Aujourd’hui, les pirates sont entrés dans l’imaginaire, les romances, les films, etc. Nous les voyons comme des grands méchants, des hommes en quête de trésors, des fripouilles imbibées de rhum, ou encore pour certains comme des héros. Nombre d’entre eux ont marqué l’Histoire comme Barbe Noire, Rackham le Rouge ou même Anne Bonny. Homme barbu avec un cache-œil, édenté et pourvu d’une jambe de bois, le pirate que l’on s’imagine n’est pas si éloigné des hommes qui écumaient les mers au 18e siècle. Dans les premières années, les corsaires ont un réel statut, et sont même engagés pendant la guerre de Succession d’Espagne. Cependant, une fois cette guerre finie, les pirates se retrouvent hors la loi. Voici comment ces hommes sont devenus de vrais bandits des mers.

Histoire de pirates

La piraterie est loin d’être un effet de mode du 18e siècle. En effet, elle existe depuis l’Antiquité, et d’ailleurs Jules César lui-même a eu affaire à des pirates. César fut enlevé par des pirates, et une fois libéré contre rançon, il entreprit de se venger. Mais nous trouvons aussi trace d’autres pirates : les Vikings. Il est vrai que si nous considérons que le terme pirate désigne toute personne qui parcourt les mers pour se livrer au pillage, les Vikings étaient des pirates. Mais ils ont aussi été de très grands explorateurs.

© Willen Van de Velde le Jeune – Bataille entre un navire anglais et des vaisseaux des corsaires barbaresques / Wikipédia

En somme, nous retrouvons des pirates à travers les âges. Mais la piraterie connut son âge d’or dans les années 1660. A cette époque, Anglais, Hollandais et même Français parcourent l’océan Indien et les Caraïbes pour attaquer et piller les navires de la Couronne d’Espagne. De plus, l’Angleterre elle-même encourage le brigandage des mers, car les pirates rapportent aux Antilles britanniques. Puis, dans les années 1700, de nouveaux pirates apparurent : les corsaires. Les corsaires sont en quelque sorte des pirates, seulement contrairement à ces derniers, ils doivent rendre des comptes à leur pays et sont exclusivement recrutés en temps de guerre. En effet, les pirates ne se rendent des comptes qu’entre eux, et ne sont pas liés à un pays, mais à leur équipage.

© Franck E.Schoonover – Barbe Noire dans la fumée et la flamme / Wikimedia Commons

La guerre entre les Bourbons et les Habsbourg

En 1701, commença ce que nous connaissons comme étant la guerre de Succession d’Espagne. Charles II est décédé un an plus tôt, sans descendance, et deux familles proches du roi d’Espagne revendiquent le trône. Ce sont les Bourbons de France et les Habsbourg d’Autriche. Non seulement ces deux familles s’affrontent en Europe, mais elles s’affrontent aussi dans leurs colonies des Caraïbes. Et plutôt que de recruter des marins, de les former et de construire de nouvelles flottes, les Bourbons et Habsbourg ont recours à un autre stratagème. En effet, les mers sont pleines de navires de pirates avec leur propre capitaine, leur propre équipage et aussi leurs propres canons. De ce fait, les pirates se battant pour une des deux familles ont acquis le statut de corsaire.

© Juan Carreño de Miranda – Charles II en grand maître de la Toison d’or / Wikipédia

Ces nouveaux corsaires sont donc liés à un pays et sont protégés par le sceau royal de France ou d’Autriche. Ils attaquent et pillent les navires ennemis, et uniquement les navires ennemis. Pendant près de 12 ans, les corsaires des Bourbons et des Habsbourg vont écumer les Caraïbes pillant et volant pour leur pays. Pour faciliter le recrutement d’encore plus d’hommes, on leur promet une nouvelle vie et des sommes intéressantes. Même la promesse de leur vie sur mer et sur terre est alléchante.

Cependant, cela ne va pas durer longtemps pour les corsaires. Effectivement, les membres de la marine royale s’accaparent leurs butins. Mais ces promesses si belles ne sont guère tenues. En réalité, le statut de corsaire n’est pas ce qu’il semblait être. Ceux qui étaient partis, pour une vie meilleure et pour faire fortune, se rendent vite compte de la supercherie. En effet, les hauts gradés et les simples marins n’ont pas les mêmes avantages, et l’illusion ne fait pas long feu. L’inégalité entre les corsaires est réelle et flagrante.

Le traité d’Utrecht et la fin du statut de corsaire

1713 sonne le glas des corsaires. Effectivement, les Bourbons et les Habsbourg ont trouvé un terrain d’entente. L’Europe est épuisée par ces longs combats, et un roi pour l’Espagne est choisi. Philippe V, petit-fils de Louis XIV conservera le trône d’Espagne, mais devra renoncer au trône de France, ainsi que toute sa descendance. Il succède donc à son grand-oncle, Charles II, et devient le premier roi d’Espagne de la lignée des Bourbons.

© Jean Leon Gerome Ferris – Capture du pirate, Barbe Noire, 1718 illustrant la bataille entre Barbe Noire le pirate et le lieutenant Maynard à Ocracoke Bay / Wikimedia commons

Cependant, ce traité est loin de ravir les corsaires. En effet, leur statut de protégé se termine en même temps que le traité d’Utrecht est signé. De ce fait, ils redeviennent pirates. La fin de cette guerre et le début d’une ère de paix font que les corsaires sont gentiment remerciés. Certains se tournent vers le commerce maritime, mais ils n’ont guère plus de chance qu’en tant que corsaires. D’autres retournent à leurs vieilles habitudes : le brigandage des mers, mais cette fois-ci sans protection royale.

De 1500 à 1713, les pirates étaient en quelque sorte les instruments des monarques européens. Ils étaient utilisés dans le but d’affaiblir les royaumes ennemis et de faire proliférer le commerce de leur propre pays dans les Antilles. De ce fait, les pirates n’étaient pas réellement combattus. Ils étaient plutôt assez libres, mais n’attaquaient jamais des navires de leur propre patrie. Mais après 1713, les pirates n’avaient plus réellement d’intérêt pour les monarques européens. C’est alors que débuta un nouvel âge d’or de la piraterie.

Le nouvel âge d’or de la piraterie

De 1713 à 1717, plusieurs corsaires continuent leurs attaques contre leurs ennemis passés. Puis, progressivement, ils commencent à attaquer des navires de leur propre patrie. A cette époque, le nombre de flibustiers augmente. D’ailleurs, certains marchands leur achètent leurs prises en douce, et leur fournissent même des munitions pour continuer. Le pirate fait donc fonctionner le commerce. Seulement, les grandes têtes couronnées de l’époque ne voient pas cela d’un très bon œil. En effet, Français, mais aussi Anglais entament une répression à l’encontre des pirates. De nouvelles lois apparaissent, des pirates sont exécutés, etc. Mais cette répression ne produit pas l’effet voulu, mais plutôt l’inverse. Le nombre de pirates augmente considérablement, passant de 1 000 individus à près de 2 500.

A partir de 1717, les pirates se radicalisent. Ils ne sont plus français, anglais ou hollandais, ils sont pirates et fiers de l’être. C’est à ce moment-là que les prises des pirates augmentent. Ouvertement hommes de la mer, et non appartenant à une patrie, les pirates attaquent tout navire étant sur leur chemin. C’est aussi le moment où tout change pour les membres des équipages. En effet, la maltraitance est interdite, les décisions sont collectives et la répartition des butins se fait de manière équitable entre chaque membre de l’équipage. En somme, les pirates mettent en application des lois qui sont drastiquement contraires à celles qu’ils ont connues en tant que corsaires.

Meurtriers sanguinaires ou avant-gardistes ?

Cependant, les pirates ne sont pas des bouchers sanguinaires. Loin de là. En réalité, ils détestent combattre et font tout pour l’éviter. De plus, ceux qui veulent les rejoindre sont les bienvenus, mais ils ne sont jamais enrôlés de force. Sauf dans certains cas, comme avec des charpentiers ou encore des médecins. Seul un mauvais capitaine sera maltraité par les pirates, et si d’aventure, il s’avère qu’il traite son équipage avec gentillesse, les pirates le relâchent avec navire et équipage, ne pillant sur le navire que ce qu’ils estiment juste.

© Benjamin Cole – Anne Bonny et Mary Read condamnées pour piraterie / Wikimedia commons

De même, la plupart du temps, l’équipage d’un navire de pirates se compose d’individus de tous horizons. Européens, Amérindiens et anciens esclaves se côtoient joyeusement et décident tous ensemble. On trouve aussi des femmes, comme Anne Bonny et Mary Read parmi les plus célèbres, qui ont navigué avec Jack Rackham. De plus, les pirates n’étaient pas sexistes, comme nous avons tendance à le croire, et l’homosexualité était facilement acceptée.

La guerre gagnée contre la piraterie

Mais l’âge d’or de la piraterie entraîne aussi quelques petits soucis commerciaux. Effectivement, les pirates ne font plus de distinction, ils hissent leur Jolly Roger dès qu’ils voient une proie, et surtout si c’est un négrier. Gouvernement, religieux et marchands se liguent contre eux et dépeignent une image peu glorieuse de ces anciens corsaires. Les pirates sont exécutés, torturés, envoyés dans des mines. Certains exhibent leurs cadavres comme des trophées. Et les pirates répondent. Dès 1722, les attaques de pirates sont de plus en plus violentes, et enrôlent maintenant de force pour renverser leur équipage.

L’étau se ressert sur les pirates. Les gouvernements envoient de nombreuses flottes pour les détruire. De plus, les voies maritimes sont mieux sécurisées et les bateaux commerçants mieux équipés. Et c’est ainsi qu’en 1726, les derniers pirates de cet âge d’or disparaissent.

Cependant, ce ne sera pas la fin de la piraterie, puisque de nouvelles terreurs des mers apparaissent quelques années plus tard. Encore aujourd’hui, des pirates écument les mers dans le golfe de Guinée, mais ils n’ont plus grand-chose à voir avec les pirates du 18e siècle.

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