Aux côtés de la mafia italo-américaine et des cartels mexicains, les yakuzas forment sans doute le conglomérat criminel le plus connu de la planète. Car il ne s’agit pas d’une entité unique, mais bien de différents clans qui s’opposent encore aujourd’hui. Pourtant, les racines des yakuzas remontent à il y a plus de quatre cents ans et leur univers est maintenant indissociable de nombreux éléments de la vie nocturne japonaise.
Faire un récit des origines des yakuzas n’est pas chose aisée puisque chaque clan a sa propre histoire. Non seulement ça, mais les sources se contredisent presque toujours. Les yakuzas aiment en effet dépeindre l’histoire de leur clan comme plus grand que nature, avec des personnages défendant les villageois contre les bandits ou les seigneurs trop sévères. Selon beaucoup de yakuzas, les racines de ces organisations sont nobles et font suite aux machi-yakko, un groupe formé pour s’opposer aux kabuki-mono. Les kabuki-mono étaient des rônins (samouraïs sans maîtres) de l’époque féodale reconnaissables par leur style extravagant.
Coupes de cheveux étranges, un franc-parler vulgaire et des tenues vestimentaires pleines de couleurs contrastant avec les traditions sobres de l’époque. Bien entendu, selon les historiens actuels, les yakuzas sont justement des descendants des kabuki-mono et n’étaient en aucun cas leurs opposants. Il est clair que lorsqu’un yakuza veut anoblir les origines de son clan, il ne peut guère se référer aux kabuki-mono. Leurs activités consistaient surtout à attaquer les gens sur les routes et piller les villages avant de prendre possession du quartier des plaisirs d’Edo.
Cette filiation avec l’histoire féodale du Japon explique les nombreux rituels des yakuzas en rapport avec le bushido ainsi que leurs tatouages pour lesquels ils sont connus dans le monde entier. Le mot yakuza n’apparait qu’au XVIIIe siècle et vient d’un jeu de cartes japonais, certainement car les yakuzas contrôlent les jeux d’argent et donc de cartes. Dans le jeu appelé oicho-kabu, le joueur gagne en additionnant les valeurs des cartes tirées en espérant que la valeur finale soit plus élevée que celle des autres tout en ne dépassant neuf. Le nom yakuza se décompose avec ya (huit), ku (neuf) et za (trois), équivalent à un score de 20 et donc 0.
Car si certains premiers membres des kabuki-mono étaient des samouraïs, beaucoup de yakuzas des siècles suivants sont simplement des jeunes très pauvres que la société considérait comme sans avenir. Le nom yakuza représente donc une main bonne à rien et les perdants qui sont exclus du jeu et de la société. Mais avant même de porter ce nom, les criminels se divisaient en deux groupes, les bakuto qui régissent les jeux de hasard et les tekiya qui parcourent les festivals à travers le Japon pour vendre des objets de basse qualité à prix fort. Beaucoup de traditions de ces groupes, comme le fait de se couper le petit doigt, viennent de cette époque.
Au fil du temps, les clans se sont structurés et codifiés jusqu’à donner naissance à des conglomérats regroupant plusieurs clans, chacun engageant des centaines de membres. Le clan Yamaguchi-gumi est le plus ancien et toujours le plus puissant de nos jours. Fondé en 1915 par Yamaguchi Harukichi, ce n’est qu’au lendemain de la Seconde Guerre mondiale que son successeur Taoka Kazuo transforme l’organisation en syndicat du crime à la hauteur de la réputation qu’on lui connait depuis maintenant plusieurs décennies. Les hiérarchies sont plus ou moins strictes, mais s’organisent à l’instar de la mafia comme une famille.
Le chef suprême est appelé oyabun et conserve tout au long de sa prise de pouvoir un statut de patriarche. Tous les autres sous ses ordres sont alors considérés comme ses enfants ou ses protégés. Des liens forts peuvent se souder entre les membres dans une tradition où l’honneur est la valeur la plus importante de l’homme. C’est d’ailleurs cet aspect de l’univers des yakuzas qui a provoqué une romanisation de leurs membres et fascine les plus jeunes délinquants qui se retrouvent attirés par une organisation qui promet une structure familiale souvent absente de leur vie.
SUITE AU TREMBLEMENT DE TERRE DE KOBE, LES YAKUZAS SONT VENUS EN AIDE AUX VICTIMES
Si la violence extrême des guerres entre les clans a fait le tour du monde, les yakuzas ont un statut qui diffère largement des autres organisations criminelles de la planète. Même si leurs activités sont semblables à ces dernières, les yakuzas jouissent d’une image particulière aux yeux de beaucoup de Japonais. C’est suite au tremblement de terre de Kobe en 1995 que les yakuzas ont su répondre au désastre en venant en aide aux victimes, déployant un hélicoptère pour les recherches et distribuant des vivres et des abris aux nécessiteux. Une réponse frappante qui est même arrivée avant celle du gouvernement.
La même chose s’est d’ailleurs reproduite en 2011 après le tsunami, ayant eu le même effet. Les dernières décennies ont installé une certaine souplesse dans le monde des yakuzas. Depuis le début du XXIe siècle, les yakuzas sont parmi les criminels les moins meurtriers du monde malgré les plus de cent mille membres actifs. Au Japon, beaucoup des lieux les plus fréquentés des quartiers de plaisir portent l’insigne du clan de yakuzas contrôlant l’établissement et la police ne fait rien pour combattre le phénomène activement. C’est une relation qui trouve ses origines dans la corruption, mais qui a aussi su trouver un terrain d’entente.
LES YAKUZAS REPRÉSENTENT UN MAL POUR UN BIEN POUR BEAUCOUP
D’une certaine façon, les yakuzas représentent un mal pour un bien pour beaucoup. Le fait de structurer les criminels de la ville permet de mieux les contrôler et maintenant que certains oyabuns, comme l’actuel du clan Yamaguchi, interdisent à ses membres d’entrer dans le trafic de drogue, la criminalité est même en baisse. Cela évite d’avoir des centaines de criminels qui seraient indépendants et feraient des choses bien plus graves. Malgré cet aspect important de l’équation, le gouvernement reste publiquement intransigeant dans sa résolution d’éradiquer les clans en imposant des lois qui tentent de les faire disparaitre.
Infiltrés dans de nombreuses compagnies d’investissement, dans le gouvernement et la police, les yakuzas forment des organisations tentaculaires quasiment impossibles à détruire. La diminution de la violence et du trafic de drogue a fait place à l’extorsion de grandes entreprises et à la prostitution, faisant grandir continuellement les grands clans de l’archipel. Malgré les différentes tentatives de mettre fin à ces organisations, les yakuzas sont toujours dans les rues des siècles après leur apparition.
Je suis désolée de demander, mais où sont vos sources? Avez-vous pris les informations dans votre tête, ce n’est pas fiable…