Trouvant ses origines dans les rituels religieux, le théâtre nô évolue graduellement pendant plusieurs siècles avant d’être codifié de façon définitive. Devenus populaires à partir du XIVe siècle, ils ont pu survivre grâce au talent de deux grands maîtres ayant su séduire le shogun avec leurs pièces. Ancré dans la littérature et le folklore, le nô associe dialogues lyriques et mimiques vulgaires pour inventer un mélange incroyable. Les pièces résonnent fortement avec leurs époques en plus d’intégrer des éléments surnaturels.

 

Qu’est-ce qui se cache derrière ce nom à deux lettres ? Nô veut tout simplement dire capacité ou talent. Dans ce cas précis, il s’agit des facultés spécifiques à cette forme de théâtre, c’est-à-dire la danse et l’exécution de la pièce selon les règles strictes d’un système établi et codifié. À la base de tout cela, il faut remonter au VIIIe siècle avec le bugaku et le sangaku. Le premier venu de la cour de Chine désigne un spectacle de danse accompagné de musiques. De là, l’influence de la forme se transporte jusqu’aux kaguras, d’autres danses théâtrales, mais cette fois rattachées au shintoïsme.

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Le schéma est presque identique dans toutes les formes artistiques japonaises. Un concept enfanté en Chine migre vers le Japon à travers la religion et évolue à travers différentes ramifications au cours des siècles et selon les bouleversements politiques. Lorsque le genre se répand chez les religieux, le peuple lui préfère le sangaku. Plus vulgaire, à tel point que les aristocrates le désignent « danse des singes », mais aussi plus varié, avec des dresseurs d’animaux, des marionnettes ou des acrobaties pour soutenir la narration. Cette dernière se développe lorsque de véritables dialogues sont intégrés aux spectacles grâce aux matsuri, des festivals populaires.

Il faut attendre la maturation de ces genres pour voir apparaître le nô au XIVe siècle. À l’origine de cette transformation, deux maîtres du théâtre, père et fils : Kan’ami et Zeami. Le père dirigeait une troupe de sarugaku et l’année 1374 allait tout changer pour le théâtre japonais. En effet, c’est là que les deux acteurs jouèrent devant le shogun Ashikaga Yoshimitsu. Ce dernier fut impressionné par le talent de la troupe malgré leur appartenance au genre populaire et les invita au palais. Naturellement, malgré les idées reçues, la cour ne peut qu’accepter. Alors que ceux-là font un pas en avant, Kan’ami décide de faire de même et poursuit sa recherche du yugen, ou charme secret, c’est-à-dire d’intégrer l’esthétisme et le beau dans ses spectacles.

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Une beauté lyrique qui emprunterait également à ce que la troupe de sarugaku faisait avant. En somme, le meilleur des deux mondes. Le genre est né et c’est grâce à Zeami qu’il fleurit. Il s’assure du succès du genre à la cour impériale dans laquelle il a grandi à la suite du décès de son père. Perfectionnant le genre jusqu’à la fin de sa vie, il est l’auteur de nô le plus important de l’histoire. Il souligne l’importance de développer des pièces en accord avec son époque et qu’il faut donc éviter de reproduire toujours les mêmes. Les pièces en elles-mêmes se déroulaient sur des scènes surélevées et en plein air (même si elles sont de nos jours jouées en salles). Le choeur et les musiciens restent assis sur le côté et assurent les bruitages, les musiques et les cris qui rythmeront l’action.

Chaque pièce met en scène un protagoniste nommé le shite, c’est-à-dire celui qui agit et qui influe. Il est le maître danseur et chanteur en plus de porter la pièce la plus importante du vestiaire préparé pour le spectacle. Le personnage secondaire, c’est le waki, qui sert souvent de narrateur et déclenche des situations que le shite va devoir résoudre. Ce dernier, comme d’autres personnages, portera traditionnellement un masque en bois très stylisé qui permet de traduire les métamorphoses du personnage. C’est à l’acteur de transcrire l’émotion du personnage sur le masque à travers des jeux de lumière et de mouvements. Pour apprécier le nô, il faut toute la journée. En effet, il est souvent question d’enchaîner cinq pièces, qui seront interrompues par des kyogen, détendant l’atmosphère avec humour avant de replonger dans la prochaine interprétation.

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Après la révolution théâtrale opérée à travers Kan’ami et son fils Zeami, le genre parvient à plaire à l’ensemble de la populaire étant donné qu’il conserve le meilleur des deux mondes. Le raffinement de la cour et l’humour du peuple. Le genre connaît un déclin en même temps que le régime des shoguns et c’est finalement avec le succès du genre auprès des diplomates étrangers que le nô renaît de ses cendres au XIXe siècle.

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