Les troubles du sommeil sont un fléau souvent négligé. Rien qu’aux États-Unis, une personne sur six est concernée et les dispositifs d’analyses scientifiques du sommeil reposent sur des techniques anciennes. Aujourd’hui, une innovation vient en bousculer les codes.


Un phénomène de masse

Insomnie, apnée du sommeil, cauchemars récurrents… Les troubles du sommeil sont souvent expérimentés de façon temporaire mais certaines personnes qui en sont victimes vivent un véritable calvaire. Si leur vie n’est pas immédiatement en danger, leur santé mentale et physique ainsi que leur vie sociale, peuvent s’en retrouver menacer à long terme. Ces différents problèmes sont de surcroît extrêmement répandus dans notre société. Les anomalies du sommeil peuvent être liées à des maladies graves (crises d’épilepsie nocturnes) et cela peut nous permettre de mieux comprendre leurs mécanismes (comme Alzheimer ou Parkinson). L’analyse scientifique du sommeil et des rêves est donc un vrai enjeu.

Or aujourd’hui, l’étude du sommeil chez les patients repose principalement sur l’électroencéphalographie. Cette technique, développée dès les années 1920, est à l’époque une prouesse technologique, ce qui explique sa longévité. Cette méthode d’exploration cérébrale analyse l’activité neuronale du cortex par le biais de signaux électriques. Indolore et non invasif, l’examen nécessite tout de même un certain appareillage : électrodes sur le cuir chevelu, ordinateur pour lire et interpréter les données mesurées… Ainsi si cette technologie a fait ses preuves, elle a un gros défaut : elle nécessite de se rendre à l’hôpital.

L’électroencéphalographie nécessite de placer sur le corps du patient des électrodes. Indolore, mais gênant, notamment lorsqu’on lui demande s’endormir.

Une intelligence artificielle qui lit les ondes

Demander à un patient souffrant de stress ou d’anxiété au point de perdre le sommeil de s’endormir dans un hôpital entouré de personnel médical avec des électrodes sur le crâne ne serait pas une prise en charge appropriée. Et donner des somnifères à ces patients ne serait pas adapté car ces derniers biaisent les résultats dans de nombreux cas. Pouvoir analyser son propre sommeil chez soi : voilà l’avancée majeure des scientifiques du CSAIL (Computer Science and Artificial Intelligence Laboratory) et du Massachusetts General Hospital.

« Imaginez que votre routeur Wi-Fi sache quand vous êtes en train de rêver, et puisse vérifier que vous ayez assez de sommeil profond nécessaire au renforcement de la mémoire », explique Dina Katabi, l’une des chercheuses. C’est un peu le principe de leur invention. Un émetteur d’ondes de faible puissance, placé dans la chambre du dormeur, envoie des ondes qui sont réfléchies sur le corps. Le moindre mouvement modifie leur fréquence. Très sensible, ce système permet de mesurer les rythmes cardiaques ou respiratoires. En raison des innombrables interférences possibles, c’est grâce à un puissant algorithme, guidée par une intelligence artificielle, que les signaux sont décodés. Le plus dur a d’ailleurs été d’empêcher les innombrables objets et mouvements parasites de fausser les calculs réalisés par l’intelligence artificielle.

L’appareil n’est pas plus grand qu’un ordinateur portable. Il permet d’analyser notre sommeil par les ondes aussi bien que l’électroencéphalogramme à l’aide de signaux électriques.© Shichao Yue, MIT

Des premiers tests concluants

Le système n’a donc pas besoin d’un médecin pour les analyses. Il n’implique aucun inconfort physique comme les électrodes, ni déplacement à l’hôpital. Il pourrait donc révolutionner le domaine, chaque patient pouvant en placer un chez soi : les premiers tests ont été un vrai succès. Les chercheurs ont choisi 25 volontaires en bonne santé. Leur machine est parvenue à détecter dans 80 % des cas (un taux équivalent à celui de l’électroencéphalogramme) les différentes phases de sommeil (lent, profond, et paradoxal, où ont lieu les rêves).

Dans un avenir proche, les spécialistes pourraient donc surveiller en temps réel les troubles de sommeil de leurs patients. Un gain de temps et d’énergie considérable pour des résultats équivalents. Dans un premier temps, l’équipe compte utiliser cette nouvelle technologie pour se pencher sur les liens entre le sommeil et la maladie de Parkinson. Surtout, cette technologie pourrait provoquer une prise conscience de l’ampleur des troubles du sommeil, souvent ignorés ou minimisés par les individus qui en sont victimes. Ainsi, près de 40 % des français souffrent d’un trouble du sommeil, dont la moitié l’ignorent… Soit environ 13 millions de français. Non sensibilisés à la question malgré son importance, la plupart d’entre eux n’iront jamais consulter un médecin. À moins, justement, qu’une machine installée chez eux dans un avenir proche ne les renseigne directement.

L’insomnie concerne 22 % des français. En cause les rythmes de travail, l’usage excessif d’écrans (lumière bleue), mais aussi des troubles du sommeil non diagnostiqués
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