Les scientifiques détectent sept « particules fantômes » insaisissables

La capture des neutrinos tau, émis par des galaxies distantes, représente un défi considérable pour les scientifiques

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— © Cmichel67 / Wikimedia Commons

Dans l’Antarctique, une équipe de recherche de la collaboration IceCube a réussi à identifier un type spécifique de neutrino émanant de l’espace. Les neutrinos tau, découverts pour la première fois en 2000, n’avaient jusqu’alors jamais été observés émanant d’une source astrophysique. Les scientifiques rapportent aujourd’hui avoir identifié sept événements qui pourraient correspondre à des neutrinos tau. Un rapport sur les résultats a été publié dans la revue Physical Review Letters.

La nature insaisissable des neutrinos

Les neutrinos, souvent surnommés « particules fantômes », ont longtemps constitué un mystère pour la communauté scientifique. Ces particules n’ont ni masse ni charge et se déplacent dans l’espace à une vitesse proche de celle de la lumière. Curieusement, les neutrinos n’interagissent pratiquement pas avec quoi que ce soit en raison de leurs paramètres. 

Les neutrinos existent sous trois formes : électronique, muonique et tau, chacune associée à une particule correspondante – l’électron, le muon et le tau. Ils ont la particularité de fluctuer entre leurs trois formes. Ainsi, un neutrino électronique peut se transformer en neutrino muonique ou tau, et vice versa. Ces différentes formes sont désignées sous le terme de « saveurs ».

Ces variations de saveurs sont dues à une combinaison de masses différentes selon la mécanique quantique. Selon les cas, les neutrinos électroniques peuvent prédominer, ou bien toutes les saveurs peuvent avoir des probabilités égales, et dans d’autres situations, les saveurs muoniques et tau sont plus courantes.

La nécessité d’un observatoire spécifique

Pour détecter les rares interactions entre neutrinos, il est nécessaire de disposer d’observatoires spécialement conçus pour repérer ces phénomènes. Une approche a été de construire de grands détecteurs, capables d’enregistrer les moindres lueurs lumineuses générées par ces interactions, bien que des méthodes plus atypiques aient été proposées, telles que l’utilisation de forêts. 

L’IceCube fait partie de ces dispositifs de détection. Niché dans l’Antarctique, cet observatoire est une prouesse technologique, avec ses détecteurs enfouis profondément dans la glace, prêts à capturer le moindre scintillement lumineux résultant de l’interaction des neutrinos avec la matière. L’identification de neutrinos tau a été rendue possible grâce à cette installation exceptionnelle, capable de discerner les signaux extrêmement faibles et rares émis par ces particules lorsqu’elles entrent en collision avec les atomes de la glace.

Les modules optiques numériques, également appelés DOM, sont des chaînes de globes dorés enfouis dans la glace qu’IceCube utilise pour détecter les neutrinos qui traversent la Terre. Au total, 5 160 DOM sont cachés sous la glace de l’Antarctique à l’observatoire, attendant de produire des particules chargées lorsque les neutrinos entrent en contact avec les molécules de glace. Lorsque ces particules chargées se déplacent dans la glace, elles émettent de la lumière bleue, qui est détectée par les DOM.

La signification de la découverte

Néanmoins, les neutrinos tau issus de sources extérieures au Soleil sont demeurés jusqu’à présent élusifs. Les scientifiques anticipaient que ces interactions génèreraient une « double cascade », soit deux signaux lumineux distincts. Un neutrino tau de haute énergie percutant un atome dans la glace produit une particule tau qui émet de la lumière avant de se désintégrer en un nouveau neutrino tau, générant ainsi un second éclat lumineux.

Cette double signature a été trouvée dans sept cas, et l’équipe a estimé qu’il y a moins d’une chance sur 3,5 millions que d’autres phénomènes puissent reproduire ces interactions tau par hasard.

Selon Doug Cowen, professeur de physique à la Penn State University et l’un des auteurs de l’étude, la détection de sept événements potentiellement attribuables à des neutrinos tau, associée à une très faible probabilité de bruit de fond, signifie qu’il est très improbable qu’un bruit de fond puisse simuler sept faux neutrinos tau par hasard. Cette observation de neutrinos tau d’origine astrophysique vient également confirmer la découverte par IceCube d’un flux diffus de neutrinos astrophysiques. Par ailleurs, des astronomes détectent les premières « particules fantômes » de la Voie lactée.

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