La matière noire, c’est cette grande inconnue qui compose près de 85 % de la masse de l’Univers, sans jamais se montrer. On la soupçonne partout, on la cherche depuis des décennies, mais on n’a encore jamais réussi à la voir, ni à la mesurer directement. Et si le gravitino, une particule presque mythique, offrait enfin une piste crédible ? Une équipe de chercheurs pense qu’on pourrait enfin le détecter, grâce à un nouveau géant expérimental situé en Chine.

Le gravitino pourrait être la meilleure explication de la matière noire
Depuis des décennies, les physiciens théoriciens postulent l’existence de particules exotiques pour expliquer ce que l’on ne voit pas. Parmi elles figurent les axions, les WIMPs (particules massives interagissant faiblement), et plus récemment, le gravitino. Cette dernière n’est pas une idée neuve.
Elle est prédite par certaines versions de la théorie des supercordes, où chaque particule classique possède un superpartenaire. Le graviton, messager hypothétique de la gravitation, aurait ainsi pour double quantique le gravitino.
S’il existe, ce gravitino serait extrêmement massif et très peu interactif. C’est exactement ce qu’on attend d’une bonne candidate à la matière noire. Il pourrait expliquer pourquoi les galaxies tiennent leur forme, pourquoi les amas se comportent comme ils le font, ou encore comment l’Univers s’organise à grande échelle.
À la différence d’autres particules, le gravitino présenterait une caractéristique inattendue : une charge électrique. Ce détail changerait tout, car il pourrait le rendre détectable.
Les détecteurs de neutrinos sont capables de repérer le signal du gravitino
Jusqu’ici, on pensait le gravitino indétectable. Mais les instruments scientifiques deviennent de plus en plus sensibles. Aujourd’hui, certains chercheurs pensent qu’on pourrait enfin capter son signal.
C’est ce que suggère une étude du Max Planck Institute, parue dans Physical Review Research. Les scientifiques avancent que les gravitinos pourraient laisser une trace suffisamment marquée pour être repérée par les détecteurs les plus pointus. Parmi ces instruments, JUNO ressort comme l’un des plus prometteurs.
Installé à 700 mètres sous terre dans le sud de la Chine, le Jiangmen Underground Neutrino Observatory est conçu pour détecter les neutrinos, ces particules presque insaisissables mais bien réelles. Il peut repérer des signaux minuscules, des fluctuations à peine audibles dans le fond cosmique. Et c’est justement ce que produiraient les gravitinos s’ils existaient.
JUNO et DUNE pourraient prouver l’existence de la matière noire
Mais JUNO n’est pas seul dans cette course. Aux États-Unis, le projet DUNE (« Deep Underground Neutrino Experiment ») poursuit le même objectif. Ce futur détecteur, encore plus vaste, pourra capter des neutrinos venus du Soleil, des supernovae ou même de particules hypothétiques.
Si un jour, un gravitino interagit avec l’un de ces appareils, ce serait une révolution comparable à la découverte du boson de Higgs. On tiendrait alors une preuve directe de la matière noire, mais aussi une avancée majeure vers l’unification entre gravitation et physique quantique. Cette fameuse « théorie du tout » que les physiciens cherchent depuis un siècle.
Ce qui paraissait hier encore de la science-fiction devient donc techniquement accessible. On ne cherche plus dans le noir : on sait où regarder et avec quels outils.
Trouver le gravitino permettrait de comprendre la structure de l’Univers
Si le gravitino venait à être confirmé, il ouvrirait une nouvelle ère en cosmologie. Aujourd’hui, toute notre compréhension du cosmos repose sur des indices indirects : les lentilles gravitationnelles, les oscillations galactiques, la répartition invisible de la masse. Mais nous n’avons encore jamais observé cette matière noire de manière directe.
Donner une identité à cette entité insaisissable permettrait de réécrire une partie de la physique fondamentale. On comprendrait mieux comment l’Univers s’est structuré, mais aussi comment exploiter ces propriétés dans des technologies inédites. Et pourquoi pas imaginer des applications encore inaccessibles : des matériaux, de l’énergie, des simulations d’Univers ?
Peut-être que la matière noire restera invisible à l’œil nu. Mais elle ne le serait plus pour nos instruments. Et le gravitino pourrait bien en être la première preuve concrète.
Par Eric Rafidiarimanana, le