Dans le parc naturel du Garamba au Congo, les animaux vivent des jours difficiles. Après la disparition du rhinocéros dans cette région, c’est probablement au tour des girafes du Cordouan. Il n’en reste actuellement que 46 dans cette région ravagée par les conflits et le braconnage.
Braconnage et tradition, un mélange dangereux
Pendant longtemps, les girafes du Kordofan (Giraffa cameleopardalis antiquorum), sous-espèce rare de girafes récemment identifiée, n’étaient pas ciblées par le braconnage. Kate Spies, chargée de la rechercher pour l’ONG sud africaine African Parks, explique même qu’ « une croyance locale veut que leur viande transmette la lèpre ». Mais l’arrivée massif de braconniers étrangers dans cette région depuis une trentaine d’années a changé la donne. Aucune espèce de la région n’a été épargnée.
Les girafes sont principalement chassées pour leur viande. En effet, une girafe peut fournir jusqu’à 300 kg de viande. Sachant qu’un kilo vaut 70 dollars (soit 62,50 euros), c’est une source de revenu importante pour les habitants de la République du Congo. Le pays affiche un des PIB par habitant les plus bas de la planète. La chasse de la girafe de Kordofan dans le parc naturel du Garamba représente un réel marché lucratif pour les braconniers.
Cette sous-espèce de girafe est aussi chassée par les braconniers pour sa queue. En effet, elles sont victimes d’une pratique culturelle africaine consistant à offrir au père de la future mariée une queue de girafe pour lui demander sa fille en mariage. Cette tradition qui a la peau dure alimente le marché noir. Ces dernières années, le braconnage intensif des girafes de Kordofan a accéléré la disparition de cet animal, qui comptait déjà une faible population. En 2016, David Hamlin, vidéaste pour le National Geographic, pointait du doigt cette tendance préoccupante dans un documentaire saisissant.
Une espèce en danger
Aujourd’hui, on dénombre seulement 3 000 girafes du Kordofan dans la nature. En 2008, on comptait encore 120 girafes dans la Garamba, elles ne sont désormais plus que 46 à subsister tant bien que mal. Mathias D’haen, biologiste qui étudie les dynamiques de population des girafes, a élu domicile dans le parc pour six mois. Il fait état d’une situation « extrêmement préoccupante ».
« La population de Garamba est étonnante : même à leur pic documenté, ces girafes n’atteignaient que 300 individus – c’était en 1976. Ce chiffre porte a croire que nous avons ici un habitat atypique pour cette espèce. Un environnement dans lequel elles ne peuvent pas prospérer comme dans d’autres pays d’Afrique » explique Mathias D’haen. La faible densité d’acacias dans cette région, principal élément du régime alimentaire des ces animaux, expliquerait en partie la faible densité de population des girafes.
À cet environnement difficile, s’ajoute le contexte violent de la région. En plus de l’apparition de braconniers réguliers, Garamba est devenu le refuge du groupe rebelle ougandais Armée de résistance du Seigneur (LRA). Le parc s’étend sur près de 5 000 km2 (l’équivalent du département des Bouches du Rhône en France). Il est donc d’autant plus difficile de contrôler cette zone.
Une prise de conscience difficile mais nécessaire sur la situation
En 2016, la sous-espèce de girafe a été classé « vulnérable » dans la liste rouge de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN). La population des girafes a diminué de 40 % en trente ans sans que les experts s’en rendent vraiment compte. On est face à une « extinction silencieuse » selon les experts. Ils appellent à une prise de conscience générale. Si rien n’est fait, les girafes disparaitront alors de cette région. Un renforcement de la sécurité du parc serait un premier pas pour éviter cet écueil selon la direction du parc national du Garamba.
Il est aujourd’hui très rare d’observer des girafes du Kordofan dans leur habitat naturel au sein du parc de Garamba. « C’est une chance inouïe d’observer un animal si rare dans son milieu naturel » affirme Mathias D’haen. Si les girafes et les scientifiques se font rares, les rafales de kalachnikovs, elles, se font bien entendre. La plupart des chercheurs et journalistes sont accompagnés de plusieurs gardes armés jusqu’aux dents. Une précaution nécessaire au vu des évènement antérieurs.
En effet, en 2016, pris dans une embuscade, trois rangers se sont fait tués. « Malheureusement tout le monde est perdant : les rangers, les braconniers et les éléphants. Le seul gagnant, c’est l’acheteur d’ivoire, dans son salon, de l’autre côté de la planète. Les braconniers ne sont que le produit d’un système de masse. Leur but est de faire vivre leur famille » explique Erik Mararv, directeur du parc national de Garamba.
Des progrès visibles
Malgré tout, la sécurité intensive mise en place par la direction du parc commence à payer. Bien qu’il y ait encore de nombreux accrochages entre braconniers, rebelles et rangers, Garamba perd de moins en moins d’animaux. « La priorité aujourd’hui est de sécuriser la zone, et notamment cette frontière avec le Soudan du Sud. Une fois cet objectif atteint, nous pourrons attirer d’avantage de touristes et de scientifiques » explique Al-Hadji Somba Byombo, chef de site adjoint du parc.
Malgré tout, Eric Mararv reste optimiste. Il parle d’ores et déjà de réintroduire des rhinocéros dans le parc. Mais il s’agit encore aujourd’hui de préserver la population restante de girafes. « Elles sont notre plus grande préoccupation. Mais elles peuvent s’en sortir. Impossible d’imaginer Garamba sans ses girafes de Kordofan » confie Mathias D’haen. Si l’effort se poursuit donc et si la situation s’apaise, on pourrait donc imaginer un parc de Garamba ou il ne serait plus rare de croiser des girafes.
Par Axelle Palma, le
Source: Le Monde
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