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Des fourmis à notre rescousse pour sauver les terres polluées de la Crau

Comme quoi, c'est en respectant la nature qu'elle nous le rend bien

Alors qu’en 2009 plusieurs milliers de mètres cubes de pétrole brut se déversaient sur la réserve naturelle des Coussouls de la plaine de la Crau et avaient entraîné une pollution considérable de ce site, des fourmis moissonneuses sont désormais utilisées afin de réensemencer ces terres polluées.

Des fourmis pour aider à la réhabilitation de la réserve naturelle des Coussouls de Crau

Le 7 août 2009, suite à la rupture d’un pipeline, 4 700 mètres cubes de pétrole brut ont pollué les terres de la réserve naturelle des Coussouls de Crau. Au total, ce sont cinq hectares de végétation spécifique à l’Europe de l’Ouest, appelée pseudo-steppe, autrement dit un territoire semi-désertique, qui ont été entièrement détruits.

Afin de dépolluer ce site, les spécialistes ont commencé en 2011 par le nettoyer en évacuant l’intégralité des sols abîmés sur 40 à 50 centimètres de profondeur, soit environ 72 000 tonnes de gravats. Pour reboucher ces sols, les scientifiques ont versé des terres identiques prélevées aux abords d’une carrière alluvionnaire en cours de développement. Une technique visant à restaurer plus efficacement une partie de cette végétation. Des graines, bactéries ou encore des champignons ont donc été réimplantés, tout en respectant l’organisation originelle des sols. Jusqu’en 2014, la Société du pipeline sud-européen a également pompé le pétrole qui se trouvait jusqu’au-dessous de la nappe phréatique. 200 litres ont alors été pompés par semaine.

Par la suite, à l’aide de l’Institut méditerranéen de biodiversité et d’écologie marine et continentale (IMBE) et du Laboratoire de chimie de l’environnement, un programme de réhabilitation du site a été lancé. Pour la toute première fois, les scientifiques ont décidé de faire appel à des auxiliaires inattendus : des fourmis moissonneuses, aussi appelées Messor barbarus.

Pour permettre la régénération de ces sols, ils ont donc eu recours à des techniques d’ingénierie écologique : 169 reines ont fécondé et ont été déposées dans des nids entre 2011 et 2012. « Ces fourmis ont une activité très importante pour nous : elles brassent le sol, le labourent, incorporent de la matière organique et transportent et redistribuent les graines. On espérait qu’elles puissent nous aider à redessiner la steppe », a expliqué Thierry Dutoit, membre de l’IMBE.

— Matauw / Shutterstock.com

“L’activité des fourmis commence à se voir”

Trois ans après que les fourmis ont été transférées, environ la moitié des reines ont survécu et ont créé des colonies de 8 000 à 20 000 fourmis. Après quelques années, les actions des fourmis ont réellement commencé à porter leurs fruits. Au printemps 2020, soit huit années après leur première introduction, un premier bilan a été publié dans la revue Biological Conservation.

« L’activité des fourmis commence à se voir. Autour des nids, le sol est beaucoup moins tassé, certaines espèces végétales repoussent et on découvre une grande variété de graines, présentes autour du site, qui ont été redistribuées. Globalement, l’aspect de la végétation autour des nids est plus proche de la steppe d’origine que dans les zones sans nids. C’est un bilan de moyen terme très encourageant »,a expliqué Thierry Dutoit. Les scientifiques ont également constaté une augmentation de l’activité des vers de terre à proximité des fourmilières.

Un gain de plusieurs dizaines d’années pour la restauration de ce site

Jusqu’à présent, les scientifiques peinent encore à déterminer l’impact des activités des fourmis sur ce site. De nouvelles analyses sont encore nécessaires. “Mais on a probablement gagné plusieurs dizaines d’années dans la restauration de la steppe d’origine”, a également expliqué Thierry Dutoit.

Par ailleurs, à partir de 2014, les spécialistes ont placé des brebis sur ce site. Celles-ci aident à disperser les graines et leurs excréments régulent la végétation. Elles privilégient également la régulation des espèces végétales pérennes.

A terme, ces chercheurs espèrent que leur expérience soit effectuée sur d’autres sites. Pour cela, ils sont donc en train de réaliser un cahier des charges. “Nous avons pu montrer que faire de la restauration à moyen terme en utilisant le vivant et le biomimétisme coûte peu cher et surtout que ça marche !”, a conclu Thierry Dutoit.

Par Cécile Breton, le

Source: Sciences et Avenir

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