Ce serait l’aboutissement de plusieurs décennies de recherche. Les derniers travaux publiés par une équipe de scientifiques marseillais et espagnols sont extrêmement prometteurs. Ils seraient sur la bonne voie pour vaincre une redoutable maladie : la progéria. Au passage, leurs recherches nous en apprennent beaucoup sur les maladies génétiques et le vieillissement.

 

Une terrible maladie

Heureusement qu’elle est rare. La progéria est une maladie infantile aux conséquences terrifiantes. La maladie induit de graves dysfonctionnements au niveau cellulaire. L’ensemble des cellules, mises à part les neurones, sont peu à peu touchées. Les symptômes sont comparables à ceux du vieillissement : douleurs articulaires, peu de cheveux, peau fine, et surtout accidents cardio-vasculaires. En moyenne, les malades meurent à l’âge de 13 ans. Ils ont alors déjà l’aspect de vieillards.

Cette maladie a longtemps été mal comprise des chercheurs. Peut être en raison du faible nombre de victimes (elle ne touche qu’une naissance sur 10 ou 20 millions), plus probablement en raison de la complexité de son origine génétique. Avec une centaine de patients concernés dans le monde, elle ne mobilise pas assez les circuits habituels de financements médicaux. Aujourd’hui elle est donc malheureusement toujours incurable, mais on commence progressivement à la comprendre, en grande partie grâce aux financements apportés par le Téléthon. Avec l’espoir de pouvoir un jour la guérir.

Une fillette atteinte de progeria

 

Premiers succès

Tel est en tous cas l’objectif de l’équipe de Nicolas Lévy, professeur à l’université d‘Aix-Marseille. En 2003, son équipe est la première à identifier précisément le gène responsable. Celui-ci (LMNA de son petit nom) code certaines protéines essentielles au bon fonctionnement du corps. La maladie est due à une mutation de ce gène, qui se met alors à produire une protéine toxique : la progérine. Cette protéine s’accumule progressivement dans l’ensemble des cellules saines du corps, provoquant des dysfonctionnements : cassure de l’ADN, problème de différentiation cellulaire, etc.

Une fois ce gène et cette toxine mis en évidence, les chercheurs peuvent s’atteler à la complexe tâche d’établir une feuille de route thérapeutique. En 2008, ils s’associent avec leurs collègues espagnoles de l’université d’Oviedo pour lancer des essais cliniques sur 12 enfants atteints de progéria. Dans un premier temps, leur objectif est de ralentir l’effet toxique de la progérine, et donc d’allonger la durée de vie des malades. Ils vont pour ce faire combiner deux molécules : des statines (déjà utilisées dans la prévention du cholestérol et des maladies cardio-vasculaires) et des amino-bisphonates (utilisées elles dans les traitements de maladies osseuses).

Cette thérapie génique, dont les résultats sont attendus pour 2018, a pour but de réduire la toxicité de la progérine mais n’empêche ni pas sa production. L’équipe peut se targuer d’avoir au moins éclairé d’un angle nouveau le processus de vieillissement. Au passage, ils créent la société Prenyl B. Cette entreprise marseillaise au chiffre d’affaire en pleine expansion réutilise les travaux sur la progeria pour mettre au point un sérum anti-âge. Les affaires sont en marche, ce qui permet à Nicolas Levy et Pierre Cau (son associé biologiste) de réinvestir une part des bénéfices dans la recherche sur les maladies rares. Un cercle vertueux, en somme.

une cellule altérée par la progérine (elle devrait être sphérique)

 

La mise en place d’une thérapie génique ciblée

Le plus grand défi reste cependant à relever. Il ne s’agit cette fois plus de simplement réduire les effets de la progérine mais de la bloquer. Avec l’aide du généticien Bernard Malissen, ils se lancent dans l’expérimentation sur des animaux. Ils introduisent en laboratoire une mutation similaire à celle des victimes de la progeria chez des souris. Un « succès » : les souris se mettent bien à produire de la progérine, ce qui a sur elles des effets comparables à ceux sur l’homme (problèmes de croissance, vieillissement accéléré, réduction drastique de l’espérance de vie).

En 2011, ils parviennent ainsi à réduire considérablement la production de la protéine néfaste chez les souris, grâce à la thérapie anti-sens. Ils introduisent sur le gène concerné un oligonucléotide synthétique, qui va modifier la production de progérine (et de Lamine A, la protéine correspondant normalement au gène LMNA). En l’occurrence, la production est bien réduite. La thérapie chez l’homme devrait être proposée à partir de 2019.

Mais parallèlement, les scientifiques ont, dans leur dernières publications, suivi une autre piste avec des résultats assez concluant. Ils auraient en effet mis au point une nouvelle molécule, baptisée MG132, qui combinerait en quelque sortes les différentes pistes suivis. Lors des premiers essais sur des souris et des cellules humaines in vitro, cette molécule à réussi à la fois à réduire la production de progérine et à faire en sorte que celle-ci se dégrade avec le temps. Si ces résultats devaient être confirmés par d’autres essais, il semblerait bien que cette quête de près de 15 ans touche à sa fin.

 

Cet adolescent âgé de 15 ans raconte son expérience de la maladie (contenu en anglais) :


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