Peintre à l’univers particulier, Frida Kahlo fut une artiste très productive qui nous a laissé de nombreuses oeuvres marquantes. Mais la patte si particulière de Kahlo et son goût pour le symbolisme peuvent parfois rendre certains de ses tableaux confus pour le spectateur. Pourtant, en se penchant sur l’histoire cachée derrière ces oeuvres, elles peuvent prendre une toute autre signification qui permet d’encore mieux les apprécier.

La peintre mexicaine Frida Kahlo est reconnue pour ses toiles colorées, ses sujets symboliques et ses séries d’auto-portraits. Inspirées par « tout ce qui [lui] passe par la tête sans aucune considération », ses peintures sont profondément personnelles. Et si le message derrière ces oeuvres peut parfois paraître obscur à interpréter, une fois vues à travers le prisme de leur contexte, leur signification commence à prendre forme.

Frida Kahlo explore de nombreux thèmes dans ces oeuvres, de son intérêt pour l’ancienneté et l’héritage à ses luttes avec son infertilité ou sa féminité. Ses peintures les plus célèbres semblent tout de même tourner autour de deux événements majeurs de sa vie : son traumatisant divorce avec l’artiste Diego Rivera et un accident quasi-mortel auquel elle a survécu pendant son adolescence. Nous vous proposons de revenir sur le contexte et l’histoire de 5 des oeuvres les plus célèbres de l’artiste, de façon à mieux en saisir les thèmes, le sens et l’émotion qui se cachent en elles.

AUTOPORTRAIT AU COLLIER D’ÉPINES ET COLIBRI (1940)

Au cours de sa carrière, Frida Kahlo a peint plus de 55 portraits d’elle-même dont Autoportrait au Collier d’Épines et Colibri. Aujourd’hui, ce tableau est l’un de ses portraits les plus largement reconnus, notamment à cause de son contexte particulier de création et la nature symbolique de ces images. Kahlo a achevé cette oeuvre en 1940, un an après son tumultueux divorce avec Diego Rivera.  Compte tenu de sa période de création, Autoportrait au Collier d’Épines et Colibri est perçu comme une réflexion de l’état émotionnel de la peintre pendant sa rupture.

Dans la peinture, Kahlo est placée devant un feuillage entre une panthère et un singe. Elle et Rivera ont gardé de nombreux singes comme animaux. Des animaux dont on pense qu’ils servaient de substituts aux enfants que le couple ne pouvait concevoir. Autour de son cou, l’artiste porte un collier fait d’épines avec un colibri mort pour pendentif. Malgré le fait que l’accessoire la fait saigner, son expression reste stoïque. Cette approche assez calme de la douleur est typique de Frida Kahlo qui, même dévastée par son divorce, déclara qu' » au final, nous pouvons endurer bien plus que ce que nous croyons « .

LES DEUX FRIDAS (1939)

Comme le tableau précédent, Les Deux Frida a été peint en réponse à la séparation entre Kahlo et Rivera. Dans cette oeuvre, la peintre explore les deux faces de sa personnalité. A gauche, elle se représente comme une femme au coeur brisé et vêtue d’une robe traditionnelle d’Europe. A droite, son coeur est plein et elle porte une robe moderne mexicaine, un style qu’elle a adopté étant mariée à Rivera.

Les deux personnages partagent un banc, se tiennent la main, mais ce ne sont pas les seuls éléments qui les relient. Depuis leur coeur, part une même veine qui s’enroule aussi autour de leurs bras. La Frida de gauche coupe la veine avec des ciseaux chirurgicaux, la faisant saigner. Chez la Frida de droite la veine conduit à un portrait de Rivera tenu par Frida et quasiment invisible pour un oeil non attentif. Ce portrait assez unique représente donc bien le trouble identitaire auquel Kahlo a du faire face pendant son divorce.

AUTOPORTRAIT AUX CHEVEUX BOUCLÉS (1940)

Après son divorce, Frida Kahlo a cherché à se réinventer et c’est dans un acte de défiance contre son ancien mari qu’elle a peint cet Autoportrait Aux Cheveux Bouclés. Assise sur une chaise avec des ciseaux à la main et des mèches de cheveux coupés l’entourant, l’artiste est dépeinte avec une coupe courte et habillée d’un costume d’homme. En haut du tableau sont inscrites les paroles d’une chanson traditionnelle mexicaine : « Regard, si je t’aimais c’était à cause de tes cheveux. Maintenant que tu n’as plus de cheveux, je ne t’aime plus ».

L’apparence androgyne de Kahlo est bien loin des cheveux longs, robes flottantes et bijoux féminins qui apparaissent dans la plupart de ses représentations. Et pourtant, ce n’est pas la première fois que l’artiste s’essaie au look masculin. Dans plusieurs photographies prises pendant l’enfance et l’adolescence de la peintre, il apparait qu’elle portait souvent des costumes, et ceci même en présence d’amis ou de membres de sa famille habillés d’une apparence plus « féminine ».

LA COLONNE BRISÉE (1944)

« Il y a eu deux grands accidents dans ma vie. Le premier était le train, le second était Diego. Diego était le pire ». En 1925, alors âgée de 18 ans seulement, Frida Kahlo a été impliquée dans un accident de la route qui l’a laissée avec une colonne vertébrale cassée en plus de ses nombreuses autres blessures. Dans La Colonne Brisée l’artiste nous montre les effets à long terme de cet accident.

La peinture représente Kahlo après une chirurgie de la colonne vertébrale. Nue à l’exception d’un drap d’hôpital et d’un corset métallique, son corps est percé de clous (peut-être une référence à l’imagerie chrétien du Christ) et est montré comme coupé en deux. Visible dans la fissure qui sépare son corps, on retrouve aussi une colonne ionique fissurée qui a remplacé sa colonne vertébrale, et symbolise son corps brisé.

LE CERF BLESSÉ (1946)

Comme La Colonne Brisée, Le Cerf Blessé est un auto-portrait qui s’adresse symboliquement à la douleur physique et émotionnelle associée aux blessures de l’artiste. Dans ce tableau Kahlo se représente en cerf, un choix peut être inspiré par son cerf de compagnie Granizo. Percé de flèches et placé sous une bernache cassée (un objet utilisé dans les traditions funéraires mexicaines), il est clair que l’animal est sur le point de mourir.

Au moment de la création de la peinture, la santé de Kahlo était sur le déclin. En plus des mauvaises opérations de correction qu’elle avait dû subir et de la douleur physique grandissante liée à son accident, la peintre souffrait aussi de gangrène et d’autres maladies. A l’image du tableau précédent, Le Cerf Blessé renvoie aussi à des symboles chrétiens. On peut ainsi y voir une référence à Saint Sébastien, martyr tué par une pluie de flèches et qui devint par la suite un sujet populaire pour l’art.

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