— © DESY / Science Communication Lab

Dans une galaxie éloignée, un trou noir supermassif a réduit une étoile en miettes, générant une énorme quantité d’énergie. Pour la première fois, des chercheurs ont détecté un neutrino provenant vraisemblablement de ce type de cataclysme, appelé « évènement de rupture ».

Une observation inédite

Les neutrinos sont de minuscules particules qui interagissent rarement avec d’autres matières, ce qui les rend extrêmement difficiles à détecter. Le 1er octobre 2019, l’observatoire IceCube en Antarctique avait repéré un neutrino relativement énergétique, semblant provenir d’une autre galaxie. Plus tôt dans l’année, des chercheurs du Deutsches Elektronen-Synchrotron avaient observé une étoile s’étant approchée trop près d’un trou noir supermassif, dont l’extrême gravité avait provoqué le déchiquetage de l’astre, créant un évènement de rupture (TDE) qui durerait plusieurs mois.

Le TDE et le neutrino provenant de la même région du cosmos, les scientifiques ont déterminé que le neutrino en question provenait très probablement de cet évènement cataclysmique. « Les théoriciens avaient envisagé que certains neutrinos puissent provenir de TDE et ce que nous avons ici est la première preuve observationnelle appuyant cette affirmation », explique Robert Stein, auteur principal de la nouvelle étude, publiée dans la revue Nature Astronomy.

Pour produire un neutrino de haute énergie, une particule (généralement un proton) doit être accélérée à une vitesse extraordinairement élevée, puis entrer en collision avec un autre proton ou un photon, ce qui la fait éclater en fragments plus petits, incluant les neutrinos. Mais il existe peu d’événements dans l’Univers capables de fournir l’accélération nécessaire pour générer des particules aussi énergétiques.

Représentation du disque d’accrétion autour d’un trou noir supermassif, avec des structures semblables à des jets s’éloignant du disque — © DESY / Science Communication Lab

S’il semble que les TDE en fassent désormais partie, les chercheurs n’ont pas encore réussi à déterminer le mécanisme exact derrière cette accélération de particules. Un mystère rendu encore plus déroutant par le fait que le neutrino ait été détecté 154 jours après le pic d’activité du TDE observé par l’équipe allemande. « Le neutrino a été détecté environ six mois après le pic », souligne Walter Winter, co-auteur de l’étude. « Naturellement, on ne s’attendrait pas à un tel délai. »

Accélérateur de particules géant

Winter et Cecilia Lunardini, de l’université d’État de l’Arizona, ont imaginé un scénario permettant d’expliquer la détection aussi tardive de la particule. Celui-ci implique que lors d’un TDE, la matière de l’étoile déchiquetée forme un disque d’accrétion autour du trou noir. Une partie de celle-ci pourrait alors être canalisée par de puissants champs magnétiques, formant un jet qui accélérerait les particules à des vitesses élevées.

« Nous avons cette sorte de jet conique qui expulse des amas de matière, dont les collisions provoquent l’accélération des protons », avance Lunardini.

Toutefois, pour qu’un neutrino puisse se former, les protons rapides doivent également se heurter à quelque chose. Les chercheurs suggèrent que le retard observé pour la détection du neutrino correspondrait au délai nécessaire pour qu’un autre type de particules, les photons, s’accumule en quantité suffisante autour du trou noir, dans une sorte de nuage lumineux, induisant la possibilité d’une collision proton/photon.

À mesure que l’étoile s’approche du trou noir, d’énormes forces l’étirent jusqu’à ce qu’elle soit finalement déchiquetée. La moitié des débris stellaires est projetée dans l’espace, tandis que l’autre partie forme un disque d’accrétion en rotation d’où s’échappent de puissants jets de matière. Le système agit comme un gigantesque accélérateur naturel de particules — © DESY / Science Communication Lab

De probables sources importantes de neutrinos

Si les observations ont montré que le TDE émettait une quantité de rayons X plus importante que la plupart de ceux identifiés précédemment, ils s’estompaient rapidement, à peu près au même moment où le neutrino était produit. Les chercheurs suggèrent que cela pourrait être dû au fait que le nuage de photons masque ce rayonnement tout en offrant aux protons projetés un élément sur lequel s’écraser pour générer des neutrinos.

« Cela ferait des TDE une source importante de neutrinos et sous-entendrait que les évènements particulièrement brillants visibles dans les rayons X présentent un intérêt particulier et devraient être étudiés davantage », conclut Lunardini.

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