Des rangées de collines recouvertes de végétation, stratégiquement disposées le long des côtes, pourraient contribuer à limiter les dégâts causés par les tsunamis tout en préservant la vue sur l’océan et l’accès au littoral. Pour certaines communautés, elles constitueraient même une meilleure option que les imposantes digues de béton.
« Face à une menace potentielle, construire un mur représente une réaction naturelle »
Dans le cadre de cette nouvelle étude publiée dans la revue PNAS, les chercheurs ont tenté de quantifier la manière dont les vagues de tsunamis de différentes hauteurs interagissaient avec les monticules de tailles et de formes diverses disposés en bord de mer. À l’heure actuelle, les digues géantes constituent l’approche classique pour atténuer le risque de tsunami. Le Japon, par exemple, a construit des centaines de kilomètres de murs de béton, d’une hauteur de plus de 12 mètres à certains endroits, pour un coût de plus de 12 milliards de dollars, suite au terrible tsunami ayant frappé l’est du pays en mars 2011.
Mais ces digues s’avèrent coûteuses, nuisent au tourisme local et aux industries de la pêche, perturbent les communautés côtières et détruisent l’environnement. Sans parler des graves conséquences que leur destruction peut engendrer.
« Si la digue s’effondre, les conséquences sont terribles pour la vie », explique Jenny Suckale, auteure principale de l’étude et professeure adjointe de géophysique à la School of Earth, Energy & Environmental Sciences de Stanford. « De telles installations peuvent non seulement créer un faux sentiment de sécurité qui pourrait dissuader les évacuations rapides, mais également finir par se briser en blocs que les vagues du tsunami projettent ensuite dans toute la ville. »
« Face à une menace potentielle, construire un mur représente une réaction naturelle. Mais s’il est vrai que ces digues peuvent répondre à certains risques de tsunami, les facteurs rendant un endroit habitable s’avèrent complexes », poursuit la chercheuse. « La plupart des communautés côtières veulent maximiser leur bien-être, et non minimiser leurs risques au détriment de tout le reste. Tenez-vous vraiment à vivre derrière un gigantesque mur de béton parce qu’il y a une petite chance qu’un tsunami massif vous frappe ? Il est important d’explorer d’autres alternatives. »
Selon les chercheurs, disposer de davantage d’options s’avère indispensable dans les endroits où les ressources pour la protection des côtes sont rares, et cette nouvelle étude fournit aux pays les plus exposés une base solide concernant l’utilisation de barrières végétales comme moyen moins coûteux d’atténuer les risques de tsunami.
Les forêts littorales pour se protéger des tsunamis
Les forêts littorales peuvent contribuer à atténuer légèrement la vitesse d’écoulement d’un tsunami lorsque celui-ci frappe les terres. Ces solutions et d’autres solutions basées sur la nature se révèlent de plus en plus importantes en matière de gestion des risques côtiers. Cependant, il faut des décennies pour que les arbres deviennent assez robustes pour assurer une protection efficace. Si la végétation n’a qu’une incidence limitée sur l’énergie générée par une vague, elle participe cependant à limiter l’érosion, et contribue par conséquent au maintien des terres sur lesquelles elle est plantée.
Une autre solution, qui apparaît sur les côtes des pays du monde entier sujets aux tsunamis, cherche à combiner le meilleur des deux mondes, en mêlant digues de béton de taille réduite et forêts littorales. Mais jusqu’à présent, ces projets ont été davantage guidés par l’esthétique que par la science, selon les chercheurs de Stanford.
« À l’heure actuelle, nos conceptions ne sont pas suffisamment stratégiques », estime Suckale. « Ces travaux constituent un point de départ pour comprendre comment concevoir ce type de parcs afin d’en tirer le maximum de bénéfices en matière d’atténuation des risques. »
Une conception cruciale
En modélisant numériquement ce qui se produit lorsqu’une vague de tsunami s’abat sur une seule rangée de collines, les chercheurs ont montré que ces monticules pouvaient absorber la puissance destructrice d’une vague de tsunami à peu près aussi bien qu’une digue en béton typique. Et il s’est avéré que dans le cas d’un tsunami gigantesque, se produisant en moyenne tous les mille ans, ces monticules ne se révélaient pas moins efficaces que les murs les plus imposants. Par conséquent, l’étude conclut qu’il n’y a que peu de valeur ajoutée à combiner murs et collines, approche envisagée par différentes villes, de Constitución, au Chili, à Morino, au Japon.
« Ces collines absorbent une quantité surprenante d’énergie dans le cas de vagues de petite et moyenne ampleur », explique Suckale. « La personnalisation de la forme des collines en fonction de celle du littoral, de la direction probable des tsunamis et d’autres facteurs propres au site peut aider à maximiser la quantité d’énergie absorbée. Si un tsunami n’est pas freiné, il ne laisse que peu de survivants. Il projette les voitures sur les bâtiments et vous pouvez être facilement emporté par une vague ou frappé par les objets qu’elle transporte », ajoute la chercheuse.
L’étude souligne également la nécessité de reculer les maisons et les infrastructures derrière une large zone tampon, étant donné que les collines peuvent accélérer les flux et augmenter les dégâts dans la zone à proximité immédiate des digues végétales. Pour éviter cela, les chercheurs préconisent de privilégier des conceptions avec plusieurs rangées de collines décalées, dont la taille diminuerait progressivement à partir des côtes.
« Nos travaux montrent que la conception est cruciale et qu’il est indispensable de privilégier l’espacement et les formes adéquates. Les considérations purement esthétiques ne devraient pas entrer en ligne de compte pour de tels aménagements », conclut Suckale.
Par Yann Contegat, le
Source: Futurity
Étiquettes: tsunami, vegetale, digue, forêt littorale, vague
Catégories: Écologie, Actualités