Le gouvernement conservateur grec de Kyriakos Mitsotakis a confirmé à la fin du mois de janvier l’installation d’une barrière flottante en pleine mer Égée au large de ses îles afin d’endiguer les embarcations de migrants venus de Turquie, dont le nombre ne cesse d’augmenter depuis un an. Un projet qui fait extrêmement polémique compte tenu des risques mortels qu’il entraînera. Cette idée pose néanmoins la question des difficultés que rencontre le pays afin de répondre au mieux à ces flux migratoires quasi continus.
Les îles grecques en pleine asphyxie
Actuellement, ce sont 40 000 demandeurs d’asile qui s’entassent dans des camps aux conditions précaires et désastreuses, sur des îles grecques de la mer Égée, notamment Lesbos et Samos. La capacité de ces îles n’est pourtant que de 6 200 individus. En 2019, 59 700 migrants sont arrivés par la mer et 14 800 par voie terrestre, majoritairement au niveau de la frontière avec la Turquie, soit 74 600 au total. Depuis le début de l’année 2020, le pays a enregistré plus de 3 000 migrants, dont la moitié par voie maritime, selon l’Agence des Nations unies pour les réfugiés.
Les Grecs manifestent également de plus en plus leur mécontentement : “Nous voulons récupérer nos îles, nous voulons récupérer nos vies.” Par ailleurs, le camp de Moria, situé sur l’île de Lesbos, accueille aujourd’hui plus de 19 000 migrants, alors qu’il ne peut normalement accueillir pas plus de 2 840 personnes. Des conditions de vie qui entraînent des violences et des morts en masse.
En 2019, la Grèce est donc à nouveau devenue la première porte d’entrée des migrants et réfugiés européens. Le gouvernement grec craint que ces flux s’accentuent davantage cette année. Depuis son élection en 2019, le Premier ministre Kyriakos Mitsotakis a d’ailleurs fortement durci les procédures que les migrants doivent suivre afin d’obtenir l’asile et le droit de séjour en Grèce.
Une barrière flottante pour empêcher les migrants de venir en Grèce
Afin d’empêcher les migrants de venir en bateau en Grèce, le pays prévoit d’ériger un mur flottant des côtes de l’île grecque de Lesbos jusqu’à la frontière avec la Turquie en pleine mer Égée. Il s’agit d’une volonté très sérieuse du gouvernement grec, sachant qu’un appel d’offres pour la réalisation d’un projet pilote a déjà été publié sur le site du ministère de la Défense. Ainsi, nous apprenons que ce dispositif fera l’objet de pylônes plantés au fond de l’océan. Il s’agira d’un mur de filets de 1,10 mètre de haut dont cinquante centimètres au-dessus du niveau de la mer. Il devrait également être équipé de lumières. Le contrat prévoit également quatre ans de maintenance et de réparations.
Pour mettre au point cette barrière flottante, le gouvernement est prêt à mettre la main au portefeuille les yeux fermés : le coût est estimé à 500 000 euros. “Le projet étant extrêmement urgent, quatre entreprises ont déjà été contactées. Elles ont trois mois pour envoyer leurs propositions”, comme cela est souligné dans le contrat.
Pour défendre cette barrière, Notis Mitarakis, ministre grec des Migrations et de l’Asile, s’est exprimé à la radio. “Cela enverra le message que nous ne sommes pas un endroit libre pour tous et où tout passe, que nous prenons toutes les mesures pour protéger nos frontières.” Par ailleurs, la Turquie a déjà érigé un mur de trois mètres de haut et de centaines de kilomètres le long de sa frontière terrestre avec la Syrie.
Un projet fortement critiqué aux conséquences mortelles
Ce projet est néanmoins fortement controversé et vivement critiqué. Les observateurs des droits de l’Homme l’ont également condamné. Massimo Moratti, directeur adjoint d’Amnesty International pour les recherches, a d’ailleurs expliqué que “le barrage flottant viserait les demandeurs d’asile et les réfugiés et entraînerait plus de danger pour ceux qui recherchent désespérément la sécurité. Le plan soulève de graves problèmes quant à la capacité des sauveteurs à continuer de fournir une assistance vitale aux personnes qui tentent de réaliser une dangereuse traversée en mer vers Lesbos. Le gouvernement doit de toute urgence clarifier les détails opérationnels et les protections nécessaires pour assurer que ce système ne coûte pas plus de vies.”
Le gouvernement grec est également accusé de mettre en place une politique similaire de celle de Matteo Salvini, ministre de l’Intérieur d’extrême-droite en Italie. Désormais, l’exécutif grec est comparé à Donald Trump, qui construit un mur de lattes d’acier entre l’Amérique et le Mexique pour un projet coûtant jusqu’à 33 milliards de dollars. Le hastag #MakeGreeceGreatAgain est alors devenu viral sur la toile.
“Ce projet est non seulement contraire aux principes éthiques, mais il est aussi inefficace. Il peut facilement être détruit ou franchit par un bateau”, rapporte To Pontiki, un journal grec. L’ancien parti au pouvoir, Syriza, a également moqué le taille de la barrière en présentant une carte avec la longueur du barrage par rapport à la frontière maritime du pays.
ΣΥΡΙΖΑ: Η Κυβέρνηση αγνοεί τη γεωγραφία της χώρας με το φαιδρό σχέδιο της για πλωτά φράγματα
— ΣΥΡΙΖΑ (@syriza_gr) January 31, 2020
[Σχόλιο του Γραφείου Τύπου του ΣΥΡΙΖΑ https://t.co/ggHGFsY6RX] pic.twitter.com/pKkYVB0LlL
Que fait l’Europe ?
Si le gouvernement conservateur est fortement critiqué quant à la réalisation de ce projet, l’Union européenne subit également une avalanche de critiques. En effet, Kathimerini, quotidien pro-gouvernement, “regrette les réprobations condescendantes des voisins qui font depuis plusieurs mois la sourde oreille aux nombreux messages d’alerte du pays”. Le quotidien affirme également que “ce dont la Grèce a besoin, c’est d’une contribution constructive aux efforts pour s’attaquer au problème, et non de commentaires condescendants”.
Contrairement à l’afflux de l’été 2015, l’Union semble désormais ignorer les flux migratoires croissants de l’année 2019. Une telle situation favorise des situations explosives, comme cela fut le cas à la fin du mois de janvier sur l’île de Lesbos où des affrontements se sont déroulés entre les forces de l’ordre et les manifestants : des gaz lacrymogènes ont été lancés contre près de 2 000 demandeurs d’asile qui manifestaient contre leurs conditions.
De leur côté, l’ONU et l’Union européenne ont rappelé au pays qu’il doit avant tout respecter le droit international. “Chaque État, y compris la Grèce, a un droit légitime de protéger ses frontières. Mais ceux qui traversent la mer avec l’intention de demander l’asile, la sécurité ont le droit fondamental de le faire”, a déclaré Boris Cheshirkov, porte-parole du Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), aux journalistes grecs.
Par Cécile Breton, le
Source: Dezeen
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