Des ruines antiques gorgées de technologies perdues, des forêts fantastiques ponctuées des restes de robots géants, un ciel rose agrémenté de structures flottantes et le Drifter, guerrier mystérieux doté d’armes énergétiques. Heart Machine, jeune studio de développement indépendant, nous offre avec ce premier jeu une expérience sombre et fantastique. Alex Preston, le père de ce projet, a su cristalliser un univers riche et enivrant, sous l’influence de Zelda, Diablo II ou encore Miyazaki. Encore un jeu Action-RPG 2D engendré par la scène indé, encore une surprise venue de nulle part.
C’est en septembre 2013 que la machine du cœur est lancée. Le Kickstarter créé pour l’occasion reçoit un accueil des plus chaleureux par la communauté, et son objectif de 27 000 $ explose en quelques heures. Le projet est finalement validé, un mois après, comptabilisant 645 158 $ de soutien à Alex Preston et son escadre de Heart Machine. Ces ressources supplémentaires ont permis d’agrandir le jeu, avec plus de zones, de boss ou de modes, mais aussi l’équipe de production. Un animateur et de nouveaux graphistes se joignent à l’aventure. Ils font également appel au compositeur de talent Disasterpeace, de son vrai nom Richard Vreeland, qui avait marqué en 2012 l’univers du bucolique Fez à grand renfort de chiptune.
La cinématique d’introduction nous plonge magnifiquement dans l’ambiance. Une explosion d’énergie semble avoir puni un monde enivré de technologie. Des titans d’acier déferlent et se désagrègent l’instant d’après. Des monceaux de cadavres flottent dans une eau rosie et notre héros se plie pour mieux cracher la maladie qui le ronge. Terribles et envoûtantes, ces premières images appellent des réponses. Et ce sera le cas durant toute cette épopée.
Dans un style 16 bits maitrisé, les tableaux s’enchainent et ne se ressemblent jamais. La palette de couleurs de chaque région possède sa complexité. Du rose pour le ciel quand le désert est brun, la végétation pixellisée pourra être verte ou rouge pour s’accorder avec la scène, et des épées titanesques trancheront les montagnes comme si elles voulaient nous barrer le chemin.
Oui c’est beau, mais nous sommes là pour sauver le monde, ou le Drifter, ou du moins changer les choses. On ne sait pas. Il faut dire que le storytelling est des plus minimalistes. Sans dialogues ni explications, on se rue à l’aventure sans jamais avoir le sentiment d’être perdu, malgré des niveaux labyrinthiques. Les détails soignés du décor nous donnent tout de même quelques indices, comme ce squelette, livre en main près de la bibliothèque, ou ce tas de neige étrange qui dissimule les doigts du titan immobile en arrière-plan, encore agrippé au flan de la montagne.
Plus de mystère que de lumière, plus de questions que de réponses. Car Hyper Light Drifter est d’abord une histoire que l’on se raconte, un jeu dont nous sommes le héros. C’est du moins le souhait de son créateur, Alex Preston, atteint d’une maladie de cœur, tout comme le personnage qu’il a créé. Un concept narratif bien exploité qui nous laisse appréhender le monde à notre façon.
Nous avons donc le choix de commencer par n’importe laquelle des 4 zones du jeu. Armé d’une épée et d’un pistolet énergétique, et fort d’une capacité à drifter (déplacement linéaire rapide), venir à bout des premiers monstres est un plaisir. Le vil apparaît, et nous voilà déjà au corps à corps, libérant une puissante attaque meurtrière.
Trop facile. Jusqu’à ce que les murs s’élèvent et nous piègent avec une dizaine de ces créatures. Les batailles deviennent alors calculées, les drifts plus précis, le timing des attaques la clef de la victoire. Bourrer la manette n’est pas une option face à un bestiaire varié et des boss sans merci. Un gameplay très punitif, mais toujours juste, qui s’apprend dans le sang.
Minimaliste mais riche, retro mais original, entre rêve et cauchemar, Hyper Light Drifter a marqué le milieu indé dès le début de l’année 2016. Son univers enivrant et discret nous pousse à en vouloir plus. On veut entendre les histoires de ce monde, découvrir la culture de son peuple, chanter ses chansons et parcourir ses paysages enchanteurs. Chaque tableau, décor, note de musique est un témoignage de la passion de Heart Machine. Une œuvre libre d’interprétation faite avec le cœur qui en a envoûté déjà plus d’un.
Par Gabriel Pilet, le
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