Sous les collines d’Estrémadure, les archéologues ont mis au jour un bastion de l’âge du cuivre abritant une sépulture romaine. Deux époques distantes de trois millénaires s’y croisent, figées dans la pierre, révélant une énigme historique aussi fascinante qu’improbable.

Une architecture défensive néolithique d’une rare sophistication révélée en Estrémadure
Le site de Cortijo Lobato, situé dans la province d’Almendralejo, s’étend sur plus de trois hectares. Il possède trois murs concentriques, vingt-cinq tours de guet et des douves creusées dans la roche. Ces aménagements, typiques d’un plan militaire, ont été réalisés il y a plus de 4 500 ans, au début du Chalcolithique.
Les archéologues soulignent non seulement la taille du site, mais aussi la complexité de son architecture. En effet, le plan au sol, en nonagone, comprend neuf absidioles défensives. Ce système, davantage associé à des fortifications médiévales, témoigne d’une organisation avancée et d’un savoir-faire peu courant pour l’époque. D’ailleurs, d’après l’archéologue César Pérez, cette configuration reste exceptionnelle.
Objets du quotidien, outils et traces de vie : ce que révèle le mobilier archéologique retrouvé
Les fouilles ont mis au jour une variété d’objets : céramiques peintes, pointes de flèches, planches à tisser, haches en pierre et outils textiles. Grâce à ces éléments, il devient possible de reconstituer le quotidien d’une communauté structurée, capable de stocker ses aliments, de gérer l’eau, et probablement dirigée par une forme de hiérarchie sociale.
Vers 2450 av. J.-C., des assaillants ont probablement franchi les murailles et détruit le site. Ensuite, l’incendie et l’abandon qui ont suivi ont figé cette forteresse dans le silence. Depuis lors, Cortijo Lobato est resté intact sous terre, comme suspendu dans le temps pendant plus de quatre millénaires.
Un cercueil romain dans une forteresse préhistorique : découverte insolite et hypothèses historiques
Les archéologues ont découvert dans cette forteresse désertée une sépulture circulaire bordée de pierres, adossée à un mur ancien. En creusant, ils ont exhumé un cercueil romain contenant les restes d’un légionnaire. Il avait été inhumé avec sa dague militaire, dans un lieu que rien ne prédestinait à cet usage.
Cette découverte soulève une question déconcertante : que faisait un soldat romain dans un bastion néolithique ? En effet, ce type de rencontre entre deux époques aussi éloignées est rarissime. Par conséquent, il remet en cause la logique chronologique classique et ouvre la voie à de nouvelles interprétations archéologiques.
Selon les chercheurs, le soldat appartenait probablement à la Legio VII Gemina, seule unité romaine stationnée en Hispanie au Ier siècle av. J.-C. Ainsi, il aurait été inhumé sur ce site choisi pour sa valeur symbolique, dans un geste de réappropriation funéraire d’un lieu ancien, empreint de mémoire et d’histoire.
Superposition de civilisations et vertige temporel : ce que Cortijo Lobato nous dit de l’Histoire
Cortijo Lobato s’impose comme un livre d’histoire à ciel ouvert. Deux civilisations séparées par des millénaires s’y rencontrent, sans s’être jamais connues. D’un côté, des bâtisseurs néolithiques y ont érigé une forteresse. De l’autre, bien plus tard, les Romains y ont déposé un de leurs morts, dans une démarche silencieuse de transmission.
Cette superposition temporelle rappelle que l’archéologie n’offre pas des réponses linéaires, mais des récits emboîtés. Ainsi, chaque fouille révèle des fragments d’histoires imbriquées. Dès lors, Cortijo Lobato incarne pleinement cette complexité. Ce site n’a pas fini de parler. Son mystère reste ouvert, stimulant autant la science que l’imaginaire.
Par Gabrielle Andriamanjatoson, le
Source: Sud Ouest
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