Transformer les déchets alimentaires en carburant pour avions : des scientifiques américains inventent une solution doublement gagnante pour l’environnement et l’aviation.

Comment nos épluchures deviennent un carburant d’aviation ultra-efficace grâce à une technologie inspirée de la formation du pétrole
Chaque jour, nos assiettes produisent des rebuts : restes de repas, épluchures, pain rassis. On les jette, sans y penser. Pourtant, ces déchets organiques pourraient devenir l’avenir de l’aviation. Oui, littéralement. Des chercheurs de l’université de l’Illinois Urbana-Champaign ont mis au point un procédé capable de transformer les déchets alimentaires en biocarburant d’aviation.
Leur secret ? Une technique appelée hydrothermal liquefaction (HTL). Elle consiste à soumettre la matière organique à une température de 300 °C et une forte pression. En quelques heures, ce traitement imite la formation naturelle du pétrole sur des millions d’années. Le résultat ? Un biobrut énergétique, certes brut, mais riche en potentiel.
Le raffinage chimique qui transforme le biobrut en véritable carburant aérien certifié
Pour aller plus loin, les chercheurs ont raffiné ce liquide grâce à une hydrocatalyse. Avec un catalyseur à base de cobalt et de molybdène, ils ont converti ce jus dégoulinant en vrai carburant homologué. Et pas n’importe lequel : un carburant « drop-in », utilisable sans aucune modification des moteurs d’avion.
Les performances de ce biocarburant ont de quoi faire rêver les compagnies aériennes. Publiés dans Nature Communications, les tests montrent que les critères de l’ASTM et de la FAA sont remplis. Autrement dit, ce carburant peut être versé directement dans les réservoirs. Sans mélange. Sans compromis.
Un carburant qui réduit les émissions de 80 % et valorise des déchets très variés
La chercheuse Sabrina Summers, co-autrice de l’étude, souligne un autre atout. Ce biocarburant n’est pas limité aux restes de repas. Il fonctionne aussi avec des boues d’épuration, des algues, ou des résidus agricoles. C’est une véritable plateforme multi-matières. Et selon leurs calculs, ce carburant permettrait de réduire de 80 % les émissions de gaz à effet de serre par rapport au kérosène classique.
En plus, le HTL présente un avantage économique majeur. Contrairement à d’autres méthodes thermochimiques, il ne nécessite pas de séchage préalable. Cela signifie moins d’énergie dépensée, moins de coûts. Et une chaîne de production plus simple, plus propre, plus rentable.
Une aviation circulaire en vue : quand les déchets bouclent la boucle énergétique
Yuanhui Zhang, directeur du projet, résume l’idée avec une formule limpide : on ne jette plus, on transforme. Dans une économie linéaire, on produit, on consomme, on jette. Dans leur modèle, le déchet devient ressource, et l’énergie boucle la boucle.
L’aviation représente environ 7 % des émissions de gaz à effet de serre aux États-Unis, selon l’EPA. Et c’est l’un des secteurs les plus difficiles à décarboner. Avec une solution comme celle-ci, basée sur des ressources locales, renouvelables et inexploitées, l’espoir d’une aviation plus sobre se dessine concrètement.
Et si, demain, chaque plateau-repas abandonné en fin de vol servait à propulser le suivant ? Cela paraît fou. Mais avec ce type d’innovation, le rêvion vert n’est peut-être plus très loin.
Par Eric Rafidiarimanana, le
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