Ce mercredi 17 janvier, les salles obscures hexagonales vont vibrer sous la soif de vengeance et les injures de Mildred Hayes, l’héroïne de Three Billboards, Les panneaux de la vengeance. Dernière oeuvre de l’irrévérencieux Martin McDonagh – Bons baisers de Bruges et 7 Psychopathes – elle conjugue habilement humour noir et critique viscérale d’une Amérique en perdition…
La vengeance pour seul guide
Three Billboards, Les panneaux de la vengeance retrace l’histoire de Mildred Hayes, une mère de famille ravagée par le viol et le meurtre non élucidés de sa fille, qui décide, faute d’avancées dans l’enquête, de confronter les forces de l’ordre à leur incompétence. Plutôt que de se la jouer digital Mom et afficher sa colère et sa détresse sur les réseaux sociaux, Mildred va privilégier la méthode old-school, à savoir trois énormes panneaux publicitaires à l’entrée de la ville d’Ebbing sur lesquels sont inscrits : « Violée pendant qu’elle agonisait. Toujours aucune arrestation. Pourquoi Chef Willoughby ? »
Mildred Hayes est une authentique héroïne des temps modernes, à mi-chemin entre la mère brisée prête à donner tout ce qu’elle a pour que justice soit faite, et Charles Bronson pour qui la justice est une affaire toute personnelle. Violente, meurtrie, odieuse, honnête, irrespectueuse et diablement bad-ass, Frances McDormand incarne cette femme moderne et courageuse que rien n’arrêtera, ni la misogynie ambiante, ni la sacrosainte police de la ville, et encore moins la fatalité.
Un écho à la présidence Trumpiste
L’un des grands atouts du dernier McDonagh, c’est d’entrer en résonance avec l’actualité américaine de ces derniers mois : les bavures policières, la misogynie banalisée, l’homophobie, l’intolérance, la corruption, le racisme… Autant de « valeurs » rétrogrades et réac’ qui composent l’essence même de la ville d’Ebbing – et tout un tas d’autres patelins des États-Unis – contre lesquelles s’insurge Mildred.
Ebbing, c’est la caricature de la ville américaine moyenne par excellence, dirigée d’une main de fer par une police corrompue, trop occupée à « torturer des Noirs » – selon les propres mots de Mildred – pour se concentrer sur le meurtre de sa fille. Et l’on comprend vite que la ville a sombré dans la débilité la plus profonde quand un adjoint du chef de la police précise que le terme adéquat est « gens de couleur torture. ». Mildred se pose en opposante guerrière et vindicative, bien décidé à faire tomber de son piédestal cette phallocratie dégénérée. Et pour ça, tous les moyens sont bons…
Des faux-airs de tragicomédie
Le film joue habilement sur l’ambivalence du personnage de Mildred, terrassée par la douleur d’avoir perdu sa fille, et possédée par cet esprit de vengeance qui n’accepte pas que cette brutalité meurtrière demeure impunie. Tout en étant un film tout en fureur et en nervosité, Three Billboards parvient malgré tout à distiller de savoureux passages d’humour noir complètement inattendus : Mildred crachant au visage de son dentiste, Mildred cognant dans l’entre-jambes de lycéens pas assez bavards…
Mildred Hayes est une authentique anti-héroïne de la présidence Trump. Une justicière anarchiste politiquement incorrecte, vêtue en toute occasion de sa combinaison de mécano, et en guerre contre l’autorité. Que ce soit en balançant des cocktails molotov sur la façade de bâtiments gouvernementaux, en donnant du « tête de cons » et d’autres noms d’oiseaux aux flics, ou en recourant à la violence la plus irraisonnée, tous les moyens sont bons pour retrouver l’homme qui l’a privée de sa fille. Un film sombre et cinglant qui réjouira les anti-Trump autant qu’il les scotchera sur place !
Par Matthieu Garcia, le
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