Dans les profondeurs du sous-sol lorrain, une équipe de chercheurs a découvert, presque par hasard, une ressource aux implications potentiellement immenses : de l’hydrogène naturel. Une trouvaille qui pourrait bien bouleverser notre avenir énergétique.

D’un forage classique à une découverte inattendue : l’hydrogène se cache en Lorraine
À l’origine, il s’agissait simplement d’un forage pour du gaz de houille. Un méthane piégé dans les anciennes veines de charbon, que la Française de l’Énergie (FDE) espérait exploiter comme alternative locale et « bas carbone » au gaz importé. Mais faute d’autorisation, le projet a été mis en pause.
C’est alors qu’intervient une équipe du CNRS et de l’université de Lorraine, sollicitée pour valider les estimations de ressources. Ne pouvant forer eux-mêmes, les chercheurs du projet Regalor ont dû faire preuve d’ingéniosité. Ils ont mis au point une sonde capable de mesurer les gaz directement en profondeur, jusqu’à 1 250 mètres.
Et là, surprise : au-delà du méthane attendu, les capteurs ont détecté de l’hydrogène naturel. À des concentrations de plus en plus élevées, atteignant 20 % à 1 250 mètres. Un résultat si inattendu que l’équipe a d’abord cru à une erreur.
De l’azote, du méthane… et un gaz oublié : l’hydrogène naturel
Les premiers relevés montrent surtout de l’azote. Puis du méthane, comme prévu. Mais également de l’hydrogène moléculaire (H2). Un gaz encore largement sous-estimé dans les sous-sols, et surtout très difficile à détecter.
Au départ, les scientifiques ont tout remis en question : et si c’était un artefact de mesure ? Mais après vérification, recalibrage, et élimination des biais possibles, le constat s’est imposé : le bassin lorrain recèle bien une source naturelle d’hydrogène.
Dans un monde en quête frénétique de solutions bas carbone, ce genre de découverte pourrait bien changer la donne. Car l’hydrogène naturel n’a pas besoin d’être produit industriellement. Il est là, disponible, prêt à l’emploi. Encore faut-il savoir l’extraire sans l’abîmer.
Une ressource clef pour l’industrie, et un levier inattendu pour la transition énergétique
Aujourd’hui, 95 % de l’hydrogène utilisé dans le monde est produit à partir d’énergies fossiles. Et souvent au prix d’une lourde empreinte carbone. Le transformer en une solution propre nécessite des procédés coûteux, comme l’électrolyse à partir d’électricité renouvelable.
Avec l’hydrogène naturel, on pourrait s’affranchir de cette étape énergivore. L’utiliser directement dans des secteurs difficiles à électrifier, comme la sidérurgie, la verrerie ou le ciment. Ou encore alimenter les futures filières de mobilité à hydrogène.
La FDE envisage d’ailleurs une piste intermédiaire : produire de l’hydrogène bas-carbone par plasmalyse hybride, en décomposant le méthane local en hydrogène et carbone solide. Mais s’il est possible de puiser directement de l’H2, pourquoi ne pas sauter cette étape ?
Une découverte fortuite… mais peut-être décisive pour notre avenir énergétique
Ce que les chercheurs du projet Regalor ont mis au jour est un exemple de sérendipité. Ce mot baroque désigne ces moments où le hasard, croisé avec un peu de curiosité et beaucoup de rigueur scientifique, mène à des avancées majeures.
Philippe De Donato et Jacques Pironon, chercheurs au CNRS, ne s’attendaient pas à révolutionner la carte énergétique de la France. Et pourtant. Ce gisement d’hydrogène naturel pourrait offrir une alternative locale, durable, et peu émissive à nos dépendances actuelles.
Reste à trouver comment l’exploiter proprement, à coût compétitif, sans perturber l’équilibre géologique du sous-sol. C’est le nouveau défi de Regalor, qui entend bien faire de la Lorraine un pionnier européen de l’hydrogène du futur.
Par Eric Rafidiarimanana, le
Catégories: Sciences, Sciences physiques