Dans la « guerre » menée contre le coronavirus, les femmes se retrouvent en première ligne. Infirmières, institutrices ou mères isolées… Elles mènent de front la bataille et méritent notre reconnaissance.
Les professions majoritairement féminines en première ligne
C’est devenu un rituel : tous les soirs à 20h, les Français applaudissent les soignants, ces « héros en blouse blanche », comme on les appelle depuis le début de la crise. Il est également nécessaire de rappeler le rôle fondamental des « héroïnes ». En effet, le milieu hospitalier est composé en majorité de femmes, à 78 %, dont 90 % d’infirmières et d’aides-soignantes. Dans le monde, une enquête menée par 3 chercheuses (Clare Wenham, Julia Smit et Rosemary Morgan) et publiée par le magazine scientifique britannique The Lancet, montre que dans la province du Hubei (Chine, région majoritairement touchée par l’épidémie), « plus de 90 % des soignants sont des femmes ».
Et pourtant, les métiers considérés comme « importants » restent majoritairement masculins. En 2015, les femmes n’étaient que 16,8 % à être chirurgiennes. Dans un tout autre registre, alors que, comme nous l’avons dit plus haut, elles sont plus de 70 % à travailler en milieu hospitalier, le même nombre s’applique pour les conseillers de l’Élysée… mais à l’inverse. Ainsi, le président compte 70 % de conseillers masculins contre 30 % de conseillères.
Les crises permettent parfois aux oublié(e)s de gagner en visibilité
Cette crise sanitaire permettra-t-elle aux femmes de faire encore un pas vers l’égalité ? Alors qu’au début du mois encore, la France se déchirait sur ces questions (avec MeToo et les César notamment), les discours martiaux de nos dirigeants nous ramènent à d’autres moments de notre histoire. Pendant la Première Guerre mondiale, les femmes ont également été en première ligne. Certes, elles ne portaient pas les armes, mais certaines partaient au front en tant qu’infirmières. D’autres encore travaillaient à l’usine (les fameuses « munitionnettes »), ou travaillaient dans les champs deux fois plus afin de remplacer les hommes. Pendant la Résistance, elles ont joué un rôle considérable, en tant qu’infirmières, aviatrices, secrétaires… Toutefois, leur rôle a été minimisé pendant plus de 30 ans (on ne compte que 6 femmes sur les 1 059 compagnons de la Libération). Ces crises ont malgré tout permis des avancées considérables dans la législation, ainsi en 1918 les Allemandes et les Britanniques obtenaient le droit de vote, et les Françaises l’ont eu en 1944.
Plus généralement, selon la sociologue du travail Dominique Méda, ce sont tous les « métiers invisibles » qui sont redécouverts. Selon elle, « les métiers importants ne sont pas ceux qu’on croyait ». Ainsi, les infirmiers, aides-soignants, caissiers, éboueurs se retrouvent désormais en première ligne pour assurer la survie de la société, or ces métiers sont, d’ordinaire, hautement méprisés par la société. Avec l’école à la maison, les parents se rendent compte de la difficulté du métier d’enseignant (les institutrices sont d’ailleurs majoritaires), de même que les familles monoparentales, majoritairement constituées de femmes seules.
Les femmes se retrouvent, aujourd’hui, en première ligne face à la pandémie de Covid-19. Habituellement reléguées aux tâches et métiers considérés comme subalternes, cette crise permettra-t-elle aux pouvoirs publics et à l’opinion d’ouvrir les yeux sur le véritable rôle que jouent les femmes au sein de la société ?
Par Marine Guichard, le
Source: Challenges
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