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Disparu depuis 400 ans, un oiseau emblématique pourrait renaître grâce à une start-up bien décidée à défier la nature

Colossal Biosciences affirme avoir franchi une « étape clé » pour faire renaître le dodo, oiseau mythique disparu au XVIIe siècle. Mais entre prouesse scientifique et marketing génétique, que faut-il vraiment comprendre ?

Reconstitution numérique d’un dodo dans un laboratoire futuriste avec des chercheurs et des séquences ADN affichées sur des écrans.
Un laboratoire de pointe mène des expériences pour faire renaître le dodo, oiseau disparu depuis le XVIIe siècle – DailyGeekShow.com

Le retour du dodo : pas pour tout de suite, mais plus proche qu’on ne le pense

Après avoir récemment fait parler d’elle pour ses avancées sur le mammouth, le loup terrible ou encore le tigre de Tasmanie, la start-up Colossal Biosciences s’attaque à une icône : le dodo. Disparu depuis environ 400 ans, cet oiseau originaire de l’île Maurice est devenu le symbole même de l’extinction.

Mais attention : le dodo version 2025 ne débarquera pas tout de suite. Car ramener un oiseau à la vie est infiniment plus complexe que de travailler sur un mammifère. Comme l’explique Beth Shapiro, directrice scientifique chez Colossal, il est impossible de cloner un oiseau de façon classique. Il faut créer deux générations artificielles, croiser des parents porteurs des gènes modifiés, et espérer que la magie opère.

La bonne nouvelle : l’équipe affirme avoir réussi à cultiver des cellules spécialisées à partir de pigeons domestiques. Prochaine étape : appliquer la même technique au pigeon de Nicobar, le plus proche cousin vivant du dodo.

Dé-extinction ou création d’un double génétique ?

Ce que Colossal tente de faire, certains le qualifient de « dé-extinction ». Mais le terme est trompeur. Comme le rappelle Scott MacDougall-Shackleton, spécialiste canadien des oiseaux, ce n’est pas vraiment le dodo qu’on ramène, mais un organisme génétiquement très proche, créé à partir de gènes modifiés.

Autrement dit, Colossal ne ressuscite pas des espèces disparues : elle en fabrique des copies. C’est un exploit technologique incontestable, mais pas une machine à remonter le temps. Pour le dodo comme pour le mammouth, les créatures qui verront le jour seront nouvelles, hybrides, et jamais vues dans la nature.

Cela soulève une question éthique majeure : peut-on ramener la vie, ou seulement l’imiter ? Et surtout, à quel prix ?

Des retombées scientifiques concrètes pour les espèces encore vivantes

Malgré les critiques, le projet Colossal ne relève pas seulement du fantasme de milliardaire nostalgique de Jurassic Park. Il pourrait avoir des applications très concrètes pour la conservation.

Comme l’explique Cock Van Oosterhout, professeur de génétique à l’université East Anglia, les techniques développées pour réinsérer des gènes disparus pourraient aider à renforcer la résilience génétique d’oiseaux encore vivants. On pourrait ainsi réintroduire des variantes résistantes à certains virus ou rétablir la diversité d’espèces fragilisées.

La « renaissance » du dodo ne serait alors qu’un effet vitrine, utile pour attirer les projecteurs sur un enjeu plus vaste : la survie des espèces en danger aujourd’hui.

Une prouesse technique, mais une question de fond qui reste ouverte

Ramener le dodo n’est pas un caprice. C’est un pari sur le futur du vivant. Colossal ouvre une brèche : celle d’une biologie réécrite, d’un patrimoine génétique recomposé. Un monde où l’on ne se contente plus de protéger la nature, mais où on la réinvente.

Reste à savoir si cette science-fiction devenue réalité servira la biodiversité ou nourrira un nouveau désir de contrôle total sur le vivant. Le dodo renaît peut-être. Mais il nous oblige déjà à réfléchir à ce que signifie « ramener à la vie ».

Par Eric Rafidiarimanana, le

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