L’année 2017 a été terrible pour les Indiens du Brésil. Entre les meurtres commis par les chercheurs d’or, les persécutions des autorités, et les menaces du gouvernement, les indigènes du pays ont subi de nombreuses exactions. Retour sur une population qui lutte pour survivre.
Des peuples indigènes en danger
Au Brésil, la population est partagée entre autochtones et immigrés. Si de nombreux métissages ont eu lieu depuis la découverte du continent sud-américain par les Européens, quelques peuples indigènes n’acceptent toujours pas le mode de vie occidental. De ce fait, les peuples indiens s’isolent et préservent leurs traditions.
De nos jours, il reste près de 900 000 indiens au Brésil (moins d’1 % de la population totale), occupant un total de 690 territoires indigènes qui s’étendent sur environ 13 % du pays. Fait important à noter : 98,5 % de ces territoires se trouvent en Amazonie. Grâce à l’action de la Fondation nationale de l’indien (FUNAI), fondée par un Indien bororo du nom de Cândido Rondon, ces divers peuples sont répertoriés, cartographiés et surtout contactés.
La majorité des Indiens ont été soit massacrés, soit assimilés durant le XXe siècle. Le gouvernement, au vu de leur future extinction, leur ont conféré un statut quasi-protégé en construisant des « réserves indiennes », souvent situées à des kilomètres de leurs terres ancestrales. Ces endroits, surpeuplés, entraînent chez les Indiens un fort taux de suicide, de nombreux homicides et un alcoolisme de plus en plus présent.
Mais cette « protection » ne semble pas suffisante : le génocide et l’humiliation des Indiens continuent et connaissent même une intensification depuis ces dernières années. Malgré leurs nombreux appels à l’aide, rien ne semble changer pour ces peuples ancestraux qui n’ont malheureusement rien demandé pour être considérés de cette façon…
Des Indiens privés de leurs terres
« Ce que mangent les Européens – la viande, le maïs – est mélangé avec du sang indien ». Ládio Verón, chef indigène et représentant de l’ethnie Guarani, se rendait dans une douzaine de pays européens à partir du mois de mars 2017 pour alerter quant au traitement que subissait les indigènes du pays. D’autant que ces derniers sont, en sus, contraints au silence par le gouvernement : « Non seulement nous devons rester dans un périmètre qu’ils nous imposent, sur une terre aride, au bord d’une route, mais en plus ils voudraient que nous gardions le silence ». Il faut dire que le père de Ládio Verón, Marcos Verón, a également effectué un voyage de ce type en 2003. Résultat ? Il a été assassiné.
Depuis très longtemps, les Indiens du Brésil sont les victimes de nombreuses persécutions : de la part des producteurs et industriels tout d’abord, qui voient dans leurs terres un moyen de faire encore plus d’argent ; de la part des « assimilés », qui voient d’un mauvais oeil l’isolement de ces peuples ; et enfin de la part du gouvernement (et donc des autorités), qui n’a aucun intérêt à donner plus de droits aux autochtones du pays.
« Nous allons demander de cesser d’acheter du soja brésilien […]. Si nous ne recevons pas d’aide de l’extérieur, nous allons commencer à brûler les cultures, les usines d’éthanol, à entrer en action. Nous sommes fatigués de parler calmement, nous sommes maintenant prêts à aller au-delà, car c’est notre survie qui est en jeu ». Pour Ládio Verón, l’un des principaux responsables reste le modèle capitaliste, et donc l’Europe, passionnée de l’importation.
« Il n’y a plus de végétation, nos rivières sont mortes et nos enfants ressortent avec des démangeaisons quand ils se baignent. Voilà ce qu’ils ont fait de nos terres, celle de nos ancêtres. Là-bas, un plant de maïs, un boeuf vaut plus que la vie d’un être humain, que la vie d’un enfant indigène ». Un constat fort, et qui n’est pourtant que l’arbre qui cache la forêt…
Un gouvernement soumis à l’ « agrobusiness »
Quelques jours après son départ, l’armée a débarqué dans le village de Taquara, que Ládio Verón avait laissé derrière lui. Histoire de montrer aux indigènes qui est le vrai « chef ». Cette répression de la part des autorités plane constamment au-dessus des têtes des indigènes.
Le 25 avril 2017, la ville de Brasilia accueillait une manifestation d’Indiens proclamant le respect de leurs droits et de la biodiversité. Une manifestation qui a, sans surprise, tourné mal : alors que des milliers d’autochtones parés d’arcs avaient amené avec eux des cercueils, représentant « les Indiens de 305 ethnies qui sont morts ces dernières années », les forces de l’ordre ont sévèrement répliqué avec des bombes lacrymogènes et autres méthodes de dispersion de la foule. Marize de Oliveira, professeur d’histoire de la communauté Guarani, avait déclaré à l’occasion : « Le lobby de l’agrobusiness tente de détruire nos droits en transformant le Brésil en grenier du monde ».
Lobby que soutient fortement l’actuel président du Brésil, Michel Temer. Rappelez-vous, le Daily Geek Show vous avait fait part de la décision du dirigeant : il offrait, au mois d’août 2017, 4 millions d’hectares de forêt protégée à l’industrie minière.
Et n’oublions pas le cas du FUNAI, un organisme en charge de la protection des droits indiens. De par la cause qu’elle défend, l’institution s’oppose directement et sciemment aux mineurs et agriculteurs brésiliens. Une opposition qui semble mal vue par une commission de la Chambre des députés, qui a proposé le mardi 16 mai le démantèlement de l’agence et son remplacement par un « bureau national indigène », contrôlé par le ministère de la Justice. En guise d’argument, Nilson Leitao, auteur de la proposition, avait affirmé : « Il y a des Indiens qui veulent devenir mineurs ou producteurs et ils devraient avoir la liberté de décider eux-mêmes. La FUNAI les surprotège et se montre paternaliste ». D’une institution humaniste, la FUNAI deviendrait alors une institution politique…
Des violences qui se multiplient dans la société
Si les Indiens attirent déjà la haine du lobby agroalimentaire et du gouvernement brésilien, les violences se propagent également au sein de la société. Le 4 mai 2017, l’ONU a dénoncé une attaque extrêmement grave qui s’est déroulée dans l’État du Maranhao. Le 30 avril, près de deux cents personnes, toutes liées à des fermiers locaux, ont mené l’assaut sur le territoire de la tribu Gamela. Les coupables, armés de fusils et de machettes, ont fait 13 blessés, dont un Indien hospitalisé dans un état grave.
En cause ? Le retour en 2015 de la tribu à Povo das Bahias, un territoire qui leur avait été donné durant l’époque coloniale et dont elle a été expulsée dans les années 1970. Si l’ONU a demandé au gouvernement de « faire preuve d’une tolérance zéro face à la gravité des violences contre les Indiens et à l’impunité des agresseurs », Alvaro Tucano, membre d’une tribu basée à la frontière de la Colombie, a déclaré : « je n’ai jamais vu un Parlement aussi conservateur, avec autant de préjugés contre les minorités. » Candido Mezua, un membre de la tribu panaméenne Emberá, a quant à lui affirmé : « les droits des Indiens sont bafoués à cause de l’influence d’hommes politiques et de chefs d’entreprise qui regardent avec convoitise la richesse de nos territoires ».
Récemment, au mois de septembre 2017, le pire aurait été atteint. Cette fois-ci, pas de persécution ni d’humiliation : c’est un véritable massacre qui se serait produit dans la vallée de Javari, située près du Pérou. Dix indigènes, venant très probablement d’une tribu isolée et n’ayant jamais eu de contact avec la civilisation moderne, auraient été tués puis découpés par des chercheurs d’or. Les morceaux de corps, qui auraient été jetés dans le fleuve de Jandiatuba, n’ont toujours pas été retrouvés malgré l’enquête en cours. Cette tuerie, uniquement relayée par le récit de deux chercheurs d’or dans un bar situé à proximité, pourrait bien sonner le glas d’un peuple indigène, au vu de leur population extrêmement faible.
Entre persécutions, violences, humiliations et récits horrifiques, le sort des Indiens du Brésil semble malheureusement bien tragique. Les délimitations de territoires seront nécessaires aux indigènes pour perdurer, encore faut-il que le gouvernement se décide à les effectuer en temps et en heure…
Par Steve Tenre, le
Source: The Independent
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