Dépister le virus du SIDA de manière rapide grâce à un simple smartphone, c’est possible. Des ingénieurs de l’université de Columbia ont réussi à fabriquer un petit accessoire qui se branche directement sur votre téléphone. Peu coûteux, facile à produire et à utiliser, cet accessoire pourrait renforcer la lutte contre cette terrible maladie. DGS vous explique le principe.
Tiffany Guo et Tassaneewan Laksanasopin sont capables de ralentir la propagation du virus du SIDA avec de simples smartphones. En effet ces chercheurs, associés à d’autres ingénieurs spécialistes des technologies biomédicales à l’université de Columbia, ont créé un accessoire à brancher sur son téléphone et capable d’effectuer un diagnostic en un quart d’heure environ. L’accessoire coûte moins d’une trentaine d’euros à fabriquer, il ne nécessite qu’une goutte de votre sang prélevée grâce à une piqûre au doigt pour effectuer le test, et il peut vous donner ses résultats en un quart d’heure. Enfin et surtout d’après les spécialistes, il s’agirait de l’un des tests les plus fiables qui existent.
Parce qu’il s’agit d’un accessoire facile, économique à produire et surtout rapide à utiliser, les chercheurs pensent qu’il pourrait faire la différence en Afrique ou dans d’autres zones du monde en développement et encore lourdement touchées par la maladie. Et pourquoi pas, aider à l’endiguer. Une détection rapide de la maladie, surtout dans ses stades précoces, facilite le ralentissement de sa propagation, particulièrement chez les personnes primo-infectées et chez les femmes enceintes. En effet, les personnes primo-infectées (dont la contamination est encore récente) sont particulièrement contagieuses, et les femmes enceintes courent le risque de transmettre la maladie à leur enfant en accouchant. Une détection rapide, et la prise d’antirétroviraux adaptés allant de pair, permettrait de limiter ces risques, et dans le cas des femmes enceintes le risque de contamination de l’enfant à la naissance tomberait sous la barre du 1 %.
Des virus de l’immunodéficience humaine – ou VIH via Shutterstock
Tiffany Guo et Tassaneewan Laksanasopin ont déjà testé leur appareil à Kigali, au Rwanda, au cours d’un petit test clinique réalisé en conditions réelles, et les résultats se sont avérés prometteurs. Dans un délai de deux semaines, 96 patients venus de trois cliniques différentes y ont participé, et les chercheurs ont pu constater que leur accessoire a été aussi efficace que les autres outils de diagnostic du SIDA disponibles dans le commerce. Maintenant, l’idéal serait que la création de Guo et Laksanasopin reçoivent un agrément de la part de l’Organisation mondiale de la santé pour pouvoir être distribuée dans les régions du monde qui en ont le plus besoin.
D’une manière générale, le gadget de Guo et Laksanasopin entre dans une dynamique plus vaste rendue possible entre autres par l’explosion du nombre de smartphones sur la planète : de plus en plus de chercheurs estiment que les outils de diagnostic mobiles simples à utiliser et pouvant déceler jusqu’à plusieurs maladies à la fois sont appelés à se multiplier. D’ailleurs l’appareil créé par les scientifiques de Columbia, qui n’a pour l’instant pas de nom, est capable de détecter aussi bien le VIH que la syphilis.
Le projet, débuté en 2007, n’a vraiment pris son envol qu’en 2013, lorsque les chercheurs ont réalisé qu’ils pouvaient significativement baisser le prix des appareils de diagnostic en faisant des périphériques pour téléphone. En effet, en se reposant sur le téléphone pour la batterie et la capacité de calcul, il est possible de réduire l’appareil de test à sa plus simple expression, à savoir l’outil réalisant l’analyse de sang. Guo explique : « Nous avons vu que les smartphones étaient des appareils omniprésents qui comportaient déjà beaucoup des composants dont un outil de diagnostic aurait besoin. Nous avons donc décidé de nous concentrer seulement sur les dispositifs optiques et les doseurs d’échantillons nécessaires à notre périphérique. »
L’outil de diagnostic branché à un smartphone :
L’outil, qui tient (à peu près) dans la paume de la main, se branche sur la prise mini-jack de votre iPhone ou de votre téléphone Androïd pour récupérer de la batterie et transférer des données. Son utilisation est très simple : vous piquez le bout de votre doigt, vous déposez une goutte de sang dans un petit compartiment comportant une puce microfluidique et vous insérez ensuite ce petit compartiment dans l’appareil lui-même. Vous appuyez ensuite sur le bouton principal, qui va lui-même presser votre sang sur la puce, qui va elle-même se charger de l’analyse, les résultats apparaissant au bout d’une quinzaine de minutes sur l’écran de votre téléphone via une application dédiée. Il existe d’autres tests économiques pour le dépistage du VIH, comme des tests à base de papier réactif ressemblant un peu aux tests de grossesse, mais d’après les chercheurs ces tests sont moins fiables et leurs usagers ne savent pas toujours correctement interpréter les changements de couleur de la feuille.
Toute la question est maintenant de savoir si cet appareil va pouvoir finir entre toutes les mains et être utilisé par tout le monde. D’après Karen Lightman, directrice exécutive de la société MEMS Industry Group, une association tentant d’encourager la vente de microsystèmes électromécaniques auprès du grand public, cette question nécessite encore une réponse. « Ils ont prouvé que le principe fonctionnait, mais est-il possible d’en produire des millions ? » Elle ajoute que l’un des principaux problèmes serait de s’assurer que les données restent sécurisées et ne puissent pas facilement être extraites des téléphones pour des raisons de confidentialité. Cependant d’après la spécialiste, produire des appareils de ce type en grand nombre pourrait être plus facile que par le passé. « La technologie est prête, l’industrie a presque le niveau et un marché existe », note-t-elle. « Plus nous aurons de tests concluants aussi bien au niveau de la fabrication de l’appareil que de sa production, plus il arrivera vite sur le marché. »
Un simple test sanguin très rapide est nécessaire via Shutterstock
C’est incroyable ce que l’on arrive à faire avec du matériel relativement simple et un smartphone ! À la rédaction, on espère que ce dispositif sera bientôt en vente et qu’il contribuera à sauver des vies. Et vous, pensez-vous que ce soit une bonne idée que nous puissions nous diagnostiquer nous-mêmes ?
Par Romain Berthommier, le
Source: Wired