Malgré un scandale de grande ampleur en 2015, concernant un rapport de la faculté de médecine de Lyon précisant que l’examen clinique de l’utérus se ferait « en apprentissage du bloc sur patiente endormie », on constate aujourd’hui que depuis près de quarante ans, les touchers vaginaux et rectaux sans consentement sont toujours d’actualité dans les cabinets des gynécologues de France. Une situation qui implique notamment les étudiants et étudiantes en médecine, invités à ausculter des patients endormis, malgré une prescription pourtant claire et inscrite dans le code de la déontologie.
Des professionnels dans l’ignorance
Le code de déontologie de la médecine précise pourtant bien par le biais de son article L1111-4 de la santé publique que « l’examen d’une personne malade dans le cadre ‘un enseignement clinique requiert son consentement préalable ». Pour se rendre compte de la non-application de ces lois plutôt évidentes, il faut s’en référer aux professionnels. Ainsi, à l’évocation de ce scandale, Israël Nasard, président du collège national des gynécologues français (CNGOF) réplique « que cela fait partie de l ‘examen, il faut faire un examen gynécologique avant ».
Face au rappel du texte en question, il déclare alors « je ne suis pas conscient de ça, il n’y a jamais eu de consentement spécifique ». Il admet avoir été lui-même amené à examiner une patiente au bloc de cette façon il y quarante ans. Déjà au centre de polémiques suite à ses déclarations dans le magazine Elle, (il avait notamment décrété ne pas toujours donner d’informations aux femmes « pour ne pas les inquiéter », particulièrement en matière d’interventions « brutales » comme une révision utérine), se pourrait-il qu’Israël Nasard, bien que reconnu et respecté par la profession soit en marge des pratiques courantes ? Malheureusement, non.
Ainsi, Amina Yamgnane, gynécologue obstétricienne et présidente d’une commission sur les violences obstétricales au sein du CNGOF, affirme « je ne connais aucun étudiant de ma promo qui n’ait appris autrement à faire du toucher vaginal que sous anesthésie. C’est pas 1 % de la population des gynécologues, c’est beaucoup plus », insiste-t-elle, formée en 1988.
Professeurs et enseignants participent également à la banalisation de ces violences
La faculté de Lyon n’est l’unique cas d’actes médicaux non consentis. Les carnets de stage des facs de médecine n’ont pas encore intégré la problématique du consentement, comme dans le livret d’accueil des externes du service de gynécologie obstétrique de l’hôpital Laiboisière qui précise même qu’ « il est plus formateur si vous étudiez le dossier avant, posez des questions et demandez à examiner la patiente sous anesthésie générale ».
À aucun moment, dans le dossier, il n’est précisé que l’étudiant en question doit impérativement demander le consentement de la patiente comme le prévoit le code de la déontologie. Un étudiant témoigne même : « un interne m’a contraint à faire un toucher vaginal sur une patiente, en m’expliquant que ce n’était pas nécessaire mais qu’il fallait que je me forme ». Des pratiques qui mettent relief le sexisme latent de la profession, et les difficultés des patientes à faire entendre leur voix.
Un éveil des consciences lent mais progressif
Alors que le débat sur les violences gynécologiques auraient du faire bouger les choses, des examens de patientes sous anesthésie sont encore pratiqués, malgré leur formelle interdiction. Bien heureusement, la jeune génération en a conscience et semble déterminée à faire bouger les choses. Nombre d’étudiants ont témoigné de leurs expériences en formation, dénonçant les pratiques pas forcément utiles et l’asymétrie d’information communiquée aux patients.
En ligne, ils témoignent : « les touchers vaginaux ne sont pas toujours indispensables, mais faut bien que t’apprennes » s’est ainsi confié un interne à son étudiant. Rebelote pour cet étudiant qui raconte « comment un jour, un médecin (lui avait) proposé de violer une vieille dame » en lui proposant de réaliser un toucher vaginal, pourtant parfaitement inutile pour dépister un cancer colorectal, un toucher rectal devant normalement être prescrit.
Les étudiants dénoncent également les prises de positions ambigües des enseignants sur les réseaux sociaux, avec des témoignages édifiants comme ce professeur, qui, en plein cours magistral, déclare « Les touchers rectaux, c’est important de s’entraîner donc quand vous passez en chirurgie, c’est pratique le patient est endormi donc n’hésitez pas à vous entraîner ».
Certains centres hospitaliers ont également décidé de réagir en développant l’apprentissage par simulation, notamment sur des mannequins qui entraînent aux touchers vaginaux et rectaux, réduisant alors le nombre de touchers inutiles. C’est le cas du Kremlin Bicêtre, qui expérimente malgré les difficultés. En effet, un rapport de 2016 pointe du doigt « les difficultés » de l’intégration de l’apprentissage par simulation mettent en cause « la pénurie d’enseignants formés et l’absence de financement pérenne des centres de simulation ».
Une évolution des méthodes de travail de l’apprentissage en gynécologie semble donc bien nécessaire. Des évolutions semblent à repenser à tous les niveaux : étudiants, universités, hôpitaux, gynécologue… Cependant, pour qu’elles aient lieu, il faudra changer les mentalités afin de construire des bases solides pour le futur, mais également mettre à disposition des apprentis plus de matériels et de professeurs.
Un trajet qui s’annonce encore semé d’embûches mais qui semble être la seule solution pour mettre un terme à ces violences obstétriques.
Par Alice Mercier, le
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Catégories: Actualités, Santé
Si cet apprentissage est « correct », pourquoi pas ?…
Y a t il moyen de faire autrement avec des cours où une femme va accepter d’être allongée sur une table avec des dizaines d’étudiants examinant en triturant pour apprendre l’anatomie et la physiologie de cette partie du corps humain, même s’ils peuvent déjà commencer avec leur petite amie ? J’en doute vraiment…