Des fossiles d’algues rouges, similaires à celles que nous connaissons, et vieilles de 1,6 milliard d’années ont été retrouvées dans des schistes et des sols sédimentaires du centre de l’Inde. Une découverte qui recule de 400 millions d’années l’apparition de ce groupe d’organismes multicellulaires complexes et remet en question les modèles d’évolution des eucaryotes.
Qu’ont trouvé les chercheurs ?
C’est dans les monts Vindhya, au centre de l’Inde, qu’ont été découverts des organismes ressemblant à nos algues rouges actuelles, utilisées dans l’industrie alimentaire et cosmétique. Menée par Stefan Bengston, l’équipe du musée d’Histoire naturelle de Suède décrit toutefois deux espèces différentes, dans son étude publiée dans PLOS Biology. Rafatazmia chitrakootensis a une forme filamenteuse constituée de séries de grandes cellules, tandis que Ramathallus lobatus est plus massive, se développant sous forme de lobe à la surface du substrat.
L’examen de leur organisme par synchrotron révèle des plaquettes qui ressemblent à des chloroplastes, les organistes nécessaires pour la photosynthèse. “ Ainsi, non seulement ces algues, qui partagent le dernier ancêtre commun avec la lignée de toutes les plantes actuelles, ont au moins 1,6 milliard d’années, mais de plus, cette biodiversité montre que leur origine est encore plus ancienne”, commente Sébastien Clausen, enseignant-chercheur à l’UMR Evo, Eco, Paléo de l’Université de Lille.
Que signifie cette découverte ?
La découverte de ces fossiles bouleverse totalement notre conception de l’évolution. En effet, les deux espèces appartiennent au « groupe couronne » des rhodophytes, dont l’existence remonte très haut dans l’histoire évolutive. Plus loin même que l’apparition des premières branches d’eucaryotes (cellules à noyau), ce qui suggère que leur évolution depuis les procaryotes (bactéries), événement majeur dans l’évolution de la vie sur Terre, serait survenue encore bien plus tôt.
La vie est apparue sur Terre autour de -3,8 milliards d’années, et a longtemps conservé une forme unicellulaire dépourvue de noyau : les procaryotes. L’émergence des embranchements majeurs d’animaux (métazoaires) date de la période charnière de l’édiacarien et du cambrien, il y a 635 à 540 millions d’années, période durant laquelle la vie a explosé.
“ Il aurait donc fallu au maximum deux milliards d’années pour aller de l’émergence de la vie primitive aux premiers eucaryotes, puis un autre milliard d’années pour arriver à une diversification des formes animales, et seulement 600 millions d’années pour aller jusqu’à nous et à la biodiversité actuelle. Que signifie cette accélération ? Est-ce qu’il y a eu seulement une accélération ? N’est-ce pas dû à notre ignorance de ce qui a pu se passer lors de ces longues périodes anciennes ? ”, se demande Sébastien Clausen.
Une trouvaille qui bouleverse les théories de l’évolution
Ces travaux sèment la confusion parmi les chercheurs, et soulèvent un grand nombre de questions. Pour trouver des réponses, ils tentent de réaliser des modèles de l’évolution des espèces linéaires, comme si la nature évoluait toujours au même rythme, du fait que les traces de la vie sur Terre entre -2 milliards d’années et le cambrien sont extrêmement rares et leurs fossiles difficiles à exploiter. » La découverte de chaque nouveau fossile bouleverse ces schémas, et notamment les horloges moléculaires, qui tentent de dater le lien entre les espèces et leurs ancêtres communs, sont régulièrement remises en cause par les découvertes de terrain” , poursuit Sébastien Clausen.
Chaque groupe et chaque lignée évoluent à des vitesses différentes, ce qui pourrait expliquer pourquoi les fossiles d’algues rouges des monts Vindhya ont si peu changé en 1 milliard d’années. Les limules, ces arthropodes marins que nous connaissons aujourd’hui, auraient peu changé depuis leur apparition sur Terre, il y a 450 millions d’années. “ Mais comment expliquer une « pause » aussi longue au précambrien avant une apparente explosion de la vie ? Est-ce que cela peut s’appliquer aussi à d’autres organismes sur la même période ? Tout cela nous l’ignorons, et nous devons accentuer nos efforts de recherche sur la vie primitive ”, explique Sébastien Clausen. Ainsi, si Stefan Bengston a peut-être ouvert une brèche, il va falloir redoubler d’efforts afin d’y voir plus clair sur les premiers chapîtres de l’évolution.
Par Tom Savigny, le
Source: Sciences et Avenir
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