Il existe plusieurs façons de mesurer le bruit, et les décibels associés à la pression acoustique ne sont pas la seule façon d’évaluer le niveau sonore. Ainsi, l’animal le plus bruyant du monde n’est peut-être pas celui auquel vous vous attendez. En fait, l’intensité sonore est subjective et dépend de la façon dont les humains la perçoivent. Cela signifie qu’il y a beaucoup d’autres facteurs à prendre en compte.
Pour comprendre comment les humains entendent, nous devons d’abord comprendre quelque chose au sujet de la nature du son. « Du point de vue humain, vous devez considérer que le seuil d’audition dépend de la fréquence », explique Magnus Wahlberg de l’université du Danemark du Sud.
L’hertz (Hz) est une mesure de la fréquence du son. Par exemple, chaque note d’un instrument de musique vient à nos oreilles à une fréquence différente : plus la note est élevée, plus élevé est le Hz. Les êtres humains peuvent entendre un large spectre de fréquences, de 20 Hz à 20 000 Hz (20 kHz). Beaucoup de sons se trouvent dans cette plage, des chants à basses fréquences d’une baleine bleue aux appels de détresse aigus propres à un rat. Mais nous n’entendons pas tous les sons de la même façon. Notre seuil d’audition est différent pour les sons de fréquences différentes.
« Les baleines bleues émettent des appels à 20 Hz et les cachalots à environ 10 kHz », dit Wahlberg. Pour que nous entendions les chants de la baleine bleue, ils doivent être émis à une intensité de 70 décibels ou plus. Mais pour les cliquetis du cachalot, le seuil auditif humain est d’environ 15 décibels. « Pour les signaux forts, cette relation devient un peu plus compliquée, mais en général, il est vrai que la baleine bleue sera perçue comme moins bruyante que le cachalot. »
LA BALEINE BLEUE
Les chants de la baleine bleue sont plus forts qu’un moteur à réaction au décollage, en affichant la valeur de 188 décibels (dB). Comme les dauphins et les orques, les baleines utilisent ces sons grâce à leur système d’écholocalisation. En effet, la lumière n’est presque plus présente à de grandes profondeurs et cet outil leur permet une représentation efficace de leur environnement.
LE CACHALOT
Les cachalots ne produisent pas les « chants » des grandes baleines à fanons mais utilisent des cliquetis (ou clics) organisés en séquences types appelées « codas ». Ces clics portent à plusieurs kilomètres et servent à l’écholocation ainsi qu’à la communication. Les sons pouvant avoisiner les 230 décibels ont également été soupçonnés de servir à étourdir les proies du cachalot ; en phase de chasse, il produit des clics très rapprochés formant des « bourdonnements » (buzz).
Donc, le cachalot est en avance sur la baleine. Pourquoi alors est-il le grand oublié des listes des animaux les plus bruyants du monde ? Selon Wahlberg, « la façon dont nous entendons le son est non seulement liée à son intensité, mais aussi à sa durée ». Le cliquetis émis par un cachalot ne dure que 100 microsecondes, tandis que les chants de la baleine bleue durent entre 10 et 30 secondes.
LA CREVETTE-PISTOLET
Les crevettes-pistolets sont aussi célèbres pour leurs « cris » intenses. Ces crustacés ont une pince spéciale qui se referme en claquant à une telle vitesse, que cela crée une bulle à une très faible pression. Cela signifie que la bulle éclate rapidement sous l’effet de l’eau à l’extérieur. En cet instant, elle produit une onde de choc mesurée à 200 dB.
Le tir de la crevette-pistolet est extrêmement court : la bulle se forme et éclate en moins d’une milliseconde. Mais c’est néanmoins un bruit impressionnant pour une créature si petite qui mérite décidément bien son surnom.
LA PUNAISE D’EAU
Si on mesure le volume sonore relatif à la taille, un autre petit animal aquatique remporte le titre. La punaise d’eau (Micronecta scholtzi) peut produire un son de 99 dB en frottant son pénis contre son abdomen, ce qui lui a valu le surnom de « pénis chantant ». En effet, l’insecte émet ce chant d’amour pour attirer les femelles et c’est la sélection naturelle qui l’a poussé à augmenter au fil du temps le volume sonore.
Ce record soulève un autre point important quant à l’intensité sonore. Les décibels dans l’eau ne sont pas équivalents aux décibels dans l’air. « L’eau est plus dense que l’air, ce qui fait que le son la traverse d’une autre façon, à une vitesse différente », dit James Windmill, expert en bioacoustique à l’université de Strathclyde au Royaume-Uni, qui a découvert le cri remarquable de la punaise. « En gros, pour convertir les décibels dans l’eau en décibels dans l’air, vous devez soustraire [environ] 61 dB du niveau sonore rapporté. »
Sous l’eau, la punaise produisait le niveau sonore maximal de 99 dB, mais il était mesuré selon le niveau sonore en décibels de l’air. Ainsi, à l’échelle sous-marine son pic est à 160 dB. « Souvent les gens n’en tiennent pas compte quand ils font la comparaison », explique Windmill. Cela signifie que tous les cris d’animaux, même les plus forts, doivent être adaptés à la perception humaine.
Tous ces candidats vivent sous l’eau, donc peut-être que nous devrions chercher un animal « terrestre » afin de nous rapprocher de la source du son. Après tout, la distance joue aussi un rôle dans notre perception du volume sonore.
L’ÉLÉPHANT
Beaucoup de mammifères font des appels longue distance. Pour s’assurer que le signal atteint bien leurs congénères éloignés, ces hurlements et grondements doivent être vraiment forts.
Les éléphants font des barrissements très impressionnants, « ils font littéralement vibrer votre corps », dit Joyce Poole, co-fondatrice de Elephant Voices. Le son peut être « assourdissant, quelque chose comme 103 dB mesurés à cinq mètres ». « Les gens peuvent entendre presque tous les barrissements faits par les éléphants, même les plus doux, à condition d’être assez proche d’eux, ajoute Poole. Nous ne pouvons tout simplement pas entendre tous les sons, les fréquences les plus basses sont inaudibles pour nous. »
LE GRAND NOCTILION
C’est impressionnant, mais un autre mammifère peut surpasser les vocalisations d’un éléphant. Le Grand Noctilion, aussi appelé « chauve-souris bouledogue » ou Noctilio leporinus, a été enregistré poussant des cris de 140 dB pendant sa chasse sur les lacs du Panama. Pourtant, alors que les barrissements des éléphants peuvent être trop faibles pour nos oreilles, les cris du Grand Noctilion sont trop élevés, atteignant le niveau ultrasonique de 55 kHz.
Tant mieux pour nous, car une intensité sonore de 120 dB peut provoquer des lésions dans l’appareil auditif des humains. Mais il existe une famille d’animaux qui peut atteindre ce pic, et leurs chansons sont omniprésentes dans les pays chauds. Il s’agit des cigales.
LA CIGALE
Les cigales émettent leurs cris à l’aide d’organes situés de chaque côté du corps et appelés des timbales. Celles-ci contiennent une série de nervures qui sont bouclées par des contractions musculaires répétitives. Le son est amplifié par leur abdomen creux.
Ce sont les insectes les plus bruyants dans le monde. Dans les années 1990, la cigale africaine (Brevisana brevis) a été couronnée comme la plus bruyante en moyenne, produisant 106,7 dB à une distance d’un demi-mètre. Depuis, Max Moulds à l’Australian Museum de Sydney, a enregistré une espèce locale appelée Cyclochila australasiae, produisant 120 dB à courte portée.
« Cependant, il y a 3500 espèces de cigales décrites dans le monde, ainsi que de nombreuses espèces pas suffisamment décrites », dit Lindsay Popple, son collègue expert en cigales australiennes. Relativement peu d’entre elles ont été soumises à des mesures de pression acoustique. Cela signifie qu’un nouveau prétendant au titre de l’insecte le plus bruyant pourrait faire un jour une apparition fracassante.
Ces révélations sur le volume sonore des animaux vont à l’encontre des idées reçues et nous prouvent que la nature nous réserve bien des surprises. Si les animaux vous intéressent, découvrez ces 52 animaux attendrissants qui s’enivrent du parfum printanier des fleurs.