L’écologie a longtemps été négligée par les programmes des hommes politiques, relayée au rang de sous problématique face aux questions économiques, sociales et culturelles, traitées comme une sensibilité propre à un électorat particulier. Pourtant, celle-ci s’impose comme un enjeu fondamental des temps modernes. Le Daily Geek Show vous propose aujourd’hui de revenir concrètement sur les mesures proposées par les candidats à l’élection présidentielle en matière d’écologie, à travers une analyse de l’ONG Greenpeace.

 

L’expertise de Greenpeace

Face au réchauffement climatique, à l’extinction massive des espèces animales, aux décès liés à la pollution, à la diminution des taux d’oxygène de la mer, aux coûts de la pollution, il est temps d’agir.

L’Homme est aujourd’hui entièrement responsable de l’évolution du système terrestre, remplaçant les forces naturelles qui influaient autrefois notre monde. Les conséquences des activités humaines sur l’atmosphère, les océans, et la biodiversité en général sont telles que actuellement, nombreux sont les chercheurs qui considèrent que nous vivons une ère nouvelle appelée Anthropocène.

Si l’Homme est la cause de la détérioration de notre planète, alors c’est à lui de prendre des mesures pour enrayer ce déclin. La présidence à venir doit tenir compte de cette nécessité afin de faire de l’écologie une composante structurelle de notre société.

Il est aujourd’hui très difficile pour le public de savoir à quelle information se fier, quand on sait à quel point les discours des médias et des hommes politiques sont altérés par les logiques d’audience et la communication politique. Il est encore plus complexe de se faire une idée objective du programme et des intentions des candidats en concurrence pour l’élection présidentielle quand tout argument est susceptible d’avoir une simple vocation rhétorique.

L’ONG Greenpeace a décidé d’analyser les programmes des candidats en matière d’environnement pour aider le public à mesurer la place qui sera accordée à l’écologie dans leur futur politique. Elle affirme s’être focalisée sur le contenu brut des programmes et les déclarations publiques sans tenir compte des partis politiques auxquels appartiennent les candidats. Cependant, son étude se fonde sur une définition engagée et politique de l’enjeu environnemental qui consiste, comme une norme de référence, à déterminer ce qui permettra de rendre le monde plus propre.

L’expertise de Greenpeace est intéressante du fait de sa grande connaissance des problématiques écologiques, objet de son combat. Si l’ONG est bien placée pour savoir ce qu’il faut faire pour la planète, nous essayerons de compléter et parfois de nuancer son analyse.

 

La vision économico-centrée de François Fillon

Comme beaucoup de libéraux, François Fillon s’intéresse essentiellement aux problématiques économiques, ce qui laisse peu de place à la question de l’environnement dans son programme. Comme l’explique Greenpeace, l’écologie est absente des 15 mesures phares proposées par le candidat LR, ce qui montre bien le rôle subsidiaire que devrait avoir l’environnement dans sa politique.

La prédominance économique se ressent très fortement dans ses intentions vis-à-vis de l’environnement. Comme l’explique Greenpeace, François Fillon voudrait mettre un terme au principe de précaution, inscrit dans l’art. 5 de la Charte de l’Environnement qui fait partie du préambule de la Constitution depuis 2005, au profit du principe de responsabilité.

Le principe de précaution impose l’encadrement des activités dont les conséquences sur l’environnement sont incertaines ou potentiellement négatives, elle implique donc une réglementation des activités des entreprises incompatible avec la vision libérale de Fillon qui souhaite favoriser la croissance et la liberté d’entreprendre. Le candidat est contre une action en amont qui permettrait de prévenir les dommages causés à l’environnement, préférant le principe du pollueur-payeur qui bien que dissuasif, ne permet pas d’empêcher les entreprises de polluer.

François Fillon n’aborde les problématiques écologiques qu’au travers des questions sur le réchauffement climatique et la transition énergétique. S’il est pour favoriser le développement des énergies renouvelables, Greenpeace insiste sur le fait que son projet n’est pas déterminé et qu’il ne comporte ni chiffres ni mesures concrètes qui permettraient de le consolider. Par ailleurs, son projet de sortie des énergies fossiles, sa volonté de réformer le marché européen du carbone, bien que tourné vers les énergies renouvelables, n’est nullement critique envers le nucléaire et prévoit même de renforcer les centrales.

Fillon veut diminuer les émissions polluantes, mais il ne prévoit aucune mesure pour réduire l’impact carbone de l’agriculture en France qui représente pourtant 18,2 % du gaz à effet de serre en France. Toujours dans une conception économico-centrée de la société, François Fillon soutient un modèle agricole industriel, « productiviste » d’après les mots de Greenpeace, en décalage avec la nécessité de protéger l’environnement. Le candidat considère que les réglementations environnementales ne doivent pas se faire au détriment des activités agricoles, c’est pourquoi il souhaite déréglementer ce domaine qui aurait pourtant besoin de nouvelles normes pour mener un vrai combat écologique.

Tout comme l’actuel président des Etats-Unis, Fillon est favorable à la recherche sur les OGM, au gaz de schiste ce qui démontre une fois de plus qu’il donne la priorité au développement économique et ce même au détriment de l’écologie. Comme l’explique Greenpeace, il est nécessaire de laisser les hydrocarbures dans le sol afin de lutter contre le réchauffement climatique.

Enfin, Fillon défend le développement des armes de dissuasion nucléaire qui présentent un danger pour l’environnement comme pour les hommes.


 

Benoît Hamon, un engagement écologique en demi-teinte ?

Benoît Hamon bénéficie du ralliement de Yannick Jadot, député européen, militant écologiste, vainqueur de la primaire EELV « Europe Ecologie Les Verts », ce qui lui permet d’avoir l’aide et le soutien d’un homme véritablement investi dans les questions écologiques. La protection de l’environnement est une priorité dans le programme de Benoît Hamon.

Ce dernier souhaite ainsi sortir du nucléaire et des énergies fossiles d’ici 2050. Si la sortie se faisait progressivement pour privilégier la transition vers les énergies vertes, le candidat socialiste voudrait fermer rapidement les centrales nucléaires obsolètes ainsi que celles qui sont considérées comme les plus dangereuses. Dès 2025, Hamon envisage de sortir la France du diesel (en mettant fin aux avantages fiscaux sur le diesel ou encore en favorisant la recherche sur les voitures électriques) et d’atteindre une production énergétique à 50 % issue des énergies renouvelables.

Très investi dans la lutte contre la pollution atmosphérique, l’écologie a la part belle dans le programme de Hamon, et pourtant l’avis de Greenpeace sur le candidat est plutôt mitigé.

Pour Greenpeace, les points forts du programme d’Hamon résident dans la réduction de l’usage des pesticides ainsi que son soutien au bio et à l’agroécologie. Le candidat socialiste voudrait en effet faire interdire les pesticides dangereux ainsi que l’importation en France de denrées alimentaires utilisant une substance interdite. Au niveau européen, les pesticides seraient labellisés pour conditionner les subventions de la PAC au respect des hautes exigences en la matière. Greenpeace apprécie également son effort envers le développement du bio, notamment dans les cantines scolaires et ses propositions pour assurer la transition agro-écologique. Il compte ainsi proposer un programme d’investissements agricoles en ce sens, mais aussi agir au niveau européen en réformant la PAC.

Cependant Greenpeace, semble fortement marquée par le quinquennat de François Hollande qu’elle considère comme « celui des occasions manquées » en matière d’écologie malgré la COP 21. Pour l’ONG, le problème majeur d’Hamon, c’est son manque de précisions sur les mesures concrètes qui permettront d’atteindre les objectifs énoncés. Si elle salue ses ambitions et soutient son discours, elle souhaiterait que le candidat socialiste détaille ses positions afin de gagner en « crédibilité » ; par ailleurs, elle ne comprend pas pourquoi le candidat souhaite augmenter les dépenses militaires, suivant ainsi les préconisations de l’OTAN.

Si Greepeace émet quelques doutes, sur Hamon, Nicolas Hulot se réjouit qu’« un socialiste » ait « une vision exigeante » de l’écologie.

Marine Le Pen, une conception nationaliste de l’écologie

Difficile pour un parti à l’idéologie aussi marquée que le FN de proposer un programme susceptible de rassembler les électeurs, c’est pourquoi Marine Le Pen essaie de s’ouvrir à des problématiques nouvelles. Le FN a toujours été hostile aux écologistes et Greenpeace précise que l’écologie a toujours été négligée dans les budgets des municipalités. Pourtant, comme l’explique l’ONG, le FN « essaie de verdir » son image pour diversifier son programme, répondre à de nouveaux enjeux et conquérir un électorat plus vaste.

Marine Le Pen se prononce ainsi en faveur de l’interdiction du maintien du gaz de schiste et voudrait réduire de moitié les énergies fossiles d’ici 20 ans. Elle souhaite également mettre l’accent sur le développement des énergies renouvelables, comme celles tirées du bois ou du solaire, et encourager les Français à effectuer des travaux dans leurs habitations afin d’optimiser la production énergétique.

Greenpeace dit avoir essayé de dégager les grandes lignes pour l’écologie dans le programme de Marine Le Pen malgré « le caractère irréconciliable des valeurs du FN » avec les siennes. Cependant, l’ONG soutient que la « ligne nationaliste et excluante » du FN est « incompatible avec la notion même d’écologie ». La plupart du temps, les propositions écologiques sont instrumentalisées pour servir la logique nationaliste du parti et cela l’ONG, déjà hostile au parti, ne peut l’accepter.

Il est en effet très difficile de concilier la sauvegarde de la planète qui constitue un enjeu mondial qui concerne tous les États, avec un programme focalisé sur la préférence nationale. L’écologie n’est pas une science qui peut se vivre à moitié et ça n’a pas de sens de prétendre prendre des mesures qui protègent l’environnement en France quand on ne se soucie pas des externalités négatives de la politique nationale sur le monde en général. Comme l’explique Greenpeace, en matière d’environnement, pour « agir local », il faut d’abord « penser global ».

La position de Le Pen sur le climat illustre assez bien cette idée. La candidate FN souhaite dénoncer l’accord de Paris en ce sens que le climat serait une affaire nationale qui ne devrait pas être traitée à l’échelon international. Pourtant, s’il y a un enjeu écologique international indéniable, c’est bien le climat qui se forme dans l’atmosphère de notre planète.

Si de prime abord, les propositions de Marine Le Pen contre les fermes-usines et les OGM, et pour entretenir l’agriculture française, peuvent sembler intéressantes, Greenpeace rappelle qu’imposer l’origine française de la production ne suffit pas à protéger l’environnement, surtout quand on sait que le FN soutient une vision productiviste traditionnelle de l’agriculture, loin de l’agroécologie.

Sa conception nationaliste de l’énergie entre également en conflit avec toute ambition écologique. En effet, la volonté de la candidate FN de conserver l’indépendance énergétique française la pousse à défendre la filière nucléaire. Par ailleurs, alors qu’elle dit être pour le développement des énergies renouvelables, elle souhaite imposer un moratoire sur les éoliennes.

Enfin, Marine Le Pen se soucie peu de la souffrance animale puisqu’elle est pro-chasse et indifférente à la réglementation de l’industrie de la viande. Tout comme Fillon souhaite entretenir la dissuasion nucléaire et Hamon augmenter le budget militaire, Le Pen est favorable à une « course insensée à l’armement » toujours aussi contraire à l’écologie.


 

Emmanuel Macron, un programme écologique vaporeux

Emmanuel Macron réunit plusieurs des critiques émises antérieurement. Si Greenpeace s’inquiétait tout à l’heure que Hamon manque sa chance de concrétiser une politique plutôt positive en ce qui concerne l’écologie, l’ONG affirme que le programme de Macron est très similaire à celui de François Hollande, laissant supposer une prolongation du bilan mitigé du quinquennat.

Qu’il s’agisse du bio ou de l’urgence de réformer le système agricole, Macron reste flou sur tout son programme écologique quand il n’oublie pas d’aborder certaines thématiques comme la question de la viande.

Surtout, la plupart de ses propositions reprennent des mesures en vigueur faisant déjà l’objet d’une application explique Greenpeace. L’ONG cite ainsi sa volonté de fermer les centrales à charbon en France d’ici 2023, alors que des efforts sont déjà faits en ce sens, ainsi que sa volonté de réduire à 50 % la part du nucléaire d’ici à 2025 alors que cet objectif est déjà prévu par la loi de transition énergétique de 2015.

Certaines incohérences ressortent également du programme d’Emmanuel Macron. Greenpeace a noté qu’il soutient le gaz de schiste alors qu’il ressort de son interview le 9 février sur RTL qu’il ne favorisera pas les recherches sur les hydrocarbures et le gaz de schiste. De même, son interview avec la WWF relatée par le Point révèle qu’il s’oppose formellement à l’exploitation du gaz de schiste et aux forages en mer, et ce, afin d’être cohérent avec l’accord de Paris sur le climat.

Son discours mesuré et conciliant complique parfois la lecture qui peut être faite de ses intentions, sans doute parce que le candidat souhaite privilégier les objectifs économiques sans décevoir l’électorat écologiste. Ainsi, le candidat de En Marche veut garder la loi sur la transition énergétique sans « tout jeter » du nucléaire tout comme il souhaite maintenir le principe de précaution, mais sans qu’il empêche l’innovation.

Toujours dans la nuance rhétorique qu’il a apprise à l’Ecole Nationale de l’Administration, le candidat est souvent dans l’expectative et ne prend pas de position tranchée. Ainsi, il attend l’avis de l’Autorité de sûreté nucléaire qui interviendra en 2018 pour se prononcer sur le nucléaire tout comme il souhaite la formation d’un « Grenelle de l’Alimentation » une fois qu’il sera élu.

Sa proposition d’instaurer une prime de conversion de 1000 euros pour le diesel, et d’aligner progressivement la fiscalité de l’essence et du diesel, sans que celle sur l’essence ne soit augmentée, peut être intéressante pour lutter contre la pollution atmosphérique. De même, Macron souhaite maintenir l’interdiction des néonicotinoides, responsables de la destruction des colonies d’abeilles. En revanche, il reste favorable à la recherche sur les OGM et à l’augmentation du budget de la défense comme la plupart des candidats.

 

Jean Luc Mélenchon, un véritable engagement pour l’environnement

Jean-Luc Mélenchon a déclaré que « l’urgence écologique » devait « être au point de départ » de sa « campagne ». Ainsi, l’environnement constitue un axe crucial du programme de la France Insoumise.

Jean-Luc Mélenchon est le seul candidat à vraiment critiquer le modèle économique productiviste qui ravage la planète, et à dénoncer « le dogme de la croissance ». Si la France reste dans l’Union européenne, Mélenchon propose d’abandonner le modèle productiviste pour instaurer un « modèle de société solidaire et écologique », notamment en matière agricole, explique Greenpeace.

Le candidat de la France Insoumise fait ainsi rentrer l’écologie comme une composante structurelle de la société (conformément à ce que souhaite l’ONG), en la consolidant par un modèle économique solidaire qui lui est favorable. Rejetant les traités de libre-échange CETA et TAFTA, Mélenchon s’oppose aux conséquences négatives de la mondialisation et du libéralisme sur la planète.

Le candidat explique que l’État sera le moteur de la transition vers ce nouveau modèle de société plus respectueux de l’environnement. La logique de planification écologique qui implique une forte implication de l’État en matière d’environnement est soutenue par Greenpeace.

Le modèle économique et agricole de Mélenchon repose sur une série de mesures très favorables à l’environnement et respectueuses de la santé humaine : rejet du gaz de schiste, des pesticides, des OGM, abandon des fermes-usines, développement du bio dans la restauration collective et diminution de la viande…

Le candidat de la France Insoumise semble avoir réfléchi à une toute autre structure pour la société où l’agriculture serait biologique et écologique avec un système libre de droit pour les semences paysannes, et où l’économie reposerait sur des circuits courts, de la vente directe et une réduction des marges de la grande distribution. Greenpeace soutient ce modèle très en phase avec ses valeurs et ses projets, l’ONG demande simplement plus de précision quant à son application concrète.

Si Greenpeace salue ces alternatives ambitieuses, elle regrette que Mélenchon ne voie pas les progrès faits en matière d’écologie grâce à l’Union européenne, notamment sur les OGM et les produits chimiques. L’ONG est ainsi plus critique envers la potentielle sortie de l’Europe envisagée par Jean-Luc Mélenchon, affirmant que les conséquences négatives sur l’environnement seraient considérables.

En matière énergétique, Mélenchon souhaite, comme Benoît Hamon, abandonner le nucléaire et les énergies fossiles d’ici 2050. Si Greenpeace salue ce projet, l’ONG est pour une sortie plus rapide (2035), craignant les dégâts que pourrait occasionner le fonctionnement de certaines centrales. Globalement, l’ONG soutient les projets énergétiques de Jean-Luc Mélenchon qu’elle qualifie de « sobre » et « efficace ».

En résumé, Jean-Luc Mélenchon est incontestablement le candidat qui a la préférence de Greenpeace même si quelques petites remarques subsistent comme la nécessité de préciser son programme, de rester dans l’Union européenne, de bien veiller à respecter la règle verte ou encore de protéger les mers et les forêts notamment la forêt amazonienne et le bassin du Congo.


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