Bien que plus de la moitié du corps humain en soit composé et qu’elle recouvre environ 70 % du globe, l’eau est encore loin de nous avoir livré tous ses secrets. En utilisant des outils de pointe, des scientifiques ont observé pour la première fois un « tiraillement quantique ».
« Nous avons pu observer directement comment ces molécules se déplaçaient »
Présentés dans la revue Nature, ces travaux pionniers ont été menés par des chercheurs des universités de Stanford et de Stockholm, qui ont entrepris d’explorer les forces maintenant les molécules d’eau ensemble. Chacune d’entre elles contient un atome d’oxygène et deux atomes d’hydrogène. Les atomes d’hydrogène chargés positivement dans une molécule sont attirés par les atomes d’oxygène chargés négativement dans une autre, ce qui a pour effet de lier les molécules entre elles.
L’eau possède une série de propriétés étranges qui la distinguent de nombreux autres liquides et qui défient de nombreuses règles relatives à leur action. Si une plaquette de beurre solide ne flotterait pas au-dessus d’un bain de beurre fondu, c’est pourtant exactement ce qui se produit lorsque vous placez un glaçon dans un verre d’eau. L’eau offre également une tension superficielle incroyablement élevée qui permet aux insectes de marcher sur sa surface, et dispose également d’une bonne capacité à stocker la chaleur, ce qui contribue à stabiliser la température des océans.
Une meilleure compréhension des liaisons hydrogène entre les molécules pourrait aider à expliquer ce genre de propriétés étranges, et il se trouve que les auteurs de la nouvelle étude ont fait un pas important vers cet objectif. « Les chercheurs essaient depuis longtemps de comprendre le réseau de liaisons hydrogène en utilisant des techniques de spectroscopie », explique Jie Yang, auteur principal de l’étude. « Pour la première fois, nous avons pu observer directement comment ces molécules se déplaçaient. »
La raison pour laquelle ce phénomène a été si difficile à observer se résume aux mouvements des liaisons hydrogène, très rapides et subtils. Mais en déployant une « caméra électronique » à grande vitesse, projetant de courtes impulsions d’électrons à haute énergie (laser) sur des échantillons pour en sonder les entrailles, révélant ainsi des mouvements moléculaires très subtils, les scientifiques ont été en mesure de saisir les liaisons hydrogène sur le vif.
Un « tiraillement quantique »
Les expériences ont porté sur des jets d’eau très fins de 100 nanomètres d’épaisseur, soit environ 1 000 fois plus fins qu’un cheveu humain, qui ont été soumis à une lumière infrarouge ayant fait vibrer les molécules d’eau. La caméra électronique a ensuite été utilisée pour générer des clichés haute résolution des atomes en mouvement dans les molécules d’eau, permettant ainsi d’expliquer leur interaction.
Lorsque les molécules d’eau excitées ont commencé à vibrer, les atomes d’hydrogène ont commencé à tirer sur les atomes d’oxygène des molécules voisines, les rapprochant puis les repoussant avec encore plus de force. Décrite comme un « tiraillement quantique », cette action a fini par augmenter l’espace entre les molécules.
« Bien que l’on ait supposé que cet effet quantique nucléaire était au cœur de nombreuses propriétés étranges de l’eau, cette expérience représente sa première observation directe », explique Anders Nilsson, co-auteur de l’étude. « La question est de savoir si cet effet quantique pourrait être le chaînon manquant des modèles théoriques décrivant les propriétés anormales de l’eau. »
Mieux cerner le rôle de l’eau au sein des organismes vivants
Les scientifiques espèrent continuer à utiliser cette méthode afin d’examiner les propriétés inhabituelles de l’eau. Ce qui pourrait non seulement permettre de mieux comprendre ce liquide, mais également son rôle au sein des organismes vivants.
« Ces travaux offrent vraiment de nouvelles opportunités de l’étudier », déclare Xijie Wang, également co-auteur de l’étude. « Maintenant que nous pouvons enfin observer les liaisons hydrogène en mouvement, nous aimerions relier ces mouvements à une perspective plus large, susceptible de faire la lumière sur son rôle dans l’apparition et le maintien de la vie sur Terre et éclairer le développement de nouvelles méthodes de production d’énergie renouvelable. »
Par Yann Contegat, le
Source: New Atlas
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