Puisque vous êtes sur internet, il y a fort à parier que vous appréciez le cinéma populaire et pourquoi pas même les jeux vidéo. Bravo, vous faites partie de la génération internet qui a vu naître le néo-geek qui se nourrit chaque jour ou presque de tout ce qu’il peut attraper d’intéressant sur la toile. Les nouveaux créateurs de contenus s’ouvrent à cette audience, avec des formats courts et divertissants, à l’image de Crossed, chronique mêlant cinéma et jeux vidéo. Une petite bombe signée Karim Debbache.
Les contenus divers et variés pullulent sur le net. Tutos, critiques, démonstrations, divertissements, discussions philosophiques, tous les sujets (ou presque) sont traités, de près ou de loin, par des passionnés, des amateurs et des professionnels. Evidemment, puisque nous sommes sur internet, le geek se fait la part belle, et les vidéos centrées sur les jeux vidéo ou le cinéma sont légion. Pour se démarquer, certains comme Karim Debbache et ses compères, ont décidé d’aller plus loin, d’être plus spécifiques, et de croiser les sujets.
La playlist des Crossed
De là est né Crossed, littéralement Croisement en anglais, chronique cinéma traitant exclusivement d’œuvres cinématographiques adaptées directement de licences du jeu vidéo telles que Super Mario Bros., ou reprenant certains des principes de la scène vidéoludique, comme eXistenZ. Pour ce faire, Karim Debbache et son équipe, tous gamers, cinéphiles et professionnels des métiers du cinéma, ont usé de leur culture populaire comme élitiste pour produire 10 à 15 minutes d’analyse, critique, divertissement, 2 fois par mois, pendant un an. 28 épisodes ont ainsi été produits entre février 2013 et avril 2014.
Très contextualisée pour la toile, cette chronique intègre énormément de clins d’œil et d’humour de connivence qui ne plairont pas à tout le monde. En effet, si vous n’êtes pas du genre à écumer les cercles tendance qui forment internet et sa scène jeux vidéo, certaines blagues pourraient vous échapper. Toutefois, la critique reste réfléchie et il est toujours intéressant de recevoir un avis de spécialiste sur des films plus ou moins mauvais. Oui, car il y a toujours quelque chose à tirer d’une œuvre, qu’elle soit comprise ou non par son public. Crossed en fait la démonstration.
D’un point de vue purement technique, la production est professionnelle. Foncièrement. L’équipe cinéphile a de l’expérience dans la production audiovisuelle, exerce une activité directement liée à l’image ou au son, et la création de ce contenu est rémunérée. Le matériel est spécifique et de qualité, la postproduction est soignée, l’écriture réfléchie, bref, ils prennent le temps de faire les choses dans les règles pour un résultat bien plus qu’appréciable.
Culture, humour, divertissement, analyse, tout ça en moins de 15 minutes. C’est peut-être la raison qui force Karim à parler à une vitesse folle, et à choisir un montage serré, apportant un rythme effréné à la chronique. On en prend plein la tête donc, au point que les blagues potaches régulières offrent un soulagement où l’on peut se décontracter le cerveau. Non pas que ce soit compliqué à comprendre, car Crossed est très bien écrit. C’est une parfaite illustration de ce que doit être la vulgarisation sur internet face à cette audience. Simple, concise, efficace, avec un peu d’humour.
Si cette simplicité peut être critiquée, si le format et l’humour peuvent sembler vouloir combler un manque de contenu et camoufler une analyse pauvre, il faut encore une fois se rappeler du contexte. Nous sommes sur internet, sur un site de jeu vidéo plus précisément, et nous parlons à une audience jeune, très exposée à l’actualisation de la toile. C’est une déferlante de contenu qui est ingurgitée chaque jour par des personnes pour la plupart habituées à consommer rapidement un maximum d’informations. Crossed s’intègre donc dans un menu gastroludique où l’audience n’a plus vraiment faim, gavée de nombreuses autres choses. Si vous cherchez une analyse exhaustive et exempte de défauts, cherchez ailleurs.
Autre point intéressant, le scénario de chaque épisode. Il mélange des mécaniques propres au cinéma avec des twists surprenants, des atmosphères variées, des allures de documentaires ou films de genre, et des personnages hauts en couleur, totalement composés. Kamel Debbiche par exemple, est l’alter ego de Karim Debbache, lui donnant la réplique dans des dialogues en champ-contrechamp. Il reprend les caractéristiques physiques de Karim, puisque c’est le même acteur, possède la même culture et se différencie par sa position face au film. Il joue l’avocat du diable et c’est un peu la voix du spectateur.
Gilles Stella apparaît également à l’image dans un rôle de cadreur super enthousiaste, toujours volontaire et délirant, tantôt chantant, tantôt dansant. Il incarne aussi des personnages grotesques, la police du jeu vidéo par exemple, dans les scènes illustratives, colorées d’un jeu d’acteur très exagéré voire mauvais. Jérémy Morvan joue le preneur de son, et le comic relief. C’est lui qui fait une tête d’idiot pour surprendre le spectateur et lui décoller le cerveau du fond du bocal histoire de rafraichir sa concentration après une séquence intense et trop sérieuse.
D’autres personnages apparaissent ponctuellement dans les épisodes, comme Charles, un type qui n’a rien demandé à personne et semble perdu avec sa tasse de café à la main, planté en plein milieu de l’image et utilisé comme censure face à des scènes jugées trop violentes pour l’audience. Certaines personnalités du web ont également participé à Crossed dans de petits caméos signés « fan service », qui ravissent le spectateur et mélangent les communautés. Ainsi, Antoine Daniel, Usul ou MrMeeea se cachent dans l’un des 28 épisodes de Crossed. Non, vous ne pourrez pas les louper.
Karim Debbache à la recherche d’un film intéressant
Puisque c’est une chronique de vulgarisation, il faut utiliser des références en accord avec cette culture. Une des échelles les plus utilisées est Jurassic Park. Déjà parce que Gilles est obsédé par ce film, et surtout parce que ça parle à tout le monde. Tout le monde l’a vu et aimé ou alors ils sont tellement peu nombreux qu’ils se cachent. De plus, cela présente un intérêt technique.
Même si l’on n’a pas la date exacte de la sortie de ce chef-d’œuvre de Steven Spielberg en tête (20 octobre 1993), cela reste une référence aussi bien temporelle que technique. Depuis ce repère populaire, il devient alors facile et parlant de le comparer au film traité par la chronique. Une méthode plus divertissante qu’utiliser le jargon technique, spécifique ou élitiste du cinéma.
Karim Debbache dans un épisode de Crossed beaucoup plus personnel
Nombreux nanars et rares chefs-d’œuvre sont disséqués et commentés au fil des 28 épisodes par cette équipe de joyeux lurons qui offrent autant de divertissement que de savoir. Dommage que le filon cinématographique offrant la part belle au jeu vidéo soit si mince ; il aura bien fallu arrêter faute de trouver de nouveaux sujets intéressants. Qu’à cela ne tienne ! Karim et sa bande nous reviennent début 2016 avec un nouveau projet, Chroma, au format similaire mais au contenu plus vaste. De quoi traiter le cinéma à fond sans concessions.
Vidéo d’introduction au projet Chroma
Bref, inutile de vous raconter le contenu des épisodes. Si vous aimez le cinéma populaire et les jeux vidéo, Crossed est le petit bonbon qu’il vous faut quand votre vie a mal à la gorge. Avec de l’humour, des personnages détonnants, des analyses intéressantes, une production de qualité avec des scénarios soignés, la scène internet s’est étoffée d’une chronique référencée parmi les meilleures proposées. À regarder sans modération.
Par Gabriel Pilet, le
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Catégories: Actualités, Geek