Cela fait désormais plusieurs semaines qu’elles travaillent avec acharnement, avec pour seule récompense la satisfaction de rendre service à la communauté. Depuis le début de l’épidémie en France, des centaines de couturières à travers le pays cousent bénévolement des masques, des blouses, des charlottes… au personnel soignant et au grand public. Mais à présent, elles estiment que leur activité a largement dépassé ce stade du bénévolat et exigent une rémunération.
Elles participent à un « effort de guerre »
Depuis le début du confinement, des centaines de couturières travaillent bénévolement à la confection de masques. Pour pallier le manque laissé par l’État, elles travaillent, pour certaines, 10 à 12h par jour. C’est le cas de Christie, costumière, pour qui le long-métrage sur lequel elle travaillait s’est arrêté avec le confinement, qui explique sur France Inter qu’après avoir cousu 600 masques pour les soignants et 200 pour des particuliers et entreprises, et avoir utilisé une partie de son stock de tissus personnel, elle doit se contenter des minima sociaux.
« Pendant chaque guerre, les femmes ont apporté un soutien logistique, dans les usines, pour lequel elles étaient rémunérées. Tout travail mérite salaire. Dès lors que le bénévolat est organisé à grande échelle, sans être rémunéré, cela s’appelle du travail dissimulé », affirme-t-elle, toujours à France Inter. Et c’est vrai : les femmes ont toujours apporté leur savoir-faire pendant les guerres. Que ce soit lors des deux guerres mondiales ou aujourd’hui, le travail des femmes lors des périodes de crise a toujours été primordial.
La mince différence entre bénévolat et travail dissimulé
Le bénévolat se caractérise par un travail effectué en l’absence de rémunération. Bien qu’il n’en existe pas de définition juridique, un avis du Conseil économique et social du 24 février 1993 affirme qu’« est bénévole toute personne qui s’engage librement pour mener une action non salariée en direction d’autrui, en dehors de son temps professionnel et familial ». Elle ne perçoit pas de rémunération et n’est pas soumise à un lien de subordination juridique, elle est donc libre de rompre le contrat si elle le souhaite.
Certaines couturières affirment que la quantité de travail fourni s’apparente désormais presque à du travail dissimulé. C’est ce qu’affirme plus haut Christie sur France Inter. Le travail dissimulé se caractérise, entre autres, par l’absence de déclaration des heures de travail ou de bulletin de paie. Le travail des couturières ne rentre donc pas tout à fait dans cette catégorie, toutefois on peut se demander si autant de travail fourni à grande échelle peut encore être considéré comme bénévole.
Des sollicitations publiques
Le travail exercé par ces couturières s’est révélé tellement efficace qu’elles ont reçu des demandes de beaucoup d’entreprises, associations et même collectivités locales. Catherine explique à France Bleu Bretagne que « maintenant, on reçoit même des demandes de l’armée, de la sous-préfecture ou d’autres grosses structures comme l’association Don Bosco. Ils nous demandent des centaines de masques. Et là, on dit non. Personne ne viendra nous donner des sous pour payer nos charges. »
Réunies à travers un collectif, Bas les Masques, elles appellent à refuser de travailler bénévolement pour des collectivités ou des grandes entreprises si elles n’ont pas de salaire.
Elles craignent ainsi la dévalorisation d’un métier et d’un savoir-faire, comme si la couture était une activité naturelle et innée chez les femmes, qui ne mériterait pas salaire. Dans une pétition sur Change.org, elles demandent à ce que soient réquisitionnés « les ateliers et les fonctionnaires d’État qui sont au chômage technique, ainsi que les opéras, théâtres, grandes entreprises » afin d’embaucher des couturières en CDD. Malheureusement, du fait de leurs revendications, beaucoup se sont fait insulter sur les réseaux sociaux et sont accusées de profiter de la crise pour « s’enrichir », non seulement en France mais également en Belgique.
Grâce au travail fourni bénévolement par des centaines de couturières, beaucoup de gens ont pu se procurer des masques, et donc ainsi se protéger tant bien que mal contre le coronavirus. Toutefois, ces couturières, parce qu’elles sont maintenant sollicitées à grande échelle par les mairies et grandes entreprises, réclament désormais un juste salaire, ce qui leur apporterait de la reconnaissance.
Par Marine Guichard, le
Source: France Inter
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