Depuis des décennies, la fission nucléaire intrigue et fascine les scientifiques. Ce processus complexe, qui consiste à diviser le noyau d’un atome, libère une énorme quantité d’énergie. Malgré son utilisation dans divers domaines comme l’énergie et la recherche scientifique, les mécanismes précis de la fission sont restés en partie mystérieux. Récemment, une équipe de physiciens américains a réalisé une simulation, offrant une perspective microscopique détaillée de ce qui se produit lorsqu’un atome se scinde en deux. Ces travaux, publiés dans Physical Review Letters, mettent en lumière de nouveaux détails sur cet événement fondamental.
Une simulation pour décortiquer la fission en quatre étapes
En 1938, les physiciens Otto Hahn, Lise Meitner et Fritz Strassmann ont découvert que les noyaux d’uranium pouvaient se séparer en deux sous l’effet de neutrons, marquant le début de l’ère de la fission nucléaire. Cette découverte a non seulement changé le monde de la physique, mais elle a également introduit des applications qui vont des armes nucléaires à la médecine. Pourtant, malgré les décennies de recherche, la fission nucléaire conserve de nombreux mystères. La complexité de ce processus repose en partie sur la nature même des noyaux atomiques, où les protons et les neutrons, bien plus que de simples particules groupées, forment une entité dynamique soumise aux lois de la mécanique quantique.
Afin de comprendre le déroulement exact de la fission, des chercheurs du laboratoire national de Los Alamos et de l’université de Washington ont entrepris de décomposer ce phénomène complexe en quatre étapes distinctes. Tout commence avec l’introduction d’un neutron lent qui déstabilise le noyau de l’atome en le forçant à s’étirer. Ce réarrangement initial dure environ 10⁻¹⁴ secondes et donne au noyau une forme rappelant celle d’une cacahuète. Ensuite, survient la phase dite de « selle à scission », où le noyau continue de se déformer, amorçant la séparation. Ce changement rapide ne dure que quelques 5 x 10⁻²¹ secondes.
La troisième étape est encore plus fugace. En seulement 10⁻²² secondes, le « col » du noyau se rompt, marquant le point de non-retour dans le processus de fission. Enfin, les fragments du noyau se stabilisent et se propulsent l’un loin de l’autre en émettant des neutrons et des rayons gamma, achevant ce processus en 10⁻¹⁸ secondes. La simulation a permis d’observer chacune de ces étapes à l’échelle des particules subatomiques.
Une modélisation précise et sans précédent
Dirigée par le physicien Aurel Bulgac, l’équipe a utilisé un superordinateur du laboratoire national d’Oak Ridge pour simuler la fission de différents éléments comme l’uranium-238, le plutonium-240 et le californium-252. Ce modèle, basé sur un cadre mathématique complexe, a intégré les équations de la mécanique quantique avec une précision inégalée.
Bulgac explique que cette simulation représente la modélisation la plus détaillée de la rupture du noyau jamais réalisée. Contrairement aux approches antérieures qui partaient de suppositions pour prédire le déroulement de la fission, cette simulation se base uniquement sur les principes fondamentaux de la physique nucléaire.
Cette approche rigoureuse a non seulement permis de confirmer certaines hypothèses, mais elle a aussi révélé des détails inattendus. Par exemple, une « ride » dans la densité des particules subatomiques a été observée avant que le col du noyau ne se rompe, suggérant un schéma de comportement des particules encore inconnu. De plus, la simulation a révélé que les protons et les neutrons ne se comportaient pas de la même manière : le « col » des protons se rompt en premier, suivi de celui des neutrons.
Des neutrons très énergétiques
Un des résultats les plus intéressants de cette simulation réside dans la confirmation d’une hypothèse longtemps débattue : la libération de neutrons hautement énergétiques pendant la phase de rupture du col. Non seulement la simulation a prédit cette libération de neutrons, mais elle a également fourni des détails sur leur énergie, leur distribution et leur direction d’échappement.
En général, les expériences précédentes cherchaient ces neutrons dans la direction des fragments, mais la plupart des neutrons détectés dans ces zones étaient thermiques, émis par des fragments chauffés. La simulation de l’équipe de Bulgac pourrait ainsi aider à affiner les méthodes expérimentales pour observer ces neutrons énergétiques et vérifier la validité des résultats.
Si les découvertes de cette simulation sont prometteuses, elles nécessitent encore une validation expérimentale. Cette étape est cruciale pour confirmer que les phénomènes observés dans la simulation se produisent également dans les conditions réelles de fission. Par ailleurs, des chercheurs dévoilent le premier ordinateur quantique entièrement programmable à atomes neutres.
Par Eric Rafidiarimanana, le
Source: Science Alert
Étiquettes: atome, fission nucléaire
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