Il y a 715 millions d’années, la planète entière n’était qu’une boule de neige et de glace : ça a été la période glaciaire la plus longue qu’ait connue la Terre. Contrairement à ce qu’on pourrait penser, ce désert gelé est l’ancêtre du lieu de naissance des espèces animales les plus complexes ! Cette ère polaire a conduit à la plus incroyable des évolutions de certains animaux. SooCurious vous en dit plus.
La Terre aussi glacée qu’une boule de neige
Durant des millions d’années, la glace a mis la Terre à l’arrêt. Un paysage désert et froid, couvert de glace aussi loin que l’œil pouvait voir. Seul le sifflement d’un vent glacial se faisait entendre. Même à l’équateur – l’endroit le plus chaud sur Terre – la température moyenne était glaciale, -20 °C, ce qui équivaut aux températures que l’on peut retrouver en Antarctique à l’heure actuelle. La plupart de la vie avait été anéantie, et les créatures qui avaient survécu s’étaient alors blotties dans de petites poches d’eau libre, où les sources chaudes continuaient à bouillonner.
Ce fut la période où la Terre ressemblait à une énorme boule de neige – un gel profond qui a commencé il y a environ 715 000 000 d’années et qui a tenu la Terre dans son emprise glacée pour 120 millions d’années. « Il n’y a pas d’autre période glaciaire comparable sur la Terre. Celle-ci était vraiment catastrophique », dit Graham Shield, professeur de géologie de l’University College de Londres au Royaume-Uni.
L’explosion cambrienne
Certains scientifiques pensent que cette période de froid polaire a conduit à l’une des plus incroyables étapes de l’évolution : le développement des premiers animaux ainsi qu’une floraison spectaculaire de la vie connue sous le nom d’explosion cambrienne. Il s’agit de l’apparition soudaine de la plupart des grands embranchements actuels de métazoaires ainsi qu’une grande diversification des espèces animales, végétales et bactériennes.
Ainsi, il y a environ 540 millions d’années, une foule de créatures exotiques est soudainement apparue. Ils comprenaient notamment des créatures géantes de cloportes. Tout à coup, la Terre a cessé d’être dominée par des bactéries unicellulaires ! Elle est passée à un monde grouillant de créatures multicellulaires exotiques, le tout en un clin d’œil géologique.
Ce phénomène n’arrange pas la théorie de la sélection naturelle pour Charles Darwin. Cette explosion soudaine de l’évolution est un problème majeur pour sa démonstration.
Les origines de la glaciation de la Terre
A ce jour, l’explosion cambrienne reste un casse-tête. La preuve que la Terre ait été aussi gelée telle une énorme boule de neige est apparue au début des années 1990. De façon inattendue, les géologues ont découvert des preuves de glaciers sous les tropiques. Depuis lors, un nombre croissant de preuves a montré que le gel mondial a commencé il y a environ 715 000 000 d’années, et a duré plus de 100 millions d’années !
Cependant, les scientifiques ne sont pas d’accord. Certains prétendent que la Terre entière a été enfermée dans la glace, avec seulement quelques petites poches d’eau libre où les sources chaudes bouillonnaient. D’autres croient qu’une bande d’eau libre est restée autour de l’équateur de la Terre. Peu importe dans quelle mesure la glace s’est étendue, la plupart des scientifiques conviennent que la boule de neige s’est formée soudainement. Elle a probablement été causée par l’altération rapide des continents de la Terre, avec l’effet de serre et le réchauffement de la planète hors de l’atmosphère. Les températures ont dû chuter d’un coup. Il y avait deux impulsions distinctes d’extrême glaciation, entrecoupées d’une période de réchauffement de 20 millions d’années.
L’apparition d’espèces complexes
Alors comment la vie est-elle réapparue en se développant de cette façon ? L’idée est que la glace a donné un coup de pouce aux plantes microscopiques, qui ont libéré l’oxygène comme un déchet. Au cours de cette période où la Terre ressemblait à une boule de neige, les glaciers auraient porté d’énormes quantités de phosphore riche en poussières loin des roches sous-jacentes. Lorsque la glace s’est enfin retirée, les rivières ont transporté ces poussières dans les océans, ce qui a permis de nourrir les microbes.
« Les niveaux élevés de phosphore auraient augmenté la productivité biologique et l’enfouissement du carbone organique dans l’océan, ce qui conduit à une accumulation d’oxygène atmosphérique », dit Noah Planavsky de l’université Yale à New Haven, Connecticut. En 2010, il a identifié un pic massif dans les niveaux de phosphore dans les sédiments à travers le monde.
En 2014 l’équipe de Planavsky a trouvé des preuves plus directes. Elle estime que les niveaux d’oxygène dans l’atmosphère étaient juste un centième des niveaux actuels (avant cette période glaciaire, jusqu’à il y a 800 millions d’années).
Planavsky pense que c’est beaucoup trop faible pour soutenir la vie animale complexe. « Dans les environnements modernes à faible teneur en oxygène il y a moins de complexité de l’écosystème et une gamme plus limitée des comportements des animaux », dit Planavsky. Il est donc raisonnable de penser que l’augmentation de l’oxygène ouvrirait la voie à des animaux et à la diversification de l’écosystème.
Mais il y a un problème avec cette idée. Les expériences publiées en 2014 ont montré que certains animaux peuvent survivre avec beaucoup moins d’oxygène qu’on ne le pensait. Les éponges, un des plus anciens types d’animaux, ont besoin de seulement 0,5 % des niveaux d’oxygène. Cela suggère que l’oxygène n’est pas le seul déclencheur.
Ces dernières années, une autre idée a pris de l’importance. Peut-être que la glace elle-même a conduit au saut évolutif, dit Richard Boyle, de l’université du Danemark à Odense. Pour Boyle, le véritable casse-tête n’est pas l’apparition des animaux multicellulaires. Ce qui pose question c’est l’augmentation de la différenciation cellulaire (cellules avec des rôles spécifiques comme le foie, les muscles et le sang) qui rend les animaux beaucoup plus complexes. « Ce qui distingue les animaux des plantes et des champignons c’est cette différenciation cellulaire irréversible, qui permet aux animaux d’avoir plusieurs types de cellules », dit Boyle.
« Au cours de la période glaciaire, la vie a été limitée à de petites zones chauffées par géothermie, et elle a connu des extinctions fréquentes », dit Boyle. Les populations qui ont survécu représentaient une poignée d’organismes. Boyle suggère que ces petits groupes de survivants sont souvent étroitement liés, les encourageant à coopérer plus que d’habitude.
Les biologistes savent depuis longtemps que les animaux sont plus susceptibles d’aider des proches parents, parce qu’ils peuvent bénéficier de leurs propres gènes. Par exemple, les animaux sauvages sont susceptibles d’adopter des orphelins de la même espèce. Boyle pense que cette période glaciaire aurait forcé les cellules à se comporter de manière altruiste.
Cependant, la notion de Boyle est controversée et d’autres scientifiques sont sceptiques. Certains pensent que la vie s’est retirée dans les eaux libres des tropiques pendant cette période glaciaire. Le mieux serait de trouver des fossiles pour découvrir ce qu’il s’est réellement passé durant cette période. Jusqu’à présent, les plus anciens fossiles d’animaux complexes datent d’il y a environ 560 millions d’années.
Néanmoins, les découvertes récentes laissent entendre que la vie animale peut avoir commencé à prendre pied au cours de cette période où la Terre ressemblait à une énorme boule de neige. En 2014, Malcolm Wallace, de l’université de Melbourne en Australie, a découvert des amas étranges de fossiles dans des régions éloignées de l’Australie et de la Namibie. Dans les restes des anciens récifs, Wallace a trouvé des fossiles en forme de bulles jusqu’à 3 cm de diamètre. Ces fossiles sont complexes, ils datent d’il y a environ 700 millions d’années.
Donc, Wallace et ses collègues pensent qu’ils ont peut-être trouvé les précurseurs des animaux – très précoces créatures comme les éponges, qui vivaient dans des eaux pauvres en oxygène. Elles représentent une étape à mi-chemin entre les microbes unicellulaires et les animaux multicellulaires. Wallace pense que ce n’est pas un hasard que ces animaux précurseurs apparaissent juste après la première grande ère glaciale.
« Intuitivement, on pourrait penser que la terre glacée entraverait l’évolution, et pourtant les animaux apparaissent peu après ces grandes glaciations », dit Wallace. Il semble évident selon lui que cette grande période gelée a perturbé le système océan-atmosphère de la Terre d’une façon qui semble assez favorable au développement de la vie complexe.
Butterfield suggère que les premiers animaux sont apparus il y a 750 millions d’années et ont transformé la planète avec le refroidissement climatique. Les animaux ont une énorme capacité à modifier les environnements physiques. Alors, Butterfield pense que les premiers animaux ont bouleversé l’équilibre délicat de la chimie de l’océan, avec des répercussions pour le reste de la planète.
Les animaux peuvent certainement avoir de grands effets sur la planète. Par exemple, les animaux fouisseurs, tels que les vers, peuvent briser des roches. La poussière de roche qui en résulte réagit avec le dioxyde de carbone de l’air, et les minéraux produits se retrouvent dans les océans. Pendant ce temps, les animaux marins stimulent les niveaux d’oxygène en mangeant les restes d’organismes morts. Butterfield pense que les animaux peuvent avoir entraîné l’évolution des nouvelles plantes microscopiques qui ont coulé plus rapidement, avec la présence de dioxyde de carbone en eux.
Il existe certaines preuves que les premiers animaux auraient plongé la Terre dans ce gel profond. En 2011, Eli Tziperman, de l’université Harvard à Cambridge, et ses collègues, ont modélisé les cycles chimiques dans l’océan.
Ils ont constaté que l’évolution de nouveaux organismes marins aurait pu aider le transport de carbone au fond de l’océan et entraîner un changement majeur dans le climat. « Il est certainement pas déraisonnable de penser que l’évolution des animaux a lancé l’ère de glaciation », dit Butterfield.
En ce moment, il n’y a pas suffisamment d’informations pour décider si les animaux sont la cause de la glaciation de la Terre ou si à l’inverse la Terre glacée a déclenché l’évolution animale. Quoi qu’il en soit, les deux événements sont liés. Ces changements nous rappellent à quel point les conditions sur la Terre peuvent changer et surtout, à quel point notre chère planète peut être pleine de surprises et de ressources… Si vous avez aimé cet article, alors n’hésitez pas à découvrir l’endroit le plus froid de la planète qui est aussi le plus ensoleillé !
Par Alexandra Collet, le
Source: BBC
Étiquettes: explosion-cambrienne, ere-glaciere, espèce, évolution, animaux
Catégories: Sciences, Actualités