Chennai est une ville située sur la côte est de l’Inde. Plus précisément, c’est la capitale de l’Etat du Tamil Nadu, qui se trouve dans la partie sud de l’Inde. Elle est habitée par environ 6 millions de personnes et elle est le centre commercial, culturel et économique de l’Inde du Sud. Pourtant, cette ville connaît actuellement un fléau majeur : la pénurie d’eau.
Quand l’eau déserte la ville…
Ce n’est pas la première fois que Chennai gère des problèmes liés à l’eau. En fait, les habitants de cette ville vivent cette situation depuis des années, comme un cycle vicieux : soit il n’y a pas assez de pluies, soit il y a trop de pluies, à tel point que les rues sont inondées. Cette pénurie d’eau peut être essentiellement attribuée à deux facteurs : le facteur naturel et le facteur humain.
En effet, si Chennai manque d’eau, c’est notamment à cause du manque de précipitations dans la ville. A cela s’ajoute la chaleur étouffante et asséchante de l’été. Le bilan est particulièrement désastreux pour cette ville de la côte est de l’Inde : les quatre principaux réservoirs de la ville sont pratiquement à sec et même les eaux souterraines se raréfient.
Le second facteur qui a provoqué la pénurie d’eau dans la ville de Chennai est l’activité humaine. Si, auparavant, Chennai accueillait les eaux de pluie dans ses nombreux lacs et champs, c’est aujourd’hui un passé lointain. Comme la terre est coûteuse en Inde, des entrepreneurs ont décidé de remplir les lacs et champs et d’en faire des infrastructures d’habitation ou commerciales.
L’exemple de Velachery
L’exemple le plus flagrant se trouve à Velachery, un quartier qui tire son nom d’un des nombreux lacs de la ville. En effet, ce lac était auparavant profond et large, avec un fond propre. Toutefois, au fur et à mesure que la ville s’étendait, le lac se remplissait.
P. Jeevantham, un des habitants de Velachery, fait partie des entrepreneurs qui ont construit sur le lac. Pour sa part, il a érigé un immeuble de trois étages et a ouvert un petit magasin vendant des provisions au rez-de-chaussée.
Comme les ressources en eau de la ville commençaient à se tarir, M. Jeevantham a alors commencé à forer un puits, pour puiser l’eau de l’aquifère sous le sol de Chennai. Ses voisins ont suivi son exemple. Aujourd’hui, à 60 ans, M. Jeevantham utilise son moteur 7 heures par jour pour répondre aux besoins en eau de sa famille de quatre personnes et de leurs locataires. Il déclare, à la fois émerveillé mais anxieux : « Le lac est un cadeau de Dieu. Mais combien de temps encore tiendra-t-il ? Peut-être cinq ans ? » A l’heure actuelle, ledit lac n’est plus aussi profond, il est de couleur gris-vert avec des herbes envahissantes et, dans son fond, on y trouve plusieurs déchets et objets cassés.
Un bilan dramatique du point de vue de l’hygiène
Au moment où l’on écrit ces lignes, la situation est dramatique dans cette ville de l’Inde. En effet, certains habitants affirment ne plus pouvoir se doucher autant qu’avant par manque d’eau. D’autres s’appuient sur le soutien et le secours de leurs voisins. Si les uns attendent chaque jour avec des bidons ou des pots en plastique qu’un camion-citerne ramène de l’eau pour la population, les autres s’inquiètent qu’un jour, les eaux souterraines qui leur servent à vivre ne finissent par se tarir.
C’est le triste cas de Bhanu Baskar. Cette mère de 48 ans ne prend pas de douche toutes les fois où elle n’est pas obligée de sortir. Pourquoi ? Pour économiser l’eau et permettre à ses deux enfants adultes travaillant dans un bureau de prendre leur douche quotidienne. Elle confie, honteuse, que cette situation est très difficile et très inconfortable pour elle. « Ce n’est pas hygiénique non plus», dit-elle.
À la poursuite de l’eau
Près du centre-ville, le bilan n’est guère mieux. Là-bas, les eaux souterraines sont presque inexistantes. Dev Anand, 30 ans, vit dans sa maison d’enfance située dans la région d’Anna Nagar. Si auparavant, sa famille pouvait compter sur l’eau de la ville qui passait par les tuyaux, aujourd’hui, cela ne suffit plus. Sa famille a commencé à puiser l’eau sous la terre, puis l’eau s’est asséchée. Pendant plusieurs semaines, leur voisin a partagé son eau jusqu’à ce que, à son tour, sa propre source souterraine s’assèche.
Désormais, comme tous les habitants du quartier, Anand est obligé de compter sur les pétroliers de la ville. Comme personne ne sait quand l’eau désertera totalement la ville, les habitants continuent de forer plus de puits ici et là, épuisant rapidement l’aquifère.
La ville de Chennai déclare expédier plus de 9.000 citernes d’eau par jour dans ses quartiers tandis que les entreprises privées fournissent également 5.000 pétroliers.
De ce fait, les habitants font la queue à un robinet public à l’extérieur du réseau de distribution d’eau de la ville près de la maison de M. Anand. Un conducteur de pousse-pousse a déclaré que chaque après-midi, il venait avec sa femme et ses 2 enfants pour remplir 6 gros pichets. Ceux qui ont des scooters suspendent des pots d’eau de chaque côté.
Economiser l’eau par tous les moyens
Chaque habitant de Chennai a sa propre méthode pour économiser l’eau. Par exemple, l’eau qui sert pour rincer le riz va aussi servir à nettoyer le poisson, ou encore, l’eau qui a servi à laver la vaisselle va aller dans les plantes en pot. En d’autres termes, le gaspillage d’eau est prohibé et le robinet ne va jamais être ouvert sans raison.
Autre exemple, des habitants ne vont plus laver leur linge via la machine à laver mais à la main avec des seaux d’eau soigneusement rationnés.
Pour éviter une bagarre avec les autres habitants, il ne faut remplir que quatre pots lorsque le camion-citerne arrive. Si vous voulez avoir plus d’eau, attendez que tout le monde ait eu sa part.
Pour certains, quand les seaux sont vides, il reste l’eau du climatiseur qu’ils ont recueillie toute la nuit. A certains moments, c’est la seule eau qu’ils peuvent avoir, comme le témoigne Rushyant Baskar : « A ce moment-là, nous pensions devoir quitter Chennai. C’était dévastateur. »
Mais pourquoi la ville ne prend-elle pas de mesures ?
Beaucoup d’entre nous se posent sûrement cette question. Eh bien, figurez-vous que la ville avait déjà pris certaines mesures. Chaque année, la ville tire l’essentiel de son eau de la courte et de la lourde mousson qui débute en octobre mais aussi de quelques averses de pré-mousson. L’idée est de récupérer l’eau est de la conserver en prévision de ces jours de pénuries d’eau.
De plus, la municipalité a également exigé que chaque bâtiment récupère l’eau de pluie de ses toits pour la rejeter dans la terre. Malheureusement, cela s’est avéré insuffisant pour faire face à la sécheresse et aux inondations.
Pour pallier ces graves problèmes, la ville investit massivement dans l’extraction de l’eau de mer et dans son filtrage dans des usines de dessalement très coûteuses pour la convertir en une eau potable et utilisable pour la population.
Sekhar Raghavan, 72 ans, a toujours vécu à Chennai. Il fait partie de ceux qui demandent à ce que la ville adopte un meilleur système de récupération de l’eau de pluie.
Le changement climatique joue également un rôle
Actuellement, nous savons que le changement climatique est un problème planétaire. Si on commence à percevoir ses effets dans plusieurs parties du monde, à Chennai, le changement climatique a incontestablement rendu la ville plus chaude.
Selon Roxy Mathew Koll, climatologue à l’Institut indien de météorologie tropicale, les températures maximales ont augmenté de 1,3 degrés Celsius en moyenne depuis 1950.
A l’heure actuelle, la pénurie d’eau sévit encore à Chennai. Nous espérons seulement que les autorités et le gouvernement trouvent rapidement une solution à ce problème. En attendant, soyons reconnaissants avec l’eau que nous pouvons utiliser comme bon nous semble. Certains n’ont pas cette chance.
Par Micka Hanitrarivo, le
Source: NY Times
Étiquettes: changement climatique, Inde, penurie, secheresse, Chennai