Chez les araignées, être une bonne tatie ne se résume pas à nourrir et dorloter les adorables bambins de votre petite soeur. Le prix à payer pour brandir le diplôme de « la meilleure tata du monde » est bien plus spectaculaire : votre vie…

La société selon S.D. 

Les stegodyphus dumicola sont des araignées sociales du sud de l’Afrique. Elles sont relativement faciles à débusquer grâce à leurs gigantesques nids, alliage de leur soie et de végétaux en tous genres. La forteresse est cernée d’imposantes toiles érigées en l’honneur des imprudents voyageurs. À la manière des abeilles et des fourmis, elles sont des centaines à s’organiser pour la défense du nid, la capture des proies, et même le soin des nouveaux-nés ! Chaque stegodyphus dumicola – appelons-les Cola – a une espérance de vie relativement courte : un an tout au plus. Et durant ce laps de temps, elles ne peuvent se reproduire qu’une seule fois… Le cannibalisme des Cola est directement lié à leur éphémère existence : il assure la survie de l’espèce.

« Mangez-moi, mangez-moi, mangez-moi ! »

L’intérêt général prime toujours chez les Cola, et tant pis s’il nécessite le sacrifice de vierges ! La femelle demeurée « intacte », cantonnée au rôle de nounou, est ainsi invitée à se laisser dévorer vivante par la progéniture dont elle s’occupait si bien.

« Il n’y a aucune agression apparente. C’est comme si les femelles invitaient directement les nouveaux-nés à se jeter sur elles ! »

« Les bébés araignées commencent littéralement à se nourrir sur la femelle, qui est toujours en vie ! » nous indique Trine Bilde, de l’Université d’Aarhus au Danemark. Les nouveaux-nés lui injectent alors des enzymes dissolvantes : ses organes internes se liquéfient et tournent à la mélasse. Les petits rejetons peuvent désormais se repaître des fluides. Miam !

De la Tatie à la Mommy

Les Cola ne sont pas les seules araignées à recourir au biberonnage cannibale : les stegodyphus lineatus ont poussé l’idée encore plus loin ! Les lointaines cousines ne vivent pas selon la vision binaire : accouplées d’un côté, et vieilles filles de l’autre. Le simple fait de se reproduire ne restreint pas les femelles à leur seule progéniture : elles s’occupent de tous les nouveaux-nés comme s’ils étaient les leurs. Un élan de générosité qualifié d’ « alloparenting » par les chercheurs. Il y a toutefois une limite : c’est la mère, et uniquement elle, que les petits gloutons sont autorisés à déguster. Y a-t-il plus belle preuve d’amour qu’un matriphage ?

Le sacrifice utile

« L’investissement dans cette progéniture est essentiel pour que la seule reproduction de leur vie soit un succès » avance Trine Bilde. Les colonies de Cola abritent plus de de femelles que de mâles, et seules certaines d’entre elles peuvent procréer. Rien ne se perd, tout se recycle : lorsque les femelles sont incapables d’assurer la survie de l’espèce par la reproduction, elles le font d’une manière plus hardcore : « Offrir son corps en repas est un choix censé qui suit l’évolution de l’espèce. »

L’habitat naturel des stegodyphus dumicola pourrait lui aussi jouer un rôle essentiel dans l’institutionnalisation de ces sacrifices : « Les araignées de la famille des Stegodyphus occupent des contrées désertiques, où les proies se font plutôt rares » reconnaît Mor Salomon, chercheuse à l’Israel Institute for Biological Control aux États-Unis. Une femelle Cola est une offrande inespérée pour les petiots : elle « produira toujours plus de viande que n’importe quelle autre proie. » Pour les Dumicola comme pour les Lineatus, la faim justifie les moyens.

 

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