Simone Veil s’est éteinte ce vendredi 30 juin. Grande figure politique du XXe siècle, humaniste intransigeante, elle avait notamment porté la loi sur la dépénalisation de l’interruption volontaire de grossesse. Hommage.

Une jeunesse marquée par l’époque

Simone Jacob naît le 13 juillet 1927 à Nice dans une famille juive peu pratiquante. Elle est la benjamine de la fratrie de quatre enfants. Son père, André Jacob, est un architecte de renom. Elle ne grandit pourtant pas dans l’opulence. La grande crise de 1929 frappe de plein fouet la situation de la famille Jacob. Ils déménagent dans un appartement exigu, et, face à la chute des commandes que connaît son père, sa mère, Yvonne (née Steinmetz), pourtant bachelière, tricote pour les enfants démunis.

La situation devient tragique pour la famille Jacob dans les années suivantes. Lorsque la guerre éclate en 1939, Simone a douze ans. Les lois raciales de la France de Vichy interdisent à André l’exercice de sa profession. Désormais, sa mère passe donc ses journées à chercher de la nourriture pour ses enfants. En 1944, alors qu’elle passe son baccalauréat, Simone est arrêtée par la Gestapo. Toute la famille est déportée. Son père et son frère sont envoyés en Lituanie. Ils ne reviendront pas.

Avec sa soeur et sa mère, Simone est internée à Auschwitz. Elle survit en mentant sur son âge (elle n’a alors que 16 ans), pour être envoyée aux travaux forcés. Sa mère y meurt l’année suivante. Orpheline, Simone Jacob, rentre en France à la libération. Elle connaît le tourment des rescapés des camps : « [j’étais] disposée à en parler, à témoigner. Mais personne ne voulait nous entendre ».

Simone Veil a été déportée à Auschwitz-Birkenau d’avril 1944 au 15 Avril 1945.

 

L’engagement en politique

Bachelière à 16 ans, Simone Jacob fait de brillantes études. Sa licence de droit et son diplôme à l’Institut d’études politiques (où elle rencontre son mari André Veil qu’elle épouse en 1946) lui ouvrent les portes de la magistrature en 1956. Désormais haute fonctionnaire, en pleine guerre d’Algérie, elle obtient l’extradition en France de prisonnières algériennes exposées aux mauvais traitement et aux viols. Un engagement humaniste qui ne lui fera jamais défaut.

En 1974, le président Valery Giscard d’Estaing la nomme ministre de la santé. Dépassant les clivages, elle parvient, grâce aux voix de la gauche, à faire adopter contre l’avis d’une partie de son camp, la loi de dépénalisation de l’interruption volontaire de grossesse (IVG). Femme intègre, sans compromis sur ses valeurs, Simone Veil n’hésite pas en effet à bousculer son camp si ses principes sont en jeux. À la fin des années 1970, elle s’oppose notamment au projet du président de retour forcé des travailleurs algériens. Dix ans plus tard, elle s’oppose clairement à toute alliance entre la droite et l’extrême droite : « entre un front national et un socialiste, je voterai pour un socialiste », dit-elle en 1988. Deux ans plus tard, elle qualifie d' »inadmissible » les velléités de création d’un système de fichage généralisé par le renseignement intérieur.

Son engagement libéral l’amène également au parlement européen, qu’elle préside de 1979 à 1982. Elle sera par la suite à la tête du groupe des libéraux, et soutiendra notamment le oui au projet de Constitution européenne en 2005, quitte à sortir de son devoir de réserve.

Simone Veil en 1984

 

Une des grandes figures de la vie politique française

Depuis 1998, elle est en effet membre du conseil constitutionnel. À la fin de sa vie, les hommages et les décorations pleuvent sur Simon Veil. Une vingtaine d’université européennes, mais aussi israéliennes et américaines lui décernent des titres honorifiques. Elle préside jury et fondations (fondation Chirac, Fondation pour les victimes de la Shoah….).

Elle est faite grand officier de l’ordre de la légion d’honneur en 2008, décorée de la Grande Croix en 2012. Aujourd’hui, de nombreux hôpitaux et lycées, et même une rue à Nice, portent le nom de cette grande figure de l’émancipation des femmes. Son autobiographie, publiée en 2007, s’écoule à plus de 500 000 exemplaire et obtient des prix littéraires.

En 2008, elle entre ainsi à l’Académie Française, dans le fauteuil de Pierre Mesmer, qui fut aussi occupé par ni plus ni moins que Jean Racine et Camille Claudel. Trois présidents ou anciens présidents assistent à son intronisation. Sur son épée sont gravés les devises française (Liberté, Égalité, Fraternité) et européennes (Unis dans la Diversité), symboles de son engagement. Y figure également le numéro du matricule tatoué sur son bras à Auschwitz-Birkenau : 78651.

 

Discours prononcé à l’assemblée nationale en 1974, avec des arguments toujours aussi actuels :

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