nourriture nécessaire à la survie des Jarawa.
Dans le film, où les Jarawa s’expriment pour la première fois et acceptent de montrer leur mode de vie, on comprend mieux le danger que représente le braconnage pour eux. « Des braconniers viennent sur notre territoire. Ils viennent de l’autre monde. (…) Ils tuent tous nos cochons sauvages. Quelquefois, ils nous donnent de l’argent et des vêtements. On avait l’habitude de ne manger que des cochons, mais comme il n’y en a presque plus, on a été obligé de tuer des daims pour se nourrir. On ne sait pas quoi faire… » Ce cri du cœur est bouleversant et prouve qu’il y a urgence à agir. Entre les touristes et les braconniers, les Jarawa sont de plus en plus en danger sur leur propre territoire.
Un mode de vie incompatible avec une assimilation
Le film d’Alexandre Dereims nous plonge au cœur de ce peuple longtemps mystérieux. Le but du réalisateur est autant de les découvrir, mais aussi d’alerter l’opinion publique sur leur sort. « Je n’ai pas cherché à expliquer ni à décrire leur mode de vie. J’ai voulu mettre en lumière ce qui nous rapprochait, leurs humanités et leurs valeurs. Le plus marquant lorsque l’on partage la vie des Jarawa, c’est de sentir leur joie, d’être témoin de leur harmonie, de l’évidence de leur bonheur », explique-t-il. Le documentaire permet une immersion totale dans leur mode de vie (chasseurs et pêcheurs). Ni mise en scène ni narrateur, seuls les Jarawa parlent. On les découvre libres, sans croyances ni peurs. Et fait étonnant, les différentes familles réunies en plusieurs tribus n’ont pas de hiérarchie.
En découvrant tout cela, il est vraiment inconcevable de penser que le gouvernement indien veuille les assimiler à leur société moderne. Le choc serait trop grand pour eux. C’est pourtant l’objectif avoué par les autorités : assimiler les derniers d’entre eux à la population. Des écoles ont été ouvertes spécialement pour les Jarawa. On tombe dans le grotesque quand on découvre que le ministère des Affaires Tribales a suggéré de « donner des bananes » aux enfants pour les inciter à venir en cours… C’est pour appeler à leur protection que le film « Nous sommes l’humanité » sort. En plus du documentaire, une campagne de sensibilisation a été lancée et une pétition demande au gouvernement indien de réellement protéger les Jarawa. « Ils nous ont confié la responsabilité de diffuser leur message d’auto-détermination au monde entier », affirme Alexandre Dereims.
Aujourd’hui, les tribus isolées telles que les Jarawa sont en danger. Ils représentent des peuples vulnérables face à des forces très puissantes qui luttent contre eux. La protection de ces autochtones ne passera que par une prise de conscience collective, à laquelle un film comme celui d’Alexandre Dereims pourra grandement participer.
Par Thomas Le Moing, le
Source: We demain
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