Une campagne de tests sérologiques en Californie a révélé une prévalence beaucoup plus élevée d’infection au coronavirus que les chiffres officiels ne le suggèrent. Les résultats de ces examens indiquent que le virus serait moins mortel que ne l’affirment les estimations actuelles. Cependant, certains scientifiques ont exprimé des inquiétudes quant à l’exactitude des kits utilisés dans de telles études, car la plupart n’ont pas été rigoureusement évalués pour confirmer leur fiabilité.

Des tests pour détecter les anticorps

Le test sérologique est un examen sanguin qui permet de détecter des anticorps spécifiques produits en réponse au coronavirus. La présence d’anticorps révèle qu’une personne a été infectée depuis au moins une semaine, même si elle n’a présenté aucun symptôme. Ce type de tests possède plusieurs avantages, puisque le matériel nécessaire à leur réalisation est plus accessible tandis que leur mise en œuvre est également plus rapide et moins coûteuse. De nombreux pays, comme la France ou l’Allemagne, en ont commandé afin de dépister les populations. En effet, ces tests sérologiques permettront d’aider les chercheurs à évaluer le taux d’infection et à surveiller plus efficacement la propagation du virus.

Ces tests ont été effectués sur 3 300 personnes vivant dans le comté de Santa Clara au début du mois d’avril. Ils ont révélé qu’une personne sur 66 avait été infectée par le Covid-19. En se basant sur ce résultat, les chercheurs estiment qu’entre 48 000 et 82 000 des 2 millions d’habitants du comté étaient infectés par le virus à ce moment donné. Or, ces chiffres contrastent fortement avec les 1 000 personnes environ signalées officiellement début avril, selon l’analyse publiée sur medRxiv.

Ces résultats sont parmi les premiers de plus d’une douzaine d’enquêtes sur la séroprévalence, menées partout dans le monde, pour tenter d’estimer les taux réels d’infection des populations, et ce, en l’absence de tests diagnostiques répandus. C’est d’autant plus utile que certaines personnes ne présentent aucun symptôme. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) mène également une étude mondiale sur la séroprévalence, connue sous le nom de Solidarité II.

― Savanevich Viktar / Shutterstock.com

Beaucoup plus de cas pour un taux de mortalité moins élevé

Ce type d’enquête livre des informations importantes. En effet, combinée à des informations sur l’âge, le sexe, les symptômes ou encore le statut socioéconomique, elle peut aider à en apprendre plus sur des facteurs tels que le rôle des enfants dans la propagation de l’infection et pourquoi certains cas sont asymptomatiques. « Il s’agit d’un moyen très peu coûteux d’obtenir une quantité incroyable d’informations », explique Jayanta Bhattacharya, économiste de la santé à l’université de Stanford en Californie et co-auteur de l’étude.

Cette étude a détecté un taux d’infection plus élevé que les chiffres officiels. Peter Collignon, médecin et microbiologiste à l’Université nationale australienne de Canberra, explique cela par le fait que le virus s’était propagé aux États-Unis et dans certaines parties de l’Europe pendant au moins un mois avant d’être détecté dans la communauté.

Les enquêtes sérologiques fournissent également une meilleure estimation de la mortalité d’un virus, grâce à une mesure du taux de mortalité par infection (IFR), qui correspond à la proportion de toutes les infections qui entraînent la mort. Un IFR précis peut améliorer les modèles utilisés pour décider des réponses de santé publique. Par exemple, si une maladie s’avère moins meurtrière que ce qui avait été estimé précédemment, cela pourrait modifier les mesures introduites pour la contenir et leur impact économique et social. « Nous essayons de prévenir la propagation de la maladie, mais en même temps, le chômage augmente aux États-Unis en raison des mesures préventives, donc il y a un compromis ici », explique Neeraj Sood, économiste de la santé à l’université de Californie du Sud à Los Angeles, qui dirige une étude séparée sur les anticorps à Los Angeles et est également co-auteur de l’étude de Santa Clara, à la revue Nature.

L’équipe de Santa Clara a estimé un IFR pour le comté de 0,1 à 0,2 %, ce qui équivaudrait à environ 100 décès dans 48 000 à 82 000 infections. Au 10 avril, le nombre officiel de décès était de 50 personnes. Il est à noter que les chercheurs de l’Imperial College de Londres ont estimé un IFR pour la Grande-Bretagne de 0,9 % et un IFR pour la Chine de 0,66 %. Une étude des décès sur le bateau de croisière Diamond Princess a quant à elle estimé un IFR de 0,5 %. Les chiffres varient selon les endroits pour plusieurs raisons, comme la répartition par âge de la population et l’étendue de la campagne de tests.

Les tests sont-ils fiables ?

Les résultats de ces tests sont toutefois à prendre avec un certain recul, puisque les campagnes ont jusqu’ici seulement évalué un petit nombre de personnes, ce qui pourrait également affecter la précision des résultats de l’enquête. De plus, les experts avertissent que la plupart des tests n’ont pas été rigoureusement évalués pour garantir leur fiabilité. En effet, ces tests produisent un certain nombre de faux positifs, ce qui pourrait gonfler les estimations du taux d’infection.

L’autre paramètre qui pourrait fausser l’étude est que les participants ont été recrutés sur les réseaux sociaux. En conséquence, l’échantillon pourrait inclure un nombre disproportionnellement plus élevé de personnes pensant avoir été exposées au virus et se portant donc volontaires pour se faire dépister. « La prévalence réelle pourrait être deux fois moins élevée, un dixième aussi élevée, ou même le nombre présenté dans le document – nous ne le savons pas, car le recrutement de participants sur Facebook présente un biais inconnu », explique Marm Kilpatrick, chercheur en maladies infectieuses à l’université de Californie à Santa Cruz.

De plus, un problème réside dans l’interprétation des résultats : si le test permet de mesurer la présence d’anticorps spécifiques du SARS-CoV-2, faut-il en conclure que ces anticorps immunisent le patient contre une nouvelle infection et le rendent non contagieux ? De plus en plus d’études font état d’un nombre grandissant de patients guéris qui retombent malades.
Néanmoins, Jayanta Bhattacharya, économiste de la santé à l’université de Stanford en Californie et co-auteur de l’étude, affirme que les résultats sous-estiment probablement la prévalence dans la population en général, l’étude n’ayant pas pris en compte les personnes infectées trop récemment pour avoir déclenché une réponse immunitaire, ni les personnes dans les prisons, les maisons de retraite et d’autres institutions.

Des résultats d’enquêtes de séroprévalence menées par d’autres groupes à travers le monde, y compris des équipes en Chine, en Australie, en Islande, en Italie, en Allemagne et plusieurs autres aux États-Unis, sont attendus avec impatience.

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