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Les dispositifs anti-SDF les plus inhumains « récompensés » par la Fondation Abbé Pierre

Les hommes politiques qui décident ce genre de choses n'ont aucune âme

— Birute Vijeikiene / Shutterstock.com

Ce lundi 2 mars 2020 et pour la deuxième année consécutive, la Fondation Abbé Pierre a ironiquement décerné des prix aux meilleures mesures et dispositifs anti-SDF, en France essentiellement. La cérémonie des Pics d’or a pour but d’attirer l’attention du public concernant cette « hostilité urbaine à l’égard des personnes sans domicile », déclare la Fondation Abbé Pierre. Ces dispositifs nous paraissent tout bonnement scandaleux alors que 531 personnes sont mortes dans la rue en 2019, selon le collectif Les Morts de la rue.

LA CÉRÉMONIE DES PICS D’OR

Lors de la cérémonie des Pics d’or, les prix ont notamment été remis par Guillaume Meurice et Blanche Gardin, deux humoristes engagés. La préparation de cette remise de prix se fait sur toute l’année en amont. La Fondation Abbé Pierre se sert de la plateforme SoyonsHumains, sur laquelle chacun peut poster des photos de dispositifs anti-SDF croisés dans son quotidien, pour recenser les pires dispositifs. Un jury d’experts sélectionne ensuite les nommés parmi ce recensement. La Fondation Abbé Pierre prend très à coeur les droits des personnes sans domicile, et particulièrement celui de sortir de la rue et de trouver un vrai logement.

Voici les « heureux » lauréats.

Dans la catégorie « Fallait oser« , qui récompense « le plus décomplexé », c’est l’installation « Sur les rails » à Lyon qui remporte le prix. Sur un banc en pierre ont en effet été installés deux rails aiguisés, empêchant quiconque de s’asseoir ou de dormir dessus. En effet, pour installer ce genre de rails indignes, il faut vraiment oser.

Catégorie « Fallait oser »

Dans la catégorie « Faites ce que je dis, pas ce que je fais », l’installation « Esprit de famille » à Toulon a remporté le prix. Cette catégorie décerne le prix au dispositif le plus contradictoire, le plus hypocrite. On note en effet l’hypocrisie prégnante dans cette installation puisque ces plots, assortis d’une portail faussement esthétique, se trouvent devant une mutuelle « de l’Enfant et de la Famille ». Rappelons que rien qu’à Paris, 700 enfants dorment dans la rue chaque soir.

Catégorie « Faites ce que je dis, pas ce que je fais »

Dans la catégorie « Ni vu ni connu », c’est l’installation « Arabesque » à Lille qui est récompensée. Elle distingue les dispositifs les plus fourbes. Cet espèce de grillage en fer faussement élégant a pout but évident d’empêcher les SDF de venir s’abriter sous cet auvent. Cette installation se veut discrète et prétendument décorative, mais son but est très clair, d’où sa qualification dans cette catégorie.

Catégorie « Ni vu ni connu »

Dans la catégorie « Bouge de là », Guillaume Meurice et Blanche Gardin ont remis le prix à deux mesures, ex aequo. Il s’agit de la mesure « Salade niçoise » à Nice, et « Sans faim ni soif » à Calais. La première fait référence à un arrêté qui interdisait la mendicité à Nice pendant tout l’été 2019, et ce, de 9h à 2h du matin. La deuxième évoque un arrêté qui interdisait la distribution de repas aux migrants. On montre ainsi aux personnes sans domicile qu’elles n’ont pas leur place au sein de l’espace public, ce qui renforce leur invisibilisation.

Catégorie « Bouge de là »

Dans la catégorie « C’est pas mieux ailleurs », qui a pour but de montrer que la France n’est pas la seule concernée, une mesure prise à Las Vegas a été récompensée par la Fondation Abbé Pierre. En effet, à Las Vegas, il est désormais interdit de dormir sur la voie publique sous peine de prison. Cette catégorie nous prouve que les personnes sans domicile sont toujours invisibilisées, peu importe où elles se trouvent.

Finalement, la catégorie « Le clou », pour laquelle les dispositifs les plus agressifs sont nommés, a récompensé l’installation « Les champignons de Paris » à Paris qui, en plus d’empêcher les personnes sans domicile de dormir, n’est pas vraiment agréable visuellement parlant. Encore une fois, ils sont ignorés et humiliés.

LES PERSONNES SANS DOMICILE INVISIBILISÉES AU QUOTIDIEN

La Fondation Abbé Pierre nous rappelle ce fait important à l’heure où beaucoup de personnes sans domicile fixe dorment voire meurent encore dans la rue : “Les personnes sans-abri, comme tout être humain, ont des droits fondamentaux, qui ont été rassemblés au sein de la Déclaration des droits des personnes sans-abri.” Ces dispositifs mis en place par des banques, des particuliers, des entreprises, sont vraiment inhumains et contribuent non seulement à invisibiliser les SDF, mais en plus à les éloigner des centres-villes, à leur faire comprendre que l’on ne veut pas les voir et qu’ils n’ont leur place nulle part.

Christophe Robert, délégué général de la Fondation Abbé Pierre, estime que “ce n’est pas en recourant à ce type de dispositifs qui ne font que déplacer le problème qu’on le réglera. Il faut faire plus, tendre la main et apporter une réponse digne aux personnes à la rue. » Les Pics d’or auraient dans une certaine mesure un effet positif parce que par exemple, comme l’explique Christophe Robert, « la mairie de Paris et la BNP ont retiré le dispositif pour lequel nous les avions distingués », l’année dernière en 2019. Cette deuxième cérémonie pourrait donc être particulièrement utile et dissuasive, à l’approche des municipales.

La dernière étude de l’INSEE, réalisée en 2012, révélait que 150 000 personnes sans domicile se trouvaient dans les rues de France. Mais selon les associations, ce chiffre serait en fait plus proche de 250 000.

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