Une équipe de chercheurs américains a découvert une nouvelle phase quantique de la matière, ouvrant de nouvelles perspectives dans le domaine de la physique fondamentale.
Frustration cinétique
Nous connaissons tous trois états de la matière : solide, liquide et gazeuse. Mais dans des conditions extrêmes, telles que des températures proches du zéro absolu (-273,15 °C), des objets beaucoup plus petits qu’un atome individuel ou des états d’énergie exceptionnellement bas, de nouvelles phases peuvent être découvertes.
Dans le cadre de travaux publiés dans la revue Nature, Tigran Sedrakyan et ses collègues de l’université du Massachusetts se sont intéressés au phénomène de « frustration cinétique ». Si le résultat des interactions entre des particules « classiques » s’avère prévisible, à la manière de boules de billard, dans un système quantique « frustré », leur comportement devient aléatoire et semble défier les lois de la physique telle que nous la connaissons.
Afin d’étudier ces effets, l’équipe a conçu une « machine à frustration » : un dispositif semi-conducteur constitué de deux couches dont l’espacement se révèle inférieur au diamètre d’un atome. Alors que la première est remplie d’électrons se déplaçant librement, la couche inférieure est criblée de « trous » : des emplacements chargés positivement pouvant être occupés par les électrons en mouvement.
Un mouvement corrélé, c’est-à-dire ordonné et prévisible, des particules est attendu si le nombre d’électrons et de trous est égal. En perturbant cet équilibre, les chercheurs ont créé un système frustré, comparé à un jeu de chaises musicales pour les électrons, ainsi qu’une toute nouvelle phase de la matière aux caractéristiques surprenantes : l’état chiral du liquide de Bose.
L’état chiral du liquide de Bose
En refroidissant la matière quantique dans cet état chiral à une température proche du zéro absolu, les électrons se figent selon un schéma prévisible, et les particules neutres apparaissant lorsque des paires électron-trou sont créées tournent toutes dans le sens des aiguilles d’une montre ou dans le sens inverse.
Ce spin ne peut être modifié, même si l’on introduit des champs magnétiques externes puissants ou si l’on bombarde le liquide de Bose à l’état chiral avec d’autres particules. Lorsqu’une particule externe est introduite, on pourrait s’attendre à ce qu’elle fasse sortir l’une des particules de l’état chiral. Or, en raison d’un phénomène connu sous le nom d’intrication quantique à longue portée, toutes les particules du système sont projetées comme si elles avaient été frappées simultanément par cette dernière.
Selon les auteurs de l’étude, la direction du spin du nouvel état est si robuste qu’il pourrait potentiellement être utilisé pour un décryptage quantique sans erreur.
Par Yann Contegat, le
Source: Cosmos Magazine
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