La neuroscience fait un bond en avant. En effet, après avoir permis à des souris de retrouver la lumière, une des protéines de l’algue “Chlamydomonas reinhardtii” pourrait permettre de soigner la cécité humaine. Plusieurs tests très encourageants sont menés depuis quelques années et se rapprochent doucement du but ultime : redonner la vue aux humains aveugles.
Comme la plupart des plantes, l’algue Chlamydomonas reinhardtii vit grâce à la photosynthèse permise par une sorte d’oeil. Celui-ci, comme l’oeil humain, produit des protéines photosensibles, c’est-à-dire sensibles à la lumière. Une de ces protéines, appelée Channelrhodopsin-2, implantée dans la rétine d’une personne aveugle, pourrait un jour restaurer sa vue.
La Channelrhodopsin-2 est très connue dans le monde de la neuroscience. Dernièrement, des scientifiques ont utilisé cette protéine pour faire réagir des neurones à la lumière. Ceux-ci ne peuvent le faire naturellement, puisqu’ils se trouvent à l’intérieur du crâne, mais dans les laboratoires, les chercheurs peuvent facilement explorer le cerveau grâce à cette technique.
Récemment, la FDA a approuvé des essais cliniques de RetroSense, une société biopharmaceutique privée. Si la Channelrhodopsin-2 fonctionne sur les cellules du cerveau, pourquoi cela ne serait-il pas possible sur les cellules de l’oeil ? RetroSense va recruter 15 patients avec une rétinite pigmentaire pour des tests cliniques.
Le processus sera le suivant : les scientifiques de RetroSense vont injecter des copies des gènes de la protéine dans les neurones de la rétine qui ne sont pas sensibles à la lumière. Cette technique n’est pas nouvelle, dans plusieurs tests cliniques, les chercheurs ont injecté des virus portant la copie d’un gène pour restaurer la vue. La différence étant que RetroSense n’injecte pas un gène d’un autre humain ou d’un animal, mais un gène d’algue.
Les recherches pour la guérison de la cécité n’ont pas commencé avec cette algue. RetroSense travaille avec Zhuo-Hua Pan, un scientifiques qui étudie comment restaurer la vue quand les cônes et les bâtonnets de l’oeil sont morts. C’est le cas de personnes atteintes de rétinite pigmentaire ou d’une dégénérescence maculaire liée l’âge. La solution la plus logique est naturellement de soigner ces personnes avec des gènes humains sains. Mais ces protéines sont difficiles car elles sont capricieuses. Les scientifiques devraient donc toutes les injecter pour que le résultat soit concluant, ce qui est impossible.
En 2003, Pan a écrit un article sur la Channelrhodopsin-2, les scientifiques ont alors commencé à en implanter dans les cellules animales. Un gène et une protéine étaient suffisants. Tout a fonctionné sans problème dès les premiers tests : injecter Channelrhodopsin-2 dans les neurones rétiniens ne dérange pas la complexité de l’oeil.
Vision normale
Vision avec une dégénérescence maculaire liée à l’âge
L’oeil fonctionne d’une manière particulière. La lumière passe plusieurs couches de neurones avant d’être en contact avec les bâtonnets et les cônes sensibles derrière la rétine, qui doivent ensuite envoyer un signal électrique dans les couches de neurones pour qu’ils transmettent le message au cerveau.
RetroSense cible ces cônes et bâtonnets, appelés cellules ganglionnaires de la rétine, et tente de les rendre sensibles à la lumière. Ainsi, s’il y a présence de neurones abîmés ou non-fonctionnels, il est possible de contourner ce problème.
Argus II, un oeil bionique approuvé par la FDA, stimule les neurones non photosensibles de la rétine avec 60 électrodes, mais la résolution est très basse. Si la thérapie avec Channelrhodopsin-2 peut fonctionner sur 10 % des millions de cellules ganglionnaires de la rétine, cela équivaudrait à 100 000 électrodes. Le plus gros challenge est de s’assurer que Channelrhodopsin-2 rentre dans suffisamment de cellules ganglionnaires de la rétine. Chez les rongeurs, la tâche est plutôt aisée, mais les expériences sur les primates ont montré plus de difficultés.
Si la thérapie avec cette cellule est une réussite, il n’est pas encore sûr que les personnes aveugles puissent voir normalement. Channelrhodopsin-2 est 1000 fois moins sensible à la lumière que les cônes. De plus, les cellules ganglionnaires de la rétine ont besoin de recevoir les transmissions d’autres cellules afin d’envoyer un message clair au cerveau. Les souris qui ont reçu ce traitement peuvent apparemment voir des barres lumineuses, ce qui est plutôt encourageant. Avec les prochains tests cliniques, les humains pourront être capables de décrire ce qu’ils voient avec plus de détails.
La protéine Channelrhodopsin-2 a révolutionné les recherches dans la neuroscience et a su faire ses preuves sur plusieurs espèces, notamment les souris. Espérons que les tests soient concluants et que les recherches avancent à vitesse “grand V” pour les humains. Faites-vous confiance aux pouvoirs curatifs de cette algue ou pensez-vous que cela puisse avoir des effets négatifs ?
Par Lauranne Boivin, le
Source: wired