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Le « délit de solidarité » sonne comme un paradoxe, à l’instar de toutes ces lois qui viennent heurter nos convictions profondes. S’il a été modifié sous le quinquennat de François Hollande, le Ceseda (code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile) condamne toujours en partie l’aide aux étrangers en situation irrégulière. Cédric Herrou, agriculteur azuréen de 37 ans, a comparu devant le tribunal correctionnel de Nice, mercredi 4 janvier, pour avoir porté de l’aide à des migrants près de la frontière franco-italienne.

Cédric Herrou habite Roya dans le sud de la France. Comme beaucoup d’habitants de la vallée, il est très investi dans la cause des migrants. Voyageant à travers l’Europe pour trouver une terre d’accueil, de nombreux migrants restent coincés dans la zone montagneuse de Roya, située entre l’Italie et la France. Cédric Herrou a déjà hébergé plusieurs centaines de réfugiés chez lui sur son terrain de Breil-sur-Roya. En août 2016, il est interpellé pour avoir transporté des Érythréens mais l’affaire est classée sans suite.

Les migrants restent coincés dans la zone montagneuse de Roya entre la France et l’Italie.

L’action litigieuse réside en réalité dans l’aide apportée aux familles pour traverser la frontière. La justice reproche par ailleurs à Cédric Herrou d’avoir installé environ 50 migrants érythréens dans un centre de vacances SNCF désaffecté à Saint-Dalmas-de-Tende. L’occupation des lieux a été dénoncée par les élus locaux. Les forces de l’ordre sont intervenues rapidement pour mettre un terme à l’occupation.

Le mercredi 4 janvier 2016, Cédric Herrou a comparu devant le tribunal correctionnel de Nice pour y être jugé. Accusé d’avoir facilité l’entrée, la circulation et la présence irrégulière de 200 migrants dépourvus de titre de séjour sur le territoire national, 8 mois d’emprisonnement avec sursis sont requis contre lui. Ses déplacements seront désormais restreints, Cédric Herrou se verra en effet confisquer son véhicule et devra faire un usage limité de son permis de conduire. La décision sera rendue le 10 février.

Le 25 juillet 2012, Manuel Valls proposait devant la commission des lois du Sénat « de mettre fin au délit de solidarité qui permet de poursuivre l’aide désintéressée apportée par des citoyens ou associations à des étrangers en situation irrégulière. » L’expression « délit de solidarité » est née sous Nicolas Sarkozy, elle fait référence à la pénalisation de l’aide aux étrangers en situation irrégulière sur le territoire.

Avant la réforme, l’article L622-1 du Ceseda prévoyait une peine de cinq ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende pour « toute personne qui aura, par aide directe ou indirecte, facilité ou tenté de faciliter l’entrée, la circulation ou le séjour irréguliers, d’un étranger en France ». Depuis l’élection de François Hollande, le gouvernement a étendu l’immunité pour les personnes qui viennent en aide aux migrants.

La loi du 31 décembre 2012 apporte de profondes modifications à l’article L622-4 du Ceseda, mais elle ne supprime pas le délit de solidarité pour autant. Si l’aide au séjour est désormais autorisée, le transport ou l’aide à l’entrée des étrangers en situation irrégulière sur le territoire sont toujours répréhensibles. Les citoyens qui fournissent de l’aide aux migrants sont donc toujours exposés aux condamnations pénales. Cédric Herrou n’est pas le seul à avoir été interpellé ou condamné dans ces circonstances.

En décembre 2015, Claire Marsol a dû payer 1 500 euros d’amende pour avoir aidé deux Érythréens à voyager en gare de Nice. Rob Lawrie, ancien militaire qui a transporté une fillette afghane de la jungle de Calais jusqu’au Royaume uni, s’est exposé à une peine de 1 000 euros d’amende avec sursis en janvier 2016. Enfin, le professeur Mannoni a reçu un avertissement de 6 mois de prison avec sursis pour avoir voulu transporter trois Érythréennes jusqu’à une gare des Alpes maritimes en novembre dernier.

Le procès de Cédric Herrou divise la population et les autorités étatiques. Environ 300 personnes ainsi que le collectif d’aide aux migrants Roya Citoyenne se sont rassemblés devant le palais de Justice pour soutenir Cédric Herrou avant son procès, le couvrant de baisers et d’accolades. Le condamné a même été élu azuréen de l’année par les internautes de Nice-matin.

Pourtant, le procureur Jean-Michel Prêtre soutient que le procès a été transformé en tribune politique. Il s’agit pour lui d’un procès voulu qui s’inscrit dans une stratégie de communication à vocation militante, au sein de laquelle Herrou occuperait le rôle du martyr. Le président du département des Alpes Maritimes Eric Ciotti dénonce quant à lui une « fausse générosité » et une « filière organisée ».

Pourtant, Cédric Herrou assume ses actes et maintient qu’il a fait ce qu’il fallait faire. D’après lui, l’État ne gère pas les conséquences des frontières qu’il met en place. Il explique que son procès est l’occasion pour lui d’expliquer au monde pourquoi il a pris ces responsabilités au risque d’encourir une peine de prison.

D’après Marine de Haas, responsable des questions européennes à la Cimade, on constate une recrudescence des poursuites depuis le début de la crise migratoire. Mais Cédric Herrou ne compte pas renoncer à sa mission pour autant : « Je me mets dans l’illégalité pour sauvegarder les droits de l’enfant. L’Histoire s’écrit tous les jours, et c’est de notre devoir de se lever quand les choses vont mal. Je ne veux pas avoir honte dans vingt ans. Si je dois continuer, je continuerai.»

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