Un ticket contre une chance de richesse : les loteries privées ou nationales auront fait de nombreux heureux parmi les amateurs de jeux de hasard, et ce, à travers les époques. Loin de faire exception, le Royaume-Uni aura vu son histoire marquée par ce jeu symbole d’espoir pour les plus pauvres et de profits pour l’État. L’une de ces loteries les plus marquantes a eu lieu au XVIe siècle sous le règne et l’impulsion d’Élisabeth Ire, reine d’Angleterre et d’Irlande.
Née en 1533 et décédée en 1603, Élisabeth Ire fut reine d’Angleterre et d’Irlande de son couronnement en 1558 à sa mort. Fille du roi Henri VIII d’Angleterre, elle dut faire face à de lourdes responsabilités, et ce, dès ses premières années sur le trône. En effet, en héritant de la couronne, elle recevait aussi les dettes de son père, contractées par le roi sur son lit de mort.
Alors que le pays s’était lancé dans de grands chantiers consistant à ériger un commerce extérieur de qualité, les caisses du royaume se retrouvaient vides : les moyens nécessaires à la construction de bateaux et de ports destinés au commerce et arrivage des colonies, à la concurrence de l’Espagne, du Portugal, de la Hollande ainsi qu’à l’exploration étaient manquants.
Pour remplir les caisses, deux choix s’offraient à la royauté : augmenter taxes et impôts auprès des commerçants et du peuple ou emprunter des capitaux auprès d’autres pays. Aucune de ces solutions ne séduisant la reine et ses conseillers, une troisième option fut créée : une loterie nationale.
Cette idée, approuvée par la cour, devint réalité en 1567, lorsque la reine envoya une multitude de lettres à la noblesse du pays, les priant de se joindre à elle dans l’élaboration de la loterie et dans sa mise en place. De ses écrits, il ne reste que peu de preuves sinon celle destinée à Sir John Spencer, parlementaire et politicien de l’époque, qui reste la seule preuve historique relatant du plan mis en place par la reine.
Une édition limitée de 400 000 tickets de loterie furent imprimés et vendus 10 shillings chacun : sur ces papiers, les participants étaient priés d’inscrire un nom suivi d’une déclaration personnelle permettant d’identifier le possesseur de l’éventuel ticket gagnant. Ainsi, tous étaient libres d’annoter un passage de la bible ou une référence personnelle, soit une note propre à chacun.
LA LOTERIE AVAIT POUR BUT D’AIDER LA REINE À REMBOURSER LES DETTES DE SON PÈRE, MAIS AUSSI À PAYER LES IMMENSES CHANTIERS LANCÉS DANS LE PAYS
Contrairement aux loteries modernes, celle-ci visait avant tout les citoyens aisés : à l’époque, rares étaient les sujets de la reine à pouvoir participer à l’évènement tant le tarif d’inscription, aujourd’hui équivalent à 120 £ (140 €) était élevé mais le premier prix, de 5 000 £ (plus 1 290 000 € aujourd’hui), fît rêver tout le pays. Cette somme comprenait 3 000 £ en argent et 2 000 £ en tapisseries et métaux. Ajoutez à l’odeur alléchante de l’argent une exonération des crimes commis hors meurtre, trahison et piraterie pour qui achèterait un billet et vous comprendrez certainement l’importance prise par la loterie royale.
Élisabeth Ire organisa l’évènement de façon à ce que personne ne soit lésé par la loterie et les travailleurs au service de sa réussite furent eux aussi récompensés : sur chaque livre recueillie, une partie était réservée au salaire des vendeurs de billets. Pour obtenir une telle place, les candidats aux postes devaient être « nommés de bonne foi » et chaque tentative de triche ou de corruption était très sévèrement punie.
Contrairement aux loteries auxquelles nous sommes habitués, la récompense était égale à l’intégralité de l’argent récolté lors des inscriptions à la loterie et chaque participant recevait un prix. Si ce fonctionnement a pour mérite de satisfaire tout le monde, il éveille notre curiosité quant à l’intérêt qu’y trouvaient les organisateurs de l’évènement. En effet, on peut supposer qu’en récompensant tous les participants, la couronne ne pouvait en aucun cas faire de bénéfices. Or, la mise en place du concours fut finement pensée par la reine et ses conseillers.
Dans les faits, et si l’on se concentre uniquement sur la loterie, Élisabeth Ire n’a réalisé aucun profit mais a gagné suffisamment de temps pour que l’évènement porte ses fruits : en effet, ce n’est que 3 ans après la vente des tickets que furent données les récompenses, laissant l’argent des inscriptions dans les caisses du royaume à la manière d’un emprunt sans intérêt.
Si les spécialistes de l’époque ont pu retracer le déroulement de la loterie, le nom de l’heureux gagnant n’aura pas traversé l’Histoire, perdu dans les livres de comptes de l’époque. Malgré tout, la loterie de la reine aura permis de subvenir à une importante partie des besoins du pays ainsi que d’ouvrir la voie aux tombolas telles que nous les connaissons aujourd’hui.