Des analyses microscopiques menées par des chercheurs chinois et suisses ont permis d’identifier les mécanismes permettant aux femelles d’une minuscule espèce d’insecte ailée de prélever la semence des mâles.
L’étrange cas de « Neotrogla curvata »
Le monde animal regorge d’organes génitaux étranges, des pénis à quatre pointes des échidnés mâles aux parties saillantes (pseudo-pénis) des femelles hyènes et éléphants. Si certains insectes en ont également fait une arme anti-prédateur, les représentants d’une espèce cavernicole se nourrissant de guano de chauve-souris ont échangé leurs structures génitales typiques : les mâles possèdent une cavité semblable à un vagin et les femelles une structure comparable à un pénis (appelée gynosome).
Dans le cadre de travaux publiés dans la revue Royal Society Open Science, Zixin Cheng et ses collègues ont utilisé la microtomographie pour créer des modèles 3D de mâles et femelles Neotrogla curvata, afin de comprendre le fonctionnement de ces organes et établir les raisons de cette « inversion » des sexes.
Plus complexe que les pseudo-pénis, le gynosome possède des crochets à sa base, permettant aux femelles de s’accrocher aux mâles pendant une durée étonnamment longue (jusqu’à 70 heures). L’équipe a découvert qu’une première série de muscles permettait le déploiement de l’organe et l’aspiration de la semence du mâle, tandis qu’une seconde entraînait sa contraction et le stockage du sperme dans deux cavités corporelles de la femelle.
Une source supplémentaire de nutriments
Selon les auteurs de l’étude, le fait que des femelles Neotrogla curvata trop jeunes pour se reproduire aient été observées en train de récolter la semence des mâles suggère que cette dernière constituerait une source supplémentaire de nutriments se révélant particulièrement précieux dans les grottes où les ressources sont limitées.
« L’explication la plus probable est que l’évolution du pseudo-pénis chez cette espèce a été favorisée par la sélection sexuelle afin que les femelles puissent récolter davantage de nutriments séminaux, augmentant leurs chances de produire une progéniture viable », résument les chercheurs. « Ce que le faible nombre de larves observé dans les grottes brésiliennes semble indiquer. »
Bien que le don nuptial de nutriments par le biais des spermatophores ait été précédemment documenté chez d’autres insectes, les auteurs de l’étude notent que de nouvelles analyses suivant précisément le cheminement des nutriments dans le corps de la femelle seront nécessaires pour le confirmer chez Neotrogla curvata.