Vous le savez probablement, de nombreux écosystèmes sous-marins sont fortement perturbés ces dernières années, pour des causes diverses et les conséquences sont très graves. Que ce soit la surpêche, la pollution ou le réchauffement climatique, ces environnements de nature très fragile sont totalement bouleversés voire anéantis. Mais dans la mer des Salish, soit au nord de l’océan Pacifique, un phénomène terrifiant affecte les étoiles de mer tournesol. Pourtant essentiel à son écosystème, cet organisme autrefois commun subit une disparition massive en raison d’une violente maladie… Explications.
Un historique déjà très chargé
L’écosystème marin de la mer des Salish, située au Nord de Seattle, est en train de faire face à une des plus grandes catastrophes de son histoire. Les étoiles de mer locales, et plus particulièrement l’étoile de mer tournesol, sont en passe de disparaitre à une vitesse ahurissante en raison d’une véritable épidémie virale.
L’étoile de mer tournesol était l’une des étoiles de mer les plus présentes dans la région par le passé. Les plongeurs en trouvaient des dizaines, assez facilement, à chaque fois qu’ils allaient dans l’eau. Leur prolifération était telle que certaines personnes la considéraient comme un parasite. Aujourd’hui, il devient plus de plus en plus rare d’en croiser en raison d’une véritable catastrophe sous-marine.
C’est en utilisant les données de recherche de la Reef Environmental Education Foundation que les scientifiques ont pu analyser et mettre en exergue l’évolution affolante de la population de cette étoile de mer. Leurs conclusions sont rassemblées dans un rapport intitulé “Impacts transfrontaliers dévastateurs de la maladie du dépérissement des étoiles de mer”, publié le 26 octobre dernier dans le journal en ligne PLoS One.
En définitive, cette espèce autrefois commune a dorénavant disparu de la majorité de son aire de répartition. Depuis 2013, c’est d’ailleurs plus de 20 espèces d’étoiles de mer qui ont été décimées, du Mexique à l’Alaska. Aujourd’hui, la maladie s’attaque à l’étoile de mer tournesol, une des plus résistantes de toutes. Petit à petit, même les entités les plus résistantes et coriaces sont mise à mal, par plusieurs facteurs que nous allons aborder ci-dessous.
L’étoile de mer tournesol : indispensable, coriace et pourtant lourdement affectée
Afin de pouvoir entièrement comprendre le phénomène, il convient de dresser un rapide portrait de l’espèce concernée. Issues de la famille des Astériidae, les Picnopodia Helianthoides, aussi connue sous le nom d’étoile de mer tournesol est particulièrement présente sur la côte ouest des États-Unis.
S’étendant sur plus de 18 centimètres en moyenne, elle dispose d’un nombre de branches supérieures à ses cousines, avec entre 12 et 18 branches. C’est d’ailleurs la plus grosse étoile de mer du monde. En théorie, comme toutes les autres étoiles de mer, ses membres peuvent se reconstituer en cas d’arrachement ou de perte, avec une faculté inouïe tirée de leur métabolisme.
En revanche, si l’on coupe sans cesse les branches d’une étoile, le métabolisme ne suivra pas et l’étoile de mer s’éteindra. Pour ce qui est de son espérance de vie normale, elle est comprise entre 3 et 5 ans. De comportement très calme, elles n’ont aucun problème d’acclimatation. Leur importance pour leur environnement est essentiel : Les oursins entassés et une multitude d’autres proies sont ainsi principalement consommées par cette étoile de mer et elle se positionne comme un des principaux prédateurs invertébrés de la région. En clair, elles maintiennent un équilibre nécessaire dans l’écosystème local.
Si la prédation ne se fait pas – en raison de leur disparition – les oursins locaux vont notamment abattre massivement des forêts locales, et le paysage sous-marin sera totalement dénudé de beaucoup d’éléments. Nous avons notamment pu constater ce genre de conséquences avec la disparition de précédentes étoiles de mer. Le nord de la Californie a ainsi perdu plus de 90 % de ses forêts de varech, selon le Département des poissons et de la faune.
Why Almost All of the West Coast’s Sunflower Sea Stars Have Wilted Away https://t.co/1ZMsXE8ANN #museums #museum #smithsonianmuseums #SmithsonianNationalAirandSpaceMuseum #smithsonianportraitgallery #smithsoniannationalmuseum #smithsonianmagazine pic.twitter.com/A6UpCO90vR
— istockhistory (@istockhistory) 2 février 2019
Perdre de telles zones et écosystèmes a un impact dramatique sur un nombre insoupçonné d’espèces. Affamées, sans abri, mortes, tel est le sort des espèces dépendant du rôle de régulation de ces étoiles de mer. Afin d’essayer d’enrayer ces disparitions progressives de population, la Californie avait notamment décidé d’interdire en décembre 2018 la pêche récréative de l’ormeau rouge qui était responsable de la disparition des mollusques. Voici une mesure similaire qui démontre tout l’impact qu’une espèce marine peut avoir sur les autres, même s’il est difficile de quantifier l’ensemble de manière exacte.
Pour ce qui est de l’impact de la maladie sur les étoiles de mer, les scientifiques ont analysé plus de 9 000 relevés à travers quelque 11 000 plongées en eau peu profondes et proche des côtes. Des centaines de scientifiques, formés pour identifier et enregistrer toute informations liée à la présence de l’étoile de mer tournesol, ont été mobilisé afin d’avancer dans les recherches. Les relevés en eaux peu profondes et profondes ont montré que des populations stables qui étaient touchées par un virus tel que celui-ci subissaient un déclin de l’ordre de 60 % à 100 % dans certaines zones.
Si ces étoiles de mer n’étaient plus trouvables dans les eaux peu profondes, certaines personnes estimaient – et espéraient probablement – qu’elles se soient réfugiées dans des eaux plus profondes. “Beaucoup de gens s’attendaient à ce que les étoiles de tournesol se réfugient dans des eaux profondes où nous ne pouvions pas les compter », explique Steve Lonhart, écologiste de la forêt de varech de la NOAA basé à Monterrey, en Californie. Malheureusement, ce n’est clairement pas le cas et les scientifiques regrettent cet espoir naïf.
Une maladie sous-marine très agressive
Pour Mark Carr, écologiste marin de l’UC Santa Cruz, c’est tout bonnement choquant. Pour lui, “Il ne s’agit pas simplement d’une réduction de population généralisée, mais pratiquement de la perte d’une espèce clef sur des milliers de kilomètres. Nous n’avons jamais rien vu de tel auparavant.” Facilement mesurable en effectuant une simple plongée sous-marine dans les eaux locales, le phénomène attriste les scientifiques et les inquiète chaque jour davantage. De terribles conséquences pourraient en découler sur la faune et flore locale.
La maladie concernée progresse très rapidement. Dans les faits, elle s’apparente au début à une simple anomalie de population, jusqu’à devenir un véritable film d’horreur, où la majorité des individus sont tout simplement décimés. Concrètement, des lésions blanches apparaissent puis se développent dans les tissus des individus. Leurs membres vont ensuite tomber un par un et en dernier lieu, l’étoile de mer se désintègre en monticule pâle de chair en décomposition. Voici donc le tableau, sombre et des plus inquiétants, qui concerne donc dorénavant également l’étoile de mer tournesol.
Pour l’heure, les scientifiques n’ont toujours pas identifié l’agent pathogène responsable de la maladie. Les tendances actuelles au sein de la communauté scientifique penchent vers un virus, mais il demeure toujours inconnu. Comme nous l’avons dit, le phénomène n’est clairement pas isolé et des similitudes peuvent être dressées avec des épidémies ayant touché d’autres côtes, à proximité, durant les précédentes décennies.
Climate change and warming oceans are linked to a die-off of sunflower sea stars, according to a recent study. https://t.co/M4zWonetd2 pic.twitter.com/NA4oP40E9W
— KING 5 News (@KING5Seattle) 1 février 2019
Un lien avec le réchauffement climatique ?
L’apparition de cette maladie, fulgurante et foudroyante, correspond “étrangement” avec une période de trois ans la plus chaude jamais enregistrée dans ces eaux. Les années 2014, 2015 et 2016 ont ainsi battu des records historiques de température, dans un écosystème fragile. Dorénavant, les scientifiques s’interrogent sur un lien entre le réchauffement climatique et ce virus.
Non, ce n’est vraisemblablement pas la cause d’un tel drame. En revanche, les chercheurs estiment qu’il est tout à fait possible que les températures extrêmes aient largement accéléré le processus.
Les auteurs de l’étude ont ainsi comparé les température de surface de la mer à partir de l’heure et du lieu de chaque relevé, avec les chiffres illustrant le déclin des étoiles de mer tournesol. Leurs analyses ont ainsi révélé que les dates et les lieux où le plus grand nombre de morts avait été enregistré coïncidaient avec les eaux anormalement chaudes !
The recent widespread die-off of sea stars linked to #climatechange and a disease epidemic imperils the biggest star of all, the sunflower star. Great collaboration with the @wildlifehealthcenter, @cornelluniversity, @DrewHarvell, and more.
https://t.co/HtygvZiRQ3 pic.twitter.com/aZl13kzJ9H— The SeaDoc Society (@SeaDocSociety) 30 janvier 2019
Globalement, les épidémies demeurent fortement sensibles et liées à la chaleur. Dans les laboratoires, de nombreux tests ont été effectués, et les étoiles de mer sont tombées bien souvent malades plus tôt et sont décédées bien plus rapidement dans des eaux plus chaudes. Ainsi, le réchauffement climatique semble tout à fait responsable d’un accroissement drastique de maladies infectieuses comme celle-ci.
Aujourd’hui, les scientifiques tentent de tirer la sonnette d’alarme quant à la disparition de cette espèce. Si elle ne figure pas encore comme une espèce en voie de disparition, ils estiment qu’elle devrait bénéficier – rapidement – d’un plan de reconstitution complet. Pourtant commune il y a quelques années, nous pourrions rassemblement assister à l’extinction totale d’une espèce en l’espace de seulement cinq ans.
Par Benjamin Cabiron, le
Source: TrustMyScience
Étiquettes: tournesol, Maladie, population, mer, disparition, catastrophe, sous-marine, declin, epidemie, etoile-de-mer
Catégories: Écologie, Actualités