Si parmi nos lecteurs cinéphiles, certains veulent adapter Don Quichotte, s’il vous plaît, n’insistez pas ! Ce projet est tout simplement impossible à réaliser. Non pas que nous mettions vos talents en doute, mais ce film est tout simplement maudit… De Orson Welles à Terry Gilliam, nombreux sont les réalisateurs qui ont essayé de porter le personnage de Cervantes à l’écran. SooGeek vous en dit plus sur les diverses mésaventures liées à cette oeuvre.
Avant toute chose, il faut savoir que « L’Ingénieux Hidalgo Don Quichotte de la Manche« est une œuvre célèbre écrite entre 1605 et 1615, par Miguel Cervantes. Ce roman de chevalerie relate les aventures de Alonso Quichano (alias Don Quichotte), un personnage créé pour se moquer de l’absurdité des structures sociales espagnoles de l’époque. L’intrigue s’ouvre sur ce pauvre hidalgo tellement obsédé par les livres de chevalerie, qu’ils finissent par altérer sa réalité. Persuadé d’être un chevalier errant du nom de Don Quichotte, Quichano décide de partir à l’aventure. C’est chevauchant son cheval squelettique en compagnie de son écuyer Sancho Panza, que le vieil homme se sent investi de la mission de combattre le mal et de protéger les opprimés.
Don Quichotte perçoit alors tout ce qui l’entoure comme incroyable. Ainsi, la moindre auberge devient un manoir enchanté et les moulins à vent deviennent des géants menaçants… L’histoire en deux parties est passionnante, et donne des idées aux plus grands cinéastes. Seulement voilà… réaliser Don Quichotte est aussi suicidaire que de vouloir porter du vert sur scène ; et c’est peu de le dire. Les ennuis commencent dès 1933, avec le réalisateur Georg Wilhelm Pabst. S’il parvient à mener le projet à terme, il est traîné en justice par le compositeur Maurice Ravel qui l’accuse d’avoir plagié son œuvre « Don Quichotte à Dulcinée« .
Quarante ans plus tard, c’est Arthur Hiller qui se lance dans l’aventure et cette fois c’est la catastrophe : les dépassements de budget, les fréquents changements de réalisateurs et de scénaristes ont raison du projet qui devient alors… une comédie musicale. Jusque-là, rien de très affreux : les deux films ont pu au moins voir le jour. Mais en 1957, le fantôme de Cervantes semble devenir plus virulent. En effet, l’adaptation d’Orson Welles est si fastidieuse à réaliser, qu’il abandonne. Seuls quelques rushs subsisteront de ce projet avorté.
Enfin, en 1998, Terry Gilliam tente à son tour l’aventure, mais cela s’avère être un pur désastre… Voilà plus de dix ans que le réalisateur tente d’adapter le roman à l’écran. Mais rien n’y fait, entre tournage catastrophique et pure malchance, L’Homme qui tua Don Quichotte n’a jamais pu être achevé. Il faut revenir en arrière pour tenter d’avoir une vue d’ensemble sur ce tournage chaotique. Tout d’abord, ce dernier épisode de la saga Don Quichotte est le plus grand désastre financier (surtout pour les assurances) qui a eu lieu dans le monde du cinéma.
Pour commencer, les acteurs principaux n’ont finalement pas pu participer au tournage complet… Le projet ayant mis trop de temps à se lancer, les emplois du temps de Johnny Depp et Vanessa Paradis ne leur permettaient plus d’assurer leurs rôles. Ensuite, des problèmes surviennent sur le lieu de tournage qui est très mal insonorisé… Tant et si bien que toutes les prises de son sans exception sont gâchées par des échos. À cela, s’ajoute le vacarme d’un ballet aérien : l’aviation espagnole a en effet eu l’excellente idée de faire des essais de vols durant des jours entiers ; ce qui a fatalement provoqué un décalage du tournage déjà très en retard.
Après ce « petit » désagrément, Gilliam pouvait enfin espérer tourner les scènes en extérieur. Sauf que cette fois, c’est la météo qui s’en mêle… Nous sommes en plein mois de juillet dans le désert espagnol, et il se met à pleuvoir à verse… Non seulement la pluie perturbe le tournage, mais elle détruit également les décors, et embarque le matériel dans des mares de bout gluantes. Si ça n’est pas de la malchance ! Une fois tout rentré dans l’ordre, le destin, non content d’en rester là, décide encore de jouer un mauvais tour à Gilliam.
Jean Rochefort qui incarnait Don Quichotte fait une mauvaise chute de cheval qui entraîne non pas une, mais deux hernies discales. Pour ce passionné d’équitation qu’est Jean Rochefort, cette chute était improbable… Le diagnostic tombé, les médecins interdisent formellement à l’acteur français de remonter à cheval, ce qui est quand même assez ballot quand on incarne un chevalier ! Cette fois, c’en est trop pour Terry Gilliam qui décide de tout arrêter (avait-il vraiment le choix ?) et d’utiliser les rushs pour en faire un making-of intitulé « Lost in la Mancha« .
Mais il ne faut pas sous-estimer un réalisateur têtu comme Gilliam. Après avoir abandonné le tournage au bout d’une dizaine de jours, il décide de reprendre les rênes du destin et de recommencer. L’idée est d’autant plus folle, que les droits de Don Quichotte sont désormais aux mains d’investisseurs et assureurs très frileux. Quant aux acteurs, ils ne semblent pas vraiment enthousiastes à l’idée de se confronter à la malédiction. Ainsi, Colin Farrell aurait refusé le rôle, tandis que Johnny Depp aurait émis d’énormes réserves quant à l’idée de reprendre le tournage.
Comment ne pas les comprendre ? Si vous acceptez de participer au tournage, vous risquez d’être noyé sous les trombes d’eau d’une pluie en plein désert ou de vous briser le cou à cheval. Autant choisir de jouer dans un Indiana Jones ! Soyons honnêtes, ce projet semble bel et bien impossible. Orson Welles lui-même est mort avant la fin de son tournage, il avait insisté près de 15 ans pour essayer de finir son film malgré les bobines égarées, les plans manquants et le décès de son acteur principal. Soit, nous ne verrons peut-être jamais le Don Quichotte de Terry Gilliam, mais il est sans doute préférable qu’il en soit ainsi !
L’esprit de Cervantes ne semble pas vouloir que son œuvre soit un jour adaptée au cinéma. Toutes les tentatives n’ont été qu’une série de films avortés, rushs égarés ou encore procès enragés. Il est intéressant de savoir que ces déconfitures sont liées à un roman dont le récit est fondé sur un anti-héros, symbole de l’échec et de la désillusion. Selon vous, d’où vient cette malédiction ?
Par Caroline Bui Trong Trinh, le
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