Des abeilles équipées de puces électroniques et contrôlées à distance : en Chine, la fusion entre nature et technologie ouvre de nouvelles voies pour explorer, cartographier et surveiller nos environnements, tout en posant des questions inédites sur le bio-contrôle animal et les frontières de l’éthique scientifique.

Comment une puce ultralégère permet de piloter une abeille sans entraver son vol naturel
Imaginez une abeille qui, au lieu de butiner, cartographie une zone sinistrée sur commande. En Chine, des scientifiques ont réussi à la diriger à distance via une puce ultralégère. Ce n’est plus l’abeille qui s’adapte à la machine, mais la machine qui apprend à penser comme un insecte.
Pour y parvenir, le défi était immense : comment greffer un dispositif électronique sur une abeille sans l’empêcher de voler ? La réponse : un circuit imprimé souple, pesant seulement 74 milligrammes, conçu à l’Institut de technologie de Pékin. C’est moins lourd qu’un grain de riz !
Par ailleurs, ce bijou technologique est relié au cerveau de l’insecte par trois microaiguilles. Leur rôle ? Envoyer des signaux électriques qui imitent ceux que l’abeille reçoit naturellement. Résultat : dans 90 % des cas, elle suit les ordres donnés. Tourner, reculer, accélérer… C’est bluffant. En comparaison avec les premiers essais sur les cafards (oui, on a testé ça aussi), l’abeille reste agile, rapide, légère.
Pourquoi l’abeille est l’animal parfait pour explorer, cartographier et se faufiler là où les drones échouent
Mais pourquoi l’abeille précisément ? Tout simplement parce que c’est une machine biologique hors normes. Elle peut voler sur plusieurs kilomètres, transporter l’équivalent de 80 % de son poids, et se faufiler partout. Autant dire qu’elle a tout pour devenir un vecteur d’exploration ou de secours dans des zones inaccessibles aux drones classiques.
De surcroît, le dispositif chinois éclipse les essais précédents. En comparaison, le prototype singapourien, trois fois plus lourd, obligeait l’insecte à ramper. Ici, la puce est si fine qu’elle imite la souplesse de l’aile. De plus, elle embarque même un récepteur infrarouge, ce qui permet d’envoyer les ordres sans fil. Autrement dit, littéralement, l’abeille « reçoit » des ordres lumineux.
Bioéthique, manipulation, surveillance : ce que pose comme questions l’essor de l’insecte augmenté
Bien sûr, cette avancée fait rêver. Cartographier un bâtiment effondré, repérer des poches de chaleur, ou même surveiller discrètement une zone urbaine : les applications sont nombreuses. Cependant, une question s’impose : jusqu’où peut-on aller dans le contrôle du vivant ?
En effet, transformer un animal en outil, est-ce encore de la science ou déjà de la manipulation ? L’équipe chinoise affirme que les abeilles ne souffrent pas et reprennent une vie normale après les tests. Pourtant, l’équilibre est fragile entre innovation et intrusion. Et, comme souvent avec les technologies militaires détournées vers le civil, les lignes morales bougent vite.
Un changement de paradigme : quand la nature devient le capteur intelligent de nos villes
Finalement, on touche ici à un changement de paradigme. Désormais, ce ne sont plus des robots qui imitent le vivant, mais le vivant qui devient support de robotique. Imaginez un essaim d’abeilles-cyborgs en train de modéliser en temps réel la pollution d’une ville. Ou encore, de chercher des survivants dans les décombres après un séisme. Ainsi, le vivant devient un capteur intelligent, plus efficace, plus agile, plus sobre énergétiquement qu’un drone classique.
Ce que les chercheurs chinois ont réussi, c’est une première mondiale. En conséquence, c’est surtout un signal. La frontière entre nature et machine est en train de s’effacer. Et avec elle, nos certitudes sur ce que veut dire « contrôler » un organisme vivant.
Par Gabrielle Andriamanjatoson, le
Source: Science & Vie
Étiquettes: abeilles, bio contrôle animale
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